Dans Sonic x Shadow Generations, le monde a été « avalé » par une créature du chaos qui a fait disparaître l’espace et le temps. Un démon informe sur lequel il sera facile de coller n’importe quelle métaphore : désespoir, corruption, ou, comme nous allons le faire ici pour mieux coller à notre critique, le péril écologique, et la fin du monde qu’il induit, contre lequel viendra lutter le Blue Blur.
Fort de son million d’exemplaires vendus dès sa sortie, Sonic montre encore une fois une capacité de résilience (un mot bien de notre « génération », tiens !), lui dont on ne cesse de prédire la fin, et qui nous accompagne pourtant depuis maintenant 33 ans, soit au moins deux générations de joueurs. Passé l’émotion bien réelle de retrouver la Green Hill Zone et son fameux thème sublimés par la 9e génération de consoles, quelles sont les promesses de cet épisode ?
(Test du jeu Sonic x Shadow Generations sur Xbox Series X réalisé via une copie commerciale)
Génération Goldmann
Génération est probablement l’un des titres les plus galvaudés quand il s’agit de faire une compile ou un album de reprises : Génération Hit Machine, Génération Dorothée, Génération Goldmann (volume 1, et volume 2 !), Génération Indochine, Génération Rap R’n’B, et même Génération Delphine, un projet d’album hommage aux musiques des jeux Delphine Software… Tous ces albums existent vraiment, et aucun d’entre eux n’aura eu le droit à une réflexion poussée quant à son titre.
On pourra tout de même arguer qu’en ce qui concerne Sonic Generations, il est originellement sorti en 2011, soit une bonne année avant Génération Goldmann, et que son titre ne veut pas tant insister sur le fait qu’il a marqué toute une génération, que faire référence aux générations… de machines.
On y retrouvera le Sonic des débuts, de l’ère 16 bits et du défilement horizontal en 2D, mais aussi celui plus grand et élancé, moins « chibi », et issu des aventures en 3D de la période Dreamcast.
Réduire, Réutiliser, Recycler
Si une feuille de papier peut être recyclée jusqu’à neuf fois (source ADEME, également auteur du slogan gouvernemental ci-dessus), pour Sonic, on ne sait pas encore, mais cela dépasse sûrement neuf. Et Sonic x Shadow Generations mérite amplement son macaron avec les deux flèches entremêlées qu’on appose sur les produits recyclés/recyclables. D’abord parce qu’il s’agit simplement du remaster d’un titre de 2011. Sonic Générations est en effet un titre sorti à l’origine sur PS3, Xbox 360 et même sur 3DS !
Et déjà à l’époque, le jeu s’appuyait sur le principe écolo de l’upcycling : faire du neuf avec du vieux. On y enchaîne ainsi une série de niveaux, qui, sans en être les copies conformes, sont très inspirés de niveaux déjà présents dans les jeux précédents : la cultissime Green Hill Zone ou le Chemical Plant du premier jeu, la Speed Highway de Sonic Adventure…
Chacun d’entre eux sera parcouru en 2D et en 3D, reprenant les deux versants de la licence, avec le Sonic correspondant : plus petit et rondouillard pour la 2D, plus grand et élancé pour la 3D. Mais ce n’est pas tout, puisqu’une fois achevés, les différents niveaux sont à nouveau remis à contribution dans une nouvelle réutilisation sous forme de défis divers et variés, qui, sur les même maps, collent différentes contraintes : un temps limité, des bombes à esquiver sur le parcours… À ce niveau de réutilisation, il est certain que le bilan carbone du jeu est négatif.
Néanmoins, le titre n’arrive pas démuni de nouveautés. Le remaster d’abord permet au jeu d’être plus rapide que jamais. La puissance des machines actuelles, la possibilité de jouer à 60fps tout en gardant des décors lisibles et nets offre à Sonic, et spécialement au Sonic 3D, une impression de vitesse grisante rarement rendue à ce niveau dans un jeu de la licence.
