Boum, Boum, Boum (…) Boum, Boum, Boum (…) Boum, Boum, Boum (tsh, tsh, tsh) Boum, Boum, Boum… On reconnaît immédiatement la rythmique du Temperature, de Sean Paul, sur laquelle on va coller la basse du hit de 50 Cents, In Da Club, puis Billie Eilish viendra susurrer son Bad Guy… Et hop, un mix qui tue, posé et calé en quelques secondes ! Voilà un moment que Fuser fait monter la pression, dévoilant doucement depuis plusieurs semaines une playlist alléchante.
Signé d’un spécialiste du jeu musical, on avait un peu de mal à comprendre, lors des premières présentations, comment le jeu fonctionnait… Mais surtout, depuis que la mode des jeux musicaux (de Sing Star à Guitar Hero puis Rock Band) est un peu retombée, on était impatient de se remettre à la discipline. Alors Fuser sera-t-il celui qui relancera le genre ?
(Test de Fuser réalisé sur PlayStation 4 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
I am a DJ, I am what I play (David Bowie)
On doit Fuser à Harmonix, spécialiste des jeux musicaux comme Rock Band, Dance Central ou plus récemment le jeu VR Audica. Et Fuser n’échappe pas à la règle : il s’agit d’un jeu de rythme dans lequel appuyer sur le bon bouton au bon moment – l’essence même du jeu vidéo depuis… toujours, à peu près – sera capital.
Mais contrairement à un jeu Hatsune Miku, ce ne sera pas ici la mécanique de gameplay principale. Dans Fuser, on incarne un DJ disposant de quatre platines et d’une caisse de disques, et il s’agit d’utiliser au mieux ces éléments à notre disposition pour créer le mix le plus cool.
Chaque morceau possède ainsi quatre éléments : le rythme (la batterie), les basses, la mélodie (guitare, clavier, scratch, etc.) et la voix. Chacun de ces éléments d’une chanson correspond à une platine, et le jeu consistera à mélanger entre eux les différents ingrédients des différents titres pour obtenir un mix harmonieux.
Once upon a time a DJ’s task/Was just to play records, what more could you ask? (Ice T)
On ne s’occupe pas du rythme, le jeu synchronise automatiquement les différents éléments – au risque d’avoir des résultats surprenants, voire un peu moches. Le jeu n’indique en effet pas les BPM des différents morceaux, et on peut se retrouver par mégarde avec une partie chantée beaucoup trop lente, ou au contraire beaucoup trop accélérée, ce qui aura tendance à complètement gâcher le mix. Cela reste néanmoins plutôt rare, et n’arrive que quand on pose la voix d’un morceau d’un certain genre (country, pop, dance, R’n’B, entre autres) sur la batterie d’un autre genre trop éloigné.
On l’a dit, c’est Harmonix et c’est un jeu de rythme, alors la composante « le bon bouton au bon moment » reste importante. On viendra alors prendre soin d’envoyer chaque élément en rythme, aidé par un métronome qui compte les temps.
Mieux qu’en rythme, il faudra aussi envoyer les disques au début d’une « phrase » musicale. Par exemple, le mix sera d’autant meilleur si on démarre un disque sur le début du refrain, pas au milieu d’une phrase… Pour ne pas se louper, le métronome, en plus de compter les temps, nous indique les « levées » de chaque morceau, soit les moments opportuns pour envoyer les disques.
Ainsi chaque disque est « codé », et indique le début d’un solo de guitare, les débuts des refrains et couplets, etc. Ce sont des petits points colorés (rose pour la batterie, bleu pour les basses, vert pour la mélodie et rouge pour la voix), placés sur le métronome, qui nous indiquent ces points clés, et c’est là qu’intervient le jeu de rythme au sens « Hatsune Miku » du terme.
Hang the blessed D.J. (The Smiths)
Lancer un sample au bon moment sera particulièrement apprécié du public, et fera monter l’applaudimètre, où se joue le scoring de Fuser. En tant que DJ, notre boulot est en effet d’abord de faire danser le public, qui est le seul à même de juger de notre prestation.
Sa satisfaction prend la forme d’une classique barre d’énergie, qui monte ou descend au gré du kif du public. Bien entendu, une fois que la barre a atteint son niveau minimal, c’est le game over. Au contraire, pour la faire monter, il faut, comme on l’a dit, jouer en rythme, mais aussi faire évoluer très régulièrement le mix, et répondre aux demandes du public, qui réclamera ici un morceau des années 80, là une chanson pop ou dance, et parfois même un titre en particulier.
