Sorti il y a quelques jours, c’est peu dire que GRIS a fait forte impression. Les critiques sont dithyrambiques, le trailer est partagé un peu partout… Mais qu’y a-t-il derrière ces incroyables screenshots ?
(test de GRIS réalisé sur PC via une copie commerciale du jeu)
Publié par Devolver Digital (à qui l’on doit Reigns, The Talos Principle ou encore la série des Serious Sam), GRIS est le premier jeu du tout jeune studio espagnol Nomada. La légende raconte que les studios sont nés quand les deux amis Adrian Cuevas (passé par IO et Ubisoft) et Roger Mendoza (autre ancien d’Ubisoft), ont rencontré l’artiste Conrad Roset à Barcelone…
Le studio se vante d’ailleurs de réunir des professionnels du jeu vidéo et des artistes d’autres disciplines. Et en effet, on verra que GRIS tient autant d’une œuvre d’art interactive que d’un jeu vidéo pur jus.
Une métaphore en guise de scénario
L’histoire est plutôt énigmatique dans GRIS. Une jeune femme se réveille (ou naît ? La position fœtale dans laquelle on la découvre au tout début laisse planer le doute…) dans la main d’une monumentale statue de femme (Déesse ? Nature ? Mère ?) en ruine, comme l’est le monde qui l’entoure –la jeune femme ne va pas tarder à le découvrir. De là, débute une sorte de course contre les éléments. En explorant ce monde d’abord monochrome, on découvrira cependant des petites étoiles qui viendront nous assister et redonner des couleurs à l’univers.
En effet, ces étoiles ramassées dessineront des constellations sur lesquelles l’héroïne a le pouvoir de marcher pour accéder à de nouvelles zones. Ce n’est pas le seul avantage que nous donnent ces petits astres : elles permettent aussi de débloquer de nouvelles capacités afin là-aussi d’accéder à d’autres endroits de la carte.
De sérieuses références
« Obtenir des nouveaux pouvoirs pour accéder à de nouvelles zones », et là, vous vous dites « metroïdvania ». Et en effet, c’est le genre qui permettra le mieux de définir GRIS. Pour se faire une idée plus précise du jeu, on pensera à un Journey en 2D, pour le côté voyage sans encombre. Car on ne rencontrera pas vraiment de difficulté au cours de l’aventure (il est impossible de mourir, par exemple), et celle-ci vaut surtout pour le plaisir de la découverte.
On pensera aussi beaucoup à Child of Light, avec lequel GRIS partage son défilement 2D, son caractère metroïdvania, et son petit personnage féminin qui évolue à peu près de la même manière en environnement hostile, à cela près que notre personnage est désarmé, et qu’il ne rencontre (quasiment) pas d’ennemis.
Certains voient aussi du Monument Valley dans ce GRIS. Et il est vrai que dans ces deux titres à l’ambiance très poétique, c’est l’architecture qui est source principale de gameplay. Mais le jeu duquel on rapprochera le plus le titre de Nomada, c’est Knytt Underground, le jeu de Nicklas Nygren sorti en 2012. En effet, dans Knytt comme dans GRIS, pas vraiment d’ennemis, la difficulté (anecdotique dans GRIS mais bien réelle pour Knytt) vient uniquement des environnements. Les cavernes du jeu de Nomada feront inévitablement penser à celles de Knytt, pour peu qu’on s’y soit perdu, à l’époque.
L’architecture des constructions, également, que ce soient les ponts, les palais abandonnés, elles semblent se répondre, avec leurs colonnes envahies de nature. Mais surtout, des deux jeux se dégage un sentiment de mélancolie, de tristesse, même, presque, de quelque chose de perdu. Si Knytt s’en amusait, autour de dialogues absurdes ou d’artefacts improbables, GRIS nous donne à voir un monde inhabité, peut-être même n’est-ce qu’un souvenir de monde. Des espaces déserts, des ruines, une nature qui devient agressive, il y a quelque chose de cassé dans GRIS, quelque chose qu’il s’agira de réparer ainsi qu’on le verra dans la dernière partie du jeu.
