Joueurs et joueuses, n’avez-vous franchement pas honte ? Ne serait-il pas enfin temps que vous changiez vos habitudes de consommation ? Parce que chez Ubisoft, on a été patient, mais il serait peut-être temps de vous moderniser ! Il faut bien que vous vous sentiez « à l’aise avec le fait de ne pas posséder vos jeux ». C’est en tout cas ce qu’a déclaré le directeur des abonnements d’Ubisoft, Philippe Tremblay, à Games Industry. Bien sûr, rien d’aussi agressif dans les propos du commercial qui préfère toujours la douce sonate du « je vous ai compris », mais nous nous permettrons de faire la vraie traduction.
Et oui, Philippe Tremblay est père, comme il tient à le préciser ; il est comme vous et moi. Il comprend donc bien qu’il y a une certaine « fatigue » vis-à-vis des services d’abonnements qui s’accumulent et que les familles ne s’y retrouvent plus. Tout de même, selon lui, cela n’empêche pas Ubisoft+ (le service d’abonnement façon Game Pass d’Ubisoft) d’être un must-have et de le défendre bec et ongles.
« Nous parlons de sorties dès le premier jour et avec des jeux comme Prince of Persia, vous bénéficiez d’un accès anticipé. Nous avons déjà Avatar, Assassin’s Creed: Mirage… tous ces jeux sont disponibles. C’est déjà une valeur énorme. Et puis il y a le catalogue aussi. Des milliers de dollars de jeux. »
Fantastique ! Nous avons tous et toutes hâte de ne pas posséder ces jeux en avant-première ! Non ? Cessons de tergiverser, nous ne sommes enthousiasmés ni par le service proposé, ni par les propos. Nous n’allons pas remettre en question la qualité de l’abonnement, ce n’est pas le sujet. En revanche, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que les arguments évoqués pèsent bien peu dans une balance déjà irrésistiblement déséquilibrée.
L’impossibilité de garantir la survie d’Ubisoft+ et le fait de ne pas pouvoir posséder nos jeux sont des arguments qui pèsent trop lourd. Tout n’est pas négatif dans le monde du jeu par abonnement (loin de là, parfois), mais l’empressement des gros studios à vouloir faire « évoluer leurs formules » uniquement en ce sens reste inquiétant.
Posséder un jeu, c’est l’avoir dans sa bibliothèque jusqu’à usure du CD. Cela nous offre la possibilité d’y jouer à volonté tant que le disque et le support tiennent. Philippe Tremblay pense que cela ne dérange plus personne de plus avoir de DVD de ses films préférés. C’est faux. De nombreux collectionneurs résistent encore aux plateformes de streaming et préfèrent posséder leur copie d’un film. Les médiathèques, aussi, proposent des solutions alternatives à Netflix et consort.
Posséder un jeu, c’est également une autre manière d’apprécier l’expérience. L’attachement à notre sauvegarde, à notre progression, à nos personnages est radicalement différent. Certes, nos sauvegardes ne disparaissent pas du jour au lendemain, mais ce n’est pas le problème. Le problème est qu’elles ne nous appartiennent pas. Nos données sont de facto la propriété de l’entreprise qui les stocke.
Posséder un jeu, c’est aussi posséder son personnage, son avatar. Via un service d’abonnement, ce dernier ne nous appartient plus non plus ; c’est à l’entreprise dont nous dépendons qu’il revient. Avec Ubisoft+, Ezio Di Auditore n’est qu’un prêt limité jusqu’à expiration de notre abonnement. Quoi de plus frustrant que de ne pas pouvoir accéder au personnage que l’on a passé des heures à faire monter en niveau et à personnaliser ?
Pour finir, nous aimerions encore rapporter quelques propos de Philippe Tremblay :
« Il ne s’agit pas d’obliger les usagers à emprunter un itinéraire ou un autre. Nous proposons l’achat, nous proposons l’abonnement, et c’est la préférence du joueur qui est importante ici. Nous voyons certaines personnes qui achètent choisir de s’abonner, mais les deux fonctionnent. »
Tout fonctionne pour le moment, en effet, c’est le minimum que nous sommes en droit d’attendre, mais non, rien ne peut véritablement nous garantir que les services d’abonnement fonctionneront toujours. Nous ne souhaitons pas afficher le commercial d’Ubisoft qui, rappelons-le, ne fait que servir sa marque en donnant son avis, mais nous nous permettons d’aller à contre-courant de son opinion en nous mettant tout de même d’accord sur un point. C’est en effet au joueur de choisir s’il achète ses jeux ou s’il décide de prendre un abonnement.
Au final, c’est à nous de choisir quelle direction va prendre l’industrie. C’est à nous de choisir à qui nous décidons de confier nos sauvegardes et enfin nos expériences ludiques dans un sens plus large.
Pour jouer un peu l’avocat du Diable, il n’a pas tort le cadre de chez Ubisoft quand il dit que pour une somme relativement modique, on peut jouer à plusieurs « gros » jeux très récents : Assassin’s Creed Mirage, Avatar, Prince of Persia the Lost Crown… L’abonnement étant sans engagement, rien n’empêche de se prendre le service pour un mois ou deux, et de se faire ces 3 nouveautés pour moins de la moitié du prix d’une seule…! (c’est d’ailleurs le cauchemar des gens qui commercialisent ces services !!).
Je comprends l’idée de vouloir conserver les jeux, de pouvoir les ressortir dans quelques années, voire de les transmettre à ses enfants sans qu’ils ne soient menacés de disparition (les jeux, pas les enfants) par un changement de politique éditoriale ou une extinction des serveurs… Mais hélas, la préservation du patrimoine par le format physique est essentiellement une illusion. Pour rester chez Ubisoft, la version « boîte » d’Avatar ne démarre pas sans le téléchargement d’une mise à jour obligatoire. Format physique ou pas, le jour de l’extinction des serveurs, les galettes Blu-ray du jeu serviront au mieux, accrochées dans les arbres fruitiers, à éloigner les oiseaux dans les vergers…