Cette façon de compter les points constituera la plus grosse faiblesse du jeu. En effet, traditionnellement, et comme le veut l’adage, « le DJ n’est pas un juke box », et n’est pas censé répondre aux sollicitations des auditeurs, souvent relous. N’importe qui ayant mixé un petit peu a l’expérience d’avoir vu arriver, en plein set électro, cette petite jeune fille qui vient réclamer un disque et demander si « t’as pas de la salsa ? »…
Mais surtout, cette obligation de changer en permanence les disques sur les platines empêche d’apprécier la musique et les mix mis en place… Ainsi, se laisser aller à écouter un peu un set bien calé nous oblige à voir la barre de score irrémédiablement descendre, jusqu’à ce qu’on se résolve à venir poser de nouveaux disques pour enrayer la diminution de l’applaudimètre. Choisir entre gagner et kiffer, c’est le drôle de dilemme un peu paradoxal auquel nous confronte Fuser. Frustrant.
Il vit dans la musique/Mon pote le D.J. (François Valery)
Ce souci s’efface évidemment une fois sorti du mode carrière qui, finalement, tient surtout lieu de gros tutoriel. Un mode carrière qui permet de prendre en main tous les outils du jeu (et ils sont nombreux, des effets aux MPC en passant par le réglage des tonalités) pour se lancer en mode libre.
Hélas, d’autres soucis subsistent et viennent gâcher un peu l’expérience. Tout d’abord, les contrôles. Si on place les disques de façon assez naturelle et intuitive sur les platines (avec une touche attribuée à chaque « couleur » : sur PlayStation, le Carré pour le rose de la batterie, la Croix pour le bleu de la basse, etc.), pour le reste (choix du disque, des outils, etc.), on utilise un pointeur façon pointeur de souris, dirigé au stick gauche. Peu ergonomique, et surtout peu dynamique.
À un certain niveau, le jeu proposera des instruments de musique pour enrichir les mix, instruments qui se jouent sur une MPC. Et jouer, en rythme, sur une MPC, un doigt à la fois, via un pointeur qu’on déplace au stick, c’est un peu comme taper un texte en tirant sur le clavier avec un Air Soft Gun à 3 ou 4 mètres de distance : possible, mais avec un taux de réussite assez faible. Surtout que pendant qu’on se bat avec sa MPC, le mix continue de tourner en arrière-plan ! Heureusement, en mode libre, ces instruments restent tout à fait accessoires, et on s’amusera très bien sans eux.
Autre souci, l’impossibilité de réaliser deux tâches en même temps, comme baisser le son sur une platine tout en montant celui d’une autre. Mais surtout, impardonnable pour un jeu de DJing, on regrette l’absence totale de préécoute, remplacée par les indications sur les « levées » (les petits points colorés mentionnés plus haut). On lance ainsi ses morceaux un peu au hasard, et on découvre en même temps que le public le résultat, et tant pis si c’est raté…
On imagine pourtant que ça aurait été très simple de mettre un master sur l’écran, et une préécoute sur le son de la manette. Cela nous aurait même permis de jouer du casque comme un « vrai » DJ ! Certes, cette configuration aurait posé problème sur Switch, mais dans ce cas, on arrête de sortir des jeux en 4K parce que cela pose problème sur Switch !
Come, Mr. DJ, song pon de replay (Rihanna)
Malgré tout, Fuser possède tout de même bon nombre de qualités. D’abord une playlist assez cool, à même de faire bouger la tête à une large majorité. Bien que le titre soit plutôt orienté pop, on y retrouve un large spectre de genres, du metal au R’n’B en passant par l’EDM ou la country, des classiques inusables (Push it de Salt’n Peppa, I wanna dance with somebody de Withney Houston, ou encore Killing in the name de Rage Against the Machine), des plaisirs coupables (The Sign, d’Ace of Base ou Call Me Maybe de Carly Rae Jepsen), de l’actualité encore chaude (l’inévitable Blinding Lights de The Weeknd, Tusa, de Karol G. et Nicki Minaj, ou encore Good as hell de Lizzo), et même quelques… mèmes, à l’image du Never gonna give you up, de Rick Astley.
Et puis, avec Fuser, tout le monde peut être DJ ! C’est en effet assez facile d’avoir un mix réussi, et on est très vite et très facilement content des résultats qu’on obtient. On se surprend rapidement à balancer la tête et à se faire sa petite soirée privée, seul sur son canap’, casque sur les oreilles…!
Enfin, le jeu est aussi bien ancré dans son époque, et est fait pour qu’on puisse publier ses mix. La popularité de sa performance parmi le public des joueurs est d’ailleurs peut-être le véritable élément de scoring du jeu !
Fuser n’est pas complètement raté, et est même plutôt sympa sur bien des points. Il se loupe néanmoins sur sa composante scoring/performance. Contrairement à un jeu de rythme traditionnel comme un Guitar Hero, on n’y reviendra pas pour essayer de grapiller des points ou de s’améliorer, mais simplement pour le plaisir de la musique.
On regrettera aussi que les contrôles n’aient pas été réfléchis pour être plus ergonomiques, voire même qu’un contrôleur dédié ne soit pas proposé dans une version « deluxe ». Néanmoins, on s’y amuse, et c’est le principal. Reste à voir sur la longueur si le jeu ne lassera pas trop vite, et si les inévitables DLC ne seront pas trop hors de prix…