Mais surtout, Sonic x Shadow Generations arrive, comme son titre l’indique, accompagné d’un contenu complètement inédit construit autour de Shadow, le « dark Sonic ». Mais là encore, la conscience environnementale est à souligner. Car le procédé d’accoler un petit jeu inédit (ou un gros niveau, selon l’appréciation de chacun) à la ressortie d’un titre plus ancien n’est pas sans rappeler la parution de Super Mario 3D Land + Bowser’s Fury, qui faisait… exactement la même chose.
Le titre de Nintendo a fait école et on s’en félicite, car il avait été très apprécié. Comme dans ce dernier, Sonic x Shadow Generations nous accueille avec un menu nous demandant lequel des deux softs, bien distincts l’un de l’autre, nous souhaitons lancer. Bonne idée néanmoins, les deux titres seront liés par une séquence narrative un peu prétexte, mais bienvenue.
Et même dans son contenu, l’aventure de Shadow recycle. Elle recycle le gameplay et la mise en scène d’un Sonic 3D, d’abord. Et si le joueur commence par parcourir quelques niveaux du remaster de Sonic Generations, il ne sera pas spécialement surpris par l’aventure de Shadow.
Et puis, Shadow recycle également l’excellente idée de Sonic Frontiers qui avait été trop peu mise en avant à sa sortie : celle d’essayer de proposer un jeu de plateforme en monde ouvert. Certes ici, relativement restreint, mais qui ajoute de la variété et une vraie proposition de gameplay, complétant avec cohérence le Sonic Generations de 2011.
Bon pour la planète, bon pour le porte-monnaie
Le pointage de recyclage à outrance signifie-t-il que le jeu est mauvais ? Pas du tout. Le procédé permet à tout un chacun de retrouver ce qu’il aime dans Sonic, que ce soit le platformer 2D old school ou sa version plus moderne en polygones, ou même, pour les plus gourmands, les deux !
Le jeu a eu cette excellente idée de n’obliger à rien. On peut ainsi progresser en ne s’attachant presque qu’aux niveaux 2D si c’est cette version de Sonic que l’on préfère (parcourir les niveaux en 3D reste une condition pour finir le jeu, mais il suffit d’en atteindre le bout, peu importe la performance). Les défis (qui s’ouvrent après la complétude des niveaux principaux) ne sont pas tous des passages obligés, et en réussir un seul à chaque fois permet d’obtenir la précieuse clé qui ouvre le passage vers le boss.
Selon les envies de chacun, il y a des collectibles cachés dans chaque niveau (des étoiles rouges dans les parties les moins accessibles des niveaux, et des petits personnages Omochao cachés qui forcent l’observation), redonnant à Sonic son aspect exploration des origines, et le temps pour réaliser chaque niveau est systématiquement affiché, mettant au défi les speedrunners.
Il faut aussi noter parmi les qualités du jeu un prix étonnamment « doux », les supermarchés s’en servant comme produit d’appel, il se trouve facilement autour de 30€, ce qui, à l’heure des jeux à 80€, n’est pas négligeable.
Si ce Sonic x Shadow Generations ne surprend pas, il ne déçoit pas non plus. « Pour une fois », a-t-on envie d’ajouter. Car à chaque nouveau jeu Sonic, il faut bien dire que la critique a tendance à faire la moue. Quand il tente d’explorer des territoires inconnus, comme Sonic Frontiers, la critique s’arrête sur sa technique perfectible et regrette la grandeur du Sonic original ; quand il est trop proche de ce dernier (Sonic Superstars), on met en avant le manque de créativité…
Il faut se rendre à l’évidence qu’il n’y aura plus jamais de sortie d’un tout premier Sonic, et que la claque administrée en 1991 ne reviendra pas. Cependant, ne soyons pas trop conservateurs, et apprécions aussi ce que la licence a à nous offrir de bon. Comme ce Sonic x Shadow Generations, un épisode d’excellente facture, qui s’adresse à un public très large, du jeune néophyte au vieux briscard nostalgique, du joueur le plus casual à celui, plus exigeant, en quête de performances vidéoludiques.
Un Sonic qui rassemble plutôt qu’il divise ? Voilà peut-être la vraie nouveauté de Sonic x Shadow Generations !