Fiche de perso est une rubrique dans laquelle nous tirons le portrait d’acteurs du jeu vidéo, réels ou fictifs, qui pèsent ou ont pesé sur l’industrie. Avec la sortie de Dragon Age: The Veilguard, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir l’histoire de BioWare, le studio à l’origine de la saga.
La simple évocation de certains studios suffit à mettre des étoiles dans les yeux de certains joueurs. BioWare a longtemps été de ceux-là. Pendant des années, le studio canadien était perçu comme une référence chez les amateurs de RPG. Avec des titres aussi cultes que Mass Effect, Dragon Age ou Star Wars: Knights of the Old Republic, chaque jeu était accueilli comme un chef-d’œuvre, salué pour son univers profond, ses personnages attachants et nuancés, et son gameplay basé sur des choix moraux aux impacts diverses.
Pourtant, force est de constater que BioWare a perdu de sa superbe. Des jeux de moins en moins appréciés, des fans de plus en plus critiques… Que s’est-il passé pour que ce studio, autrefois synonyme d’excellence, se retrouve dans cette triste situation ?
Un petit studio prometteur
BioWare a été fondé en 1995 par Ray Muzyka, Greg Zeschuk et Augustine Yip, trois copains tout récemment diplômés de médecine qui se lancent dans le développement de jeux sur leur temps libre. Leur premier jeu, Shattered Steel, rencontre un succès modeste. Le projet suivant devait être un RPG intégrant les mécaniques d’un jeu de rôle papier. C’est alors que leur éditeur, Interplay, leur suggère de créer un jeu dans l’univers de Donjons et Dragons, dont il venait de récupérer les droits : Baldur’s Gate.
Le jeu connaît un énorme succès critique et commercial, tout comme sa suite Baldur’s Gate II: Shadows of Amn et leurs DLCs. BioWare commence déjà à poser les bases de ce qui fera ensuite sa réputation : des univers riches dans lesquels tout n’est pas manichéen, un système de romances et des choix qui influencent grandement l’histoire.
En 2003, BioWare s’associe à LucasArts pour sortir Star Wars: Knights of the Old Republic (KOTOR), encore considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs jeux Star Wars. Le gameplay reprend les bases des jeux de rôle papier, avec des jets de compétences en combat ou lors des dialogues. C’est aussi le premier titre de BioWare à utiliser un moteur graphique en 3D (au lieu de la vue du dessus des Baldur’s Gate), et à sortir à la fois sur PC et sur consoles.
Mass Effect et Dragon Age : l’âge d’or de BioWare ?
BioWare semblait donc parti pour un sans-faute. Mais dès 2005, les premiers signes de changement apparaissent. Le studio s’associe à Pandemic, un autre studio indépendant connu pour Star Wars: Battlefront, sous le contrôle d’une société mère nommée Elevation Partners. Cette société sera rachetée en 2007 par Electronic Arts, et c’est souvent ce moment qui est désigné comme le point de bascule pour le studio.
Pourtant, c’est la même année que sort Mass Effect, suivi en 2009 par Dragon Age: Origins. Les deux jeux se présentent comme les successeurs spirituels de KOTOR et de Baldur’s Gate, en reprenant les mécaniques déjà introduites par BioWare, mais cette fois-ci dans des univers originaux.
Les deux titres se distinguent par la qualité de leur écriture, et remportent un immense succès tant auprès de la presse que des joueurs. Notons que ces jeux étaient déjà très inclusifs dans leurs romances et les thèmes abordés. Mass Effect 2, sorti en 2010, renouvelle l’exploit et remporte le prix du meilleur jeu de l’année dans de nombreuses cérémonies, malgré un aspect RPG moins marqué pour privilégier l’action.
Cependant, même si ces jeux atteignent rapidement un statut culte, la présence d’EA se fait déjà sentir : multiplication des DLCs, pressions sur les équipes. Et ce n’était que le début.
Dérives du modèle EA
Dans la foulée, EA met la pression sur les équipes pour sortir Dragon Age 2 rapidement. Le nouvel opus, lancé en 2011, est un peu précipité, et les fans de la première heure sont déçus. Comme avec Mass Effect 2, l’aspect RPG tactique se perd au profit de l’action : un comble pour un jeu dans la lignée de Baldur’s Gate ! Le titre récolte néanmoins de bonnes critiques et réalise d’excellentes ventes. Mais l’histoire se répète avec Mass Effect 3, qui fait face à un développement chaotique et dont la fin est une énorme déception, à tel point qu’un DLC est ajouté pour corriger cette conclusion.
C’est le début de la fin pour BioWare. Le lendemain de l’annonce de Dragon Age: Inquisition, Ray Muzyka et Greg Zeschuk, les deux fondateurs restants, expliquent qu’ils quittent définitivement l’industrie du jeu vidéo. Inquisition sera un succès et remportera le titre de GOTY en 2014, mais, avec le recul, cet épisode semble être le chant du cygne du studio.
Les équipes sont de plus en plus sous pression, les départs se multiplient, les périodes de crunch deviennent de plus en plus intenses… pour quel résultat ? Mass Effect: Andromeda, sorti en 2017, reste dans les mémoires comme un mauvais jeu truffé de bugs, à des années-lumière de ce à quoi cette franchise avait habitué les joueurs. Et Anthem, qui avait voulu surfer sur la vague des micro-transactions, fut un échec retentissant rapidement tombé dans l’oubli. Entre 2019 et aujourd’hui, on avait peu de nouvelles de BioWare, qui semblait au point mort.
Un avenir incertain
Dix ans après la sortie de Inquisition, BioWare fait son retour avec Dragon Age: The Veilguard. Andrew Wilson, PDG d’Electronic Arts, a déclaré être satisfait du lancement du jeu, le 31 octobre dernier. Pourtant, lorsque l’on se penche sur les chiffres, il est évident que les ventes et le nombre de joueurs simultanés sur Steam sont bien loin de ceux observés pour d’autres AAA, surtout pour la suite d’une saga aussi populaire.
Certes, Dragon Age: The Veilguard a été victime d’un review bombing sur quelques plates-formes, certains joueurs reprochant au titre de mettre en avant un agenda politique en incluant des options pour incarner un personnage trans ou romancer n’importe quel compagnon, quel que soit le genre du joueur. Des critiques peu constructives, souvent émises par des personnes qui n’ont même pas joué au jeu.
Cependant, il serait malhonnête de dire que The Veilguard est exempt de défauts. La comparaison avec Baldur’s Gate 3 fait mal, surtout en ce qui concerne les dialogues, les combats et l’aspect role-play.
Malgré tout, Wilson déclare que « BioWare fait son retour en force ». Nous n’avons pas encore de visibilité sur les chiffres globaux, et il faudra sans doute attendre quelques mois pour recueillir les retours des joueurs avec plus de recul. Le studio concentre désormais ses efforts sur le prochain Mass Effect, mais les optimistes se font rares.
Alors, que retenir ? Au-delà des jeux, ce sont aussi les valeurs et la vision de BioWare qui semblent avoir été perdues au fil des années. Autrefois acclamé pour ses innovations et la profondeur de ses RPG, le studio semble aujourd’hui être un parfait exemple des effets délétères de la standardisation dans l’industrie du jeu vidéo.
Si EA a sacrifié le petit studio sur l’autel des AAA, il faut tout de même constater que les jeux ont continué à bien se vendre et à recevoir de bonnes critiques. Les joueurs doivent sans doute se faire une raison : BioWare a évolué avec l’industrie, et il est peu probable qu’il sorte des titres qui feront autant l’unanimité qu’un KOTOR ou un Mass Effect 2. Quoi que…
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