Parce que c’est un jeu anglais, drôle et complètement absurde, l’étiquette Monty Python arrive peut-être un peu trop facilement à l’esprit. Pourtant, Thank Goodness You’re Here! est bien le jeu le plus MontyPythonesque depuis… toujours ! Entre les quêtes surréalistes, les dialogues n’ayant rien à leur envier et la galerie de personnages qui se situent tous quelque part entre le très bizarre et le complètement stupide, avec la juste dose de méchanceté, on n’avait pas ri autant devant un jeu vidéo depuis un moment…
(Test de Thank Goodness You’re Here! réalisé sur Switch via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Welcome to Barnsworth !
Le jeu s’ouvre à la fois sur des images en FMV tiré d’un documentaire sur la vie quotidienne au Royaume-Uni, probablement quelque part dans les années 60, et sur les armoiries de la petite ville de Barnworth, bourgade qui promet d’être charmante, et affirme en toutes lettres être « reyt good ». Renseignement pris, l’adjectif « reyt » est un terme typique du Yorkshire signifiant « it’ll be allright », sorte de hakuna matata local.
Le jeu l’annonce ainsi d’emblée, on sera donc dans le cliché sympathique et bienveillant, avec un poil (une touffe, en réalité) de décalage. Il y a même un bus « double deck » rouge qui vient traverser l’intro…
Cela dit, une fois l’intro passée, la véritable tonalité de Thank Goodness You’re Here! apparait rapidement : c’est l’absurde qui va nous accompagner tout au long de l’aventure. Au contrôle d’un tout petit personnage, pourtant pas si jeune, comme en témoigne sa calvitie (on ne saura jamais pourquoi cette drôle d’échelle, qui a en plus tendance à se modifier selon les scènes !), on est vite confronté un directeur colérique qui conserve la dernière mèche de cheveux qu’il a sur le crâne avec du scotch, et une secrétaire qui joue au Solitaire sur son PC en léchant de véritables cartes pour les coller sur l’écran…
Si notre mission est d’aller rencontrer le Maire, à notre arrivée, ce dernier est occupé. Nous aurons donc un peu de temps pour aller à la rencontre de Barnsworth et de ses habitants, qui ne manqueront pas, de temps à autres, de nous demander des petits services : « Thank goodness you’re here » est une phrase qui nous accueillera souvent, avant qu’une « mission » nous soit confiée.
Comedy Platformer
Les missions seront soit complètement convenues (aller chercher tel ou tel truc…), soit complètement tordues (aller récupérer les oiseaux d’un vieux capitaine trônant littéralement sur les toilettes de limbes auxquelles on accède par un conteneur à ordures…), mais impliqueront systématiquement des chemins de traverses au moins aussi dérangés que les habitants de Barnsworth.
Le jeu invente alors peut-être un genre : le comedy platformer. Le level design ne propose en effet aucun challenge, aucune difficulté, mais remplace ces dernières par des blagues. Quasiment chaque élément à franchir, chaque action, est l’occasion d’un gag de situation, ou d’une rencontre donnant lieu à un dialogue souvent hilarant.
On n’avance pas pour progresser dans le jeu, ou même pour « passer » tel ou tel tableau, mais pour avoir droit à la prochaine blague ! Par exemple, en tapant dans une poubelle, on voit qu’un rat sort son nez pour quelques secondes. Même chose dans les deux autres poubelles environnantes. Le joueur un peu habitué comprend qu’il s’agit de les faire sortir tous trois en même temps, avant que le premier ne soit retourné dans sa cachette. Et en effet, une fois la chose effectuée, on a droit non pas à un trophée, comme il aurait été de mise habituellement, mais à une « superbe » chanson interprétée par les rats !
Un certain mauvais goût, un mauvais goût certain
Sous-entendus graveleux, bébé transformé en fish’n’chips suite à un accident d’huile brûlante (!), moqueries sur le physique… rien ne nous est épargné, et c’est tant mieux !
On se perdra régulièrement dans l’absurdité du scénario, et on oubliera les tâches à réaliser et les endroits où l’on est sensé aller. Un manque de clarté qui nous fera régulièrement tourner en rond, sans compter le fait que le chemin pour aller d’un point A à un point B ne coule pas toujours de source. C’est par exemple un trou dans la chaussée qui nous permet de progresser en sous-sol, afin de rejoindre la cave du pub, pour, en passant par les tuyaux des fûts de bières, enfin atterrir au bar où l’on est servi dans un verre à pinte (nous avions parlé de l’échelle variable avec laquelle est affiché notre avatar…).
Mais ces errements sont aussi l’occasion de traîner dans les rues et les commerces de Barnsworth, où il se passe toujours quelque chose. Les blagues ne se répètent jamais, et le level design du jeu a prévu que l’on revisite plusieurs fois de nombreux endroits, faisant évoluer les blagues qui s’y déroulent. Cela devient ainsi un réel plaisir que de tourner en rond et repasser dans des endroits déjà vus afin d’assister à la suite d’un sketch entamé précédemment.
Le jeu est entièrement dessiné à la main, et peut parfois faire penser à ces dessins-animés pour adultes contemporains à la American Dad, tandis que la musique, plutôt réussie, est elle (pour certains morceaux) entièrement réalisée à la bouche !! Il faut souligner aussi la qualité du doublage, auquel le duo de développeurs de Coal Supper a pris part, aux côté de professionnels comme Matt Berry, rendu célèbre par The IT Crowd (où il joue le fantasque Douglas Reynholm, boss de Reynholm Industries).
C’est avec beaucoup d’enthousiasme et un large sourire aux lèvres que nous sommes arrivés, en trois ou quatre heures de jeu, au bout de Thank Goodness You’re Here!. Il est rare de *vraiment* rire devant un jeu vidéo. C’est pourtant ce qui s’est passé tout au long de notre partie. Certains relèveront peut-être une durée de vie un peu courte, on préfère voir un jeu où rien n’est en trop. Premier « vrai » jeu après un premier essai sous la forme d’un titre gratuit sur itch.io (« The Good Time Garden »), Coal Supper a obtenu pour l’édition le soutien de Panic, et la filiation avec leur Untitled Goose Game est assez évidente.
On souhaite maintenant que le studio nous propose, pour son prochain jeu, un titre avec plus de gameplay, plus de difficulté, de challenge. Dans tous les cas, on suivra ses prochains projets de près…