Une toile vivante
On l’a compris, ce n’est pas le défi qui fait le sel de ce jeu. D’ailleurs, les contrôles sont complètement dépouillés : 4 directions pour les déplacements, et un bouton saut. C’est tout. Deux touches viendront s’ajouter au cours de l’aventure pour déclencher deux nouveaux pouvoirs (desquels on ne dira volontairement pas grand-chose, considérant que le jeu ne vaut d’être joué que pour être découvert, il ne s’agirait pas ici de gâcher la qualité principale du titre).
Et si les commandes sont aussi simplistes, c’est qu’en termes de gameplay, GRIS ne propose pas grand-chose. Très classique dans ses mécanismes, on retrouve tous les poncifs du jeu de plateformes : le double saut, les plateformes mobiles, celles qui apparaissent/disparaissent en rythme, etc.
L’intérêt du jeu est donc ailleurs, et repose essentiellement sur la ballade poétique et graphique qu’il nous offre. Véritable tableau animé au rendu « fait à la main », le jeu met en scène l’univers de Conrad Roset, évidemment, crédité comme directeur artistique sur le titre, mais on y voit aussi des références à l’animation des années 70 : Belladonna, de Eiichi Yamamoto, assez directement, ses taches pastels et ses figures féminines, mais son esprit très surréaliste, voire psychédélique, aussi. Ou encore les films de René Lalou, Planète Sauvage en tête.
Enfin, et c’est une référence plus personnelle, la mélancolie de cette fille aux cheveux bleus courant vers l’inconnu ne peut que faire penser à cette autre petite fille aux cheveux bleus qui courait elle aussi dans le générique de fin d’Albator 78, autre œuvre d’animation empreinte de mélancolie.
Les enfants pourront jouer sans souci à GRIS. Pas de violence ou de contenu inapproprié, et une difficulté quasi-absente qui ne les découragera pas. Cependant, ils passeraient à côté de l’essence du jeu : une fresque animée, mâtinée de psychédélisme et de surréalisme, très référencée, sujette à des interprétations aussi diverses que le seront les profils des joueurs.
GRIS est avant tout un jeu d’auteur, une proposition artistique. La promenade dure environ 6 heures, et la beauté du tableau vaut sans conteste le détour. D’autant qu’il est affiché à moins de 20 euros.
Salut ! Je suis le même visiteur que le premier commentaire. Effectivement, il y a plusieurs interprétations. Certains y voient une fille qui se remet d’une dépression, d’autres d’un viol (la murène qui rentre dans la grotte et crache des milliers de mini murènes… Pourquoi pas) … D’autre se disent que c’est la mère qui est morte et notre héroïne fait le deuil. Mais Lorsqu’on obtient toutes les étoiles, il y a une salle secrète sous le dôme du palais, au dernier chapitre, avant de monter et arriver sur la dernière cinématique. La vingtaine d’étoiles est « allumée » sur le mur (éteinte mais visible sinon). Et en chantant, il me semble, ça débute une cinématique. On y voit une petite fille, que l’on reconnaît comme étant l’héroïne, bien plus jeune, même cheveux bleus, avec sa mère, cheveux longs (comme la statue), se promenant dans la nature en pleine soirée. La mère attrape une luciole, et la montre à sa fille. L’insecte tournoie alors autour de la fille, tout comme les étoiles autour de l’héroïne. Et la cinématique se termine. Là encore, certains y voient un souvenir de couples, deux femmes qui s’aimaient, ou que la mère est une déesse car elle attrape une étoile, ou encore que c’est bien celle au long cheveux qui est décédée. Pour moi c’est un souvenir d’une mère et de sa fille. (vidéo disponible sur YouTube) D’ailleurs beaucoup disent que les trophées ont le nom des différentes étapes du deuil (déni, colère, acceptation…), perso j’ai joué sur ma switch, donc pas de trophée, et j’ai pas débloqué grand chose mais j’ai bien eu « acceptation » (très certainement en finissant le jeu) dans la liste des accomplissements.
