Le ciel semble s’obscurcir sur l’image de Sony et plus particulièrement celle de la marque PlayStation au Japon. Malgré le succès international de la campagne de lancement de la PlayStation 5, en rupture absolument partout (même sur l’archipel nippon) et en demande parfois plus que de raison, des journalistes et analystes japonais tempèrent ce succès et pointent du doigt le lancement nippon, pire lancement qu’une console de la marque ait connu depuis ses débuts sur le marché des consoles. Un point qui selon eux ne veut dire qu’une chose : la branche gaming du géant japonais ne semble plus prendre le marché japonais « au sérieux ».
Alors attention, loin de nous l’idée de vouloir céder au sensationnalisme donc pour y voir un peu plus clair, rappelons les raisons qui poussent les joueurs japonais à se sentir floués. Cette liste est à placer dans un contexte : celui d’un Japon « conquérant » et fier de son succès (personnellement, on préfère appeler ça du chauvinisme). Bref, elle démarre en 2013 avec le lancement de la PlayStation 4. Vous souvenez-vous ? Alors que vous déballiez votre console sous votre sapin (si vous ne l’aviez pas achetée « Day 1 »), les Japonais, eux, ruminaient puisque, chez eux, la PlayStation 4, ce n’était pas avant février…
Il aura fallu une poignée d’années en plus pour ajouter à cet « affront » la décision de la firme de censurer les jeux destinés au marché nippon (et fripon), la décision de standardiser l’UI dans les machines (les japonais validaient avec « O » et annulaient avec « X » jusqu’alors) et les premiers trailers PS5 en anglais sous-titrés en japonais (sans parler des erreurs de traduction). Naturellement, si vous ajoutez que les fans doivent jouer des coudes et se battre contre les scalpeurs pour mettre la main sur une console, il ne faut pas être surpris que les dents grincent.
Bien évidemment, la compagnie s’en défend. Face à ces allégations, Jim Ryan, le CEO de la marque PlayStation, a pris la parole (notamment auprès des anglais du magazine Edge) et indique ne pas tourner le dos au marché japonais, bien au contraire. Et sur ce point, les analystes ne sont pas d’accord. L’avis sur lequel se base notre tribune ici est celui d’Hideki Yasuda, analyste chez ACE Research Institute. Ce dernier a dernièrement publié un billet sur les inquiétudes de sa firme quant aux décisions prises par le géant au sujet du marché nippon et que nous allons relater et commenter ici (par le biais d’une traduction postée sur ResetEra).
Naturellement, il est de bon ton de préciser que si l’analyste japonais aborde ce sujet, il ne le fait pas de gaieté de cœur. Bien au contraire, il cherche juste à attirer l’attention du géant sur un point que ce dernier semble avoir perdu de vue dans sa quête de marchés plus lucratifs : l’abandon d’un petit pays, mais d’un pays loyal à ses marques. Son premier point pour justifier l’abandon du marché du pays d’origine de la marque est simplement celui du nombre d’unités disponibles au lancement.
Effectivement, pour M. Yasuda, cette situation de lancement a des relents de l’époque de la PlayStation 3, comparaison pour le moins étrange puisque la console avait alors des soucis d’approvisionnement et un prix largement supérieur à celui du marché actuel. Et pourtant, des semaines après le sien, la courbe de vente de la PlayStation 5 ne prend pas de hauteur et s’aplanit, un chiffre d’ailleurs relativement bas puisqu’il n’atteint pas les 250.000 unités. Un souci qui se confirme d’ailleurs d’une semaine sur l’autre puisque la console n’est distribuée qu’à une dizaine de milliers d’unités/semaine depuis son lancement à cause de son faible apport.
L’analyste dresse donc la conclusion suivante : malgré confirmation de l’intérêt porté par la firme pour le Japon, Sony boude bel et bien le marché de son pays d’origine. Selon lui, les dégâts causés par ce faible taux de pénétration du marché pourrait être catastrophique sur le long terme, réduisant probablement à néant les possibilités de Sony de refaire une percée avec une autre console à l’avenir. Il confirme également délaisser le marché du gaming portable (avec l’abandon de la PS Vita), marché favorisé par les joueurs japonais (du fait du temps à passer dans les transport en commun et qui favorise ici la Nintendo Switch).
Mais, qu’en est-il vraiment ? Ces arguments ne sont-ils que les élucubrations d’un journaliste/analyste/gamer blasé ? Ou Sony et sa PlayStation 5 se détournent-ils réellement du Japon ? Il y a bien des chances que ces deux cas soient vrais. Prenons une seconde pour observer le marché du gaming sur sa globalité. Aujourd’hui, le marché génère 179 milliards de revenus sur la planète (un résultat estimé avec une hausse de 20%). Le marché du gaming traditionnel (à la manette sur une console) ne représente qu’une vingtaine de pour cent du marché, aujourd’hui largement dominé par le mobile.
Au Japon, c’est bien évidemment le cas. Le joueur japonais d’aujourd’hui, par contrainte de temps (longues journées de travail et longs trajets pour s’y rendre et en revenir), d’argent et place (les logements japonais sont guère spacieux), s’est naturellement tourné vers le mobile pour ses divertissements quotidiens. En 2021, le marché japonais devrait, d’après des estimations (sources : Statista), générer 19 milliards de dollars de revenus, la majorité provenant du gaming mobile qui s’en accapare 12… Dans de telles circonstances, il est normal d’imaginer que Sony, dont la branche gaming est l’une des plus prolifiques, se tourne vers l’étranger.
Et quelle cible de choix que les États-Unis ! Au jour d’aujourd’hui, le marché américain est toujours en croissance (un peu plus de 11% de recettes pour environ 7% au Japon (qui est on le rappelle dominé par le mobile)) et il est le fief de Microsoft. Quoi de mieux que d’aller mettre un kick à son rival sur son terrain pour accroître son influence sur un marché et se rapprocher d’autres marchés en émergence : les marchés latino et sud-américain (15% de progression sur l’année dernière sur l’ensemble du continent avec le Mexique et le Brésil en tête) ?
Maintenant, si vous nous demandez, le problème est tout autre… Si Sony finit par réellement froisser le Japon (ça pourrait arriver comme le confirme le départ des créateurs de Bloodborne et celui de Gravity Rush des studios japonais de la firme) et en sachant que de nombreux studios se tournent eux aussi de plus en plus vers le développement de jeux sur mobile, que pourrait-il se passer ? Une question que nous vous posons à présent.
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