Nombreux sont les Icare à s’être brûlé les ailes sous le soleil des promesses intenables. Souvent conséquence d’une communication foireuse, on ne compte plus le nombre de jeux vidéo à s’être pris une gamelle lors de leur sortie à cause d’un résultat final loin des ambitions annoncées et matraqués des semaines (voire des mois) avant leur sortie. Un syndrome exécrable dont Cyberpunk a récemment fait les frais et qui pose de sérieuses questions sur les rapports pas très sains qu’entretiennent des éditeurs soucieux de vendre leur produit et des joueurs décidément trop prompts à la hype.
Récemment, Thomas Mahler, créateur de Moon Studios (Ori and the Blind Forest), a fait parler la poudre sur les forums de Resetera en attaquant ouvertement les vendeurs de rêves « malhonnêtes » du jeu vidéo, mais aussi le grand public toujours prêt selon lui à avaler les plus belles couleuvres du monde. Un constat qu’il exècre et rapporte à Peter Molyneux (trilogie Fable), grand maître du « au lieu de vous dire quel est mon produit, laissez-moi vous dire ce que je pense qu’il pourrait être et vous rendre tout excités ! ».
Un homme à belle parole s’il en est, qui sera suivi par d’autres, comme Sean Murray et son No Man’s Sky qui aura mis des années à se rapprocher des annonces criées haut et fort pourtant des mois avant la sortie du jeu, ou l’équipe de CD Projekt qui peine à se relever de la flaque d’huile en feu qu’est Cyberpunk 2077. Des exemples qui selon lui (et nous) ont en commun une chose : le mensonge. Un défaut que Mahler semble avoir du mal à supporter maintenant :
« Cyberpunk. Fabriqué par les gars qui ont fait Witcher 3, cette merde devait être bonne. Encore une fois on vous dit : « Voici notre univers Cyberpunk et – croyez-nous – vous pouvez tout faire, putain ! » et encore une fois, on se retrouve avec tout un département de com’ publiques qui s’est inspiré des Molyneux et Murray et s’est mis à faire n’importe quoi. Les joueurs devaient croire qu’il s’agissait d’un « Sci-Fi GTA à la première personne ». Qu’est-ce qui n’est pas à aimer ? Chaque vidéo publiée par CD Projekt a été soigneusement conçue pour créer une image incroyablement attrayante dans l’esprit des joueurs. Ils en sont presque arrivés à dire que cette chose guérirait le cancer. Cette stratégie a donné lieu à un nombre absolument ahurissant de huit millions de précommandes. Et au final, le produit ne proposait qu’une fraction de ce que le développeur avait imaginé en se payant le luxe d’à peine tourner sur les consoles sur lesquelles il était censé « fonctionner étonnamment bien ». »
Un constat amer et sans détour envers une industrie qui flirte avec le mensonge depuis trop longtemps. Car oui, au final, ce n’est ni plus ni moins que du mensonge. Alors bien sûr, pour quiconque travaillant dans la com’, l’art de mettre en valeur les choses est souvent synonyme d’omission de leurs points faibles. Mais, il y une différence entre vanter les qualités d’un produit et lui en inventer d’autres qu’il n’a pas.
Une pratique malheureusement courante dans le milieu des jeux vidéo, où la hype est primordiale pour les bonnes ventes d’une œuvre. Et s’il y a quelque chose qui nous chagrine ici, c’est la facilité qu’a le grand public à passer à autre chose, comme si rien de tout cela n’était grave.
Comme le dit très bien Mahler, peu importe si le jeu est quand même bon (dans le cas de Cyberpunk 2077), les mecs nous ont quand même allègrement menti, et on est presque le seul secteur dans lequel ça passe sans trop de problèmes. Et puis, même sans parler du fait de mentir, en interne une telle politique marketing ne peut être que dévastatrice pour des équipes de développeurs qui, bien qu’armés des meilleures intentions du monde, verront le lynchage médiatique arriver de loin, et apprendront les chimères que l’on attendra d’eux via un speech live d’un homme un peu trop visionnaire en manque d’adrénaline.
Une sorte de cercle vicieux dont nous nous devons de sortir. Nous joueurs tout d’abord, puisque comme vous ne l’ignorez sans doute pas, la contenance de notre porte-monnaie semble miraculeusement interférer dans les décisions prises dans les hautes sphères qui, après deux ou trois grosses claques commerciales, commenceront peut-être à revoir leurs stratégies de com’.
Et nous, journalistes, rédacteurs, testeurs avons aussi notre part de responsabilité. Si d’un côté nous sommes là pour juger des jeux vidéo objectivement sur ce qu’ils sont au final, nous ne pouvons cependant plus mettre de côté les promesses non-tenues de services de com’ prêts à tout pour vendre leur came.
Alors, certes on peut imaginer l’amertume dans ces lignes, mais pourtant, nous adorons rêver nous aussi, nous dont le jeu vidéo fait partie intégrante de notre quotidien. Nous dont le plaisir passe aussi par l’attente qui précède la découverte d’une œuvre. Au final, nous n’avons aucun grief envers le rêve. Nous avons simplement une colère justifiée envers les promesses certifiées intenables.
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