Voilà ^^
Quoi qu’il en soit, ça reste un très bon jeu et on ne reste pas indifférents après y avoir joué.
Cool, merci de ton retour ! Je n’ai pas eu l’occasion de passer suffisamment de temps sur le jeu pour découvrir ces éléments, qui, en effet, semblent apporter de nouveaux matériaux à interpréter… Merci donc de tes précieuses infos ! Certaines critiques reprochaient au jeu ses « gros sabots » et la trop grande évidence du propos traité. On voit bien qu’il n’en est rien !
Bonjour, je me permets de donner mon avis sur l’histoire.
Donc pour celles et ceux qui ne veulent pas être spoilé, ne lisez pas la suite.
On ne comprends pas grand chose à l’histoire, une statue prostrée, visiblement en dépression, pleure dans diverses positions, notre héroïne aussi semble aussi souffrir par moment.
Des ennemis fait de volutes de fumé, de masse grouillante noire.
Un seul et même temple, palais, revient entre chaque niveau, avec de nouvelles couleurs, reconstruit, de plus en plus magnifique
Et cette gigantesque statue de femme en miette fini également reconstruite, bien qu’à nouveau détruite dans la dernière cinématique, elle se reconstruit tout de suite après.
Pour moi, tout prends sens à la fin du jeu.
Notre héroïne fini par monter le dernier chemin d’étoiles vers le haut, disparaître dans des nuages, et tout l’écran devient blanc / doré.
Notre héroïne monte au paradis. Elle est décédée. Et ce depuis le début du jeu.
La statue de la femme est sa mère, qui fait partie du monde des vivants.
Le temple est la vie de la mère. Il est détruit par le décès de sa fille. Il a perdu ses couleurs, sa beauté, elle même est détruite.
L’âme de sa fille évolue ainsi dans ce monde, une sorte d’au delà, de purgatoire, (ou encore l’âme de sa mère ?), où elle va tout faire pour redonner des couleurs, réparer le temple de sa mère.
Elle rencontre des animaux belliqueux, qui représentent des idées noires, morbides, qui l’empêchent de mener à bien son but, qu’elle fini par vaincre.
Lorsque enfin le temple est redevenu magnifique, bien que craquelé ici et là, et la statue de la mère reconstruite bien qu’aussi craquelée (Qui guéri complètement du décès d’un proche, d’autant plus de son enfant ?), l’âme de la fille a terminé son travail.
Elles chantent une dernière fois en chœur avant de se dire au revoir, la fille fait une dernière étreinte à sa mère, un dernier baiser, la mère pleure, et l’âme monte, en paix avec elle même, au paradis.
Salut, et merci pour ton commentaire. Oui, c’est une jolie interprétation. Le jeu est essentiellement métaphorique, et je pense que d’autres sont possibles. On a ainsi entendu l’opposé de ton interprétation : c’est une histoire de deuil, ce n’est pas l’héroïne qui est morte, mais elle a perdu quelqu’un (sa mère?) et elle progresse dans un monde de tristesse et de solitude ; et puis, quand elle parvient à surmonter sa douleur, elle revient comme à la vie. Enfin, moi je me demande si il n’y a pas un truc écolo tendance fin du monde, avec la nature qui se vengerait de l’homme (l’oiseau, qui est une figure pacifique d’habitude…). Les statues, toutes féminines, seraient une représentation de la Mère Nourricière (la nature, la Terre…) et c’est quand le personnage humain a appris à vivre avec son environnement (et non plus contre, comme pendant le premier tableau) que la situation s’apaise… et le jeu se finit !
Chacune de ces lectures est valable, et c’est aussi en cela que le jeu est une réussite !