Voilà plus de 40 ans qu’on attendait un jeu Goldorak ! Alors évidemment, quand Microids a annoncé se lancer dans une adaptation des aventures du plus célèbre des robots japonais, certains fans ont sauté de joie… D’autres ont aussi réagi avec un peu plus de retenue, Microids n’ayant pas exactement l’habitude des sorties accueillies à l’unanimité. Des craintes qui ont semblé se vérifier lors de la publication des premières images du jeu.
Restait néanmoins à attendre la sortie officielle pour se faire un véritable avis. Restait aussi qu’en tant qu’amoureux du robot de lumière et d’acier, on continuait à espérer un titre à la hauteur de la légende. Alors, maintenant que le jeu est sorti, qu’en est-il vraiment ? La catastrophe prophétisée par certains a-t-elle eu lieu ?
(Test de Goldorak – Le Festin des Loups réalisée sur Xbox Series X via une copie commerciale du jeu)
Pour l’amour des oiseaux robots, des fleurs…
Inutile de garder le mystère très longtemps, la presse et les réseaux sociaux ont déjà rendu leur verdict avec la mesure qu’on observe généralement sur les miniatures YouTube criardes et surjouées : Goldorak serait un gros ratage, moche et répétitif. Fin de la critique, trailer, conclusion ? Pas tout à fait.
Vous l’aurez compris, nous sommes plutôt dans le camp de ceux qui ont envie de défendre le jeu, comme nous avions été parmi les rares à défendre une autre production portée par Microids qui n’avait pas été épargnée par la presse, Blacksad (et pourtant, non, nous n’avons rien touché de l’éditeur ; ce dernier n’a même pas souhaité nous envoyer le jeu, que nous nous sommes procuré comme tout le monde, en boutique, avec nos petites économies).
Déjà avec Blacksad, notre vif intérêt pour les albums de Diaz Canales et Guarnido avait peut-être un poil de chat (vous l’avez ?) guidé notre critique. Parce qu’on aime Blacksad, on était peut-être prêt, plus que d’autres, à pardonner quelques défauts au jeu. Mais aussi parce qu’on connaît Blacksad, on était peut-être aussi, plus que d’autres, à même d’apprécier certains traits du jeu (respect de l’œuvre, clins d’œil et références…) ?
Il en sera de même avec Goldorak, dont le souci du détail de l’adaptation force l’admiration. Rien n’est laissé au hasard, et si certains passages manquent d’intérêt purement vidéoludique, ils permettent néanmoins de visiter des décors et de rencontrer des personnages que l’amateur retrouvera avec plaisir. Ainsi, il sera possible de contrôler un Actarus qui assume son identité secrète de garçon de ferme, au Ranch du Bouleau Blanc, dans des phases de jeu servant d’interludes qui manquent cruellement d’enjeux.
Des phases qui seront cependant l’opportunité pour le joueur de visiter les lieux emblématiques que sont le Ranch et le Centre, et de rencontrer des personnages aussi familiers que Rigel, Venuzia, Mizar… Même les scientifiques du Centre travaillant avec le professeur Procyon sont représentés sous les traits et identités des personnages croisés dans la série ! On ne pourra hélas pas piloter la fameuse moto tricycle d’Actarus (le « Duke Buggy »), mais grâce à ces phases plus narratives, on pourra tout de même en admirer la modélisation.
Autant de détails qui ne parleront qu’aux admirateurs de l’œuvre de Go Nagai et risquent de passer complètement inaperçus aux yeux des autres, et même d’alourdir leur expérience de jeu. Parce que le titre est probablement d’abord pensé comme un hommage pointu (recréant par exemple plan par plan le générique), il s’adresse forcément à un public de niche.
Hydargos, Minos, Minas… : Attrapez-les tous !
Mais du coup, ce serait un jeu « moche et répétitif » auquel on pardonnerait par amour de la licence ? Même pas. Ou alors, pas entièrement. Certes, le jeu n’a pas de quoi rivaliser avec les AAA sortis cette année, ou même ceux sortis l’année précédente. Et bien qu’on y ait joué sur Xbox Series X, on avait plus, à l’écran, un jeu qui semblait tourner sur Switch…
Cela dit, n’oublions pas que Goldorak – Le Festin des Loups a disposé pour son développement d’un budget plus modeste que les grosses productions du moment (c’est un jeu « double A »), et le générique de fin révèle d’ailleurs une équipe assez réduite. Il faut mesurer aussi les performances d’un jeu à son ambition…
D’autant que pour sa partie la plus importante, le contrat est rempli : la modélisation de Goldorak est très réussie ! Autre joli succès visuel : la mise en scène. Tout en clins d’œil et réinterprétations de l’anime, le jeu réussit aussi très bien à iconiser le robot en le mettant en valeur dans des poses héroïques, et tout simplement en sachant rendre justice à l’écran à son design culte. On regrettera toutefois la difficulté de rendre son gigantisme.
De nombreux détails au sol, des arbres, mais aussi des villages, des véhicules ou encore le chemin de fer nous rappellent la taille de Goldorak (autour de 30 mètres), mais échouent à nous faire ressentir sa démesure. Il aurait sûrement fallu s’amuser avec des effets d’échelle dans la mise en scène (si le budget l’avait permis).
Et puis, si l’on veut jouer aux comparaisons, osons aussi celles qui fâchent. Goldorak – Le Festin des Loups, avec son équipe et son budget contenu, a-t-il vraiment à rougir techniquement devant, par exemple, un titre très connu de chasse aux monstres mignons bénéficiant d’une amplitude bien supérieure quant à son budget et ses équipes ? Vous nous direz : « Oui, mais Pokémon, ce n’est pas un jeu PS5 ! », et vous aurez raison, en appuyant sur le fait qu’il faut remettre le jeu dans son contexte. Ici, celui d’un AA relativement modeste.
Rétro-laser ! (depuis 40 ans…)
L’autre critique qui revient beaucoup, c’est que le jeu serait répétitif. Ce n’est pas complètement faux, mais ce n’est pas complètement un problème ! Goldorak – Le Festin des Loups est un beat’em all se jouant dans de larges zones ouvertes. Le jeu nous propose diverses missions à réaliser qui s’accomplissent la grande majorité du temps du temps en éliminant des sbires de Vega, puis un combat un peu plus corsé contre un Golgoth vient marquer la fin de chaque niveau.
Alors oui, on fait un peu toujours la même chose, mais n’est-ce pas le cas de nombreux jeux dont le gameplay est balisé par leur genre ? Un point qu’il faut reconnaître, c’est la trop faible variété des ennemis. Mais ajoutons qu’aux mécaniques principales de beat’em all s’ajoutent un shoot’em up à défilement vertical, quand on contrôle l’OVT d’Alcor, et un autre shoot’em up en vue de derrière, à la Space Harrier (ou Star Fox) quand on contrôle le Spazer (Goldorak en forme soucoupe).
Encore une fois, des phases de jeu qui n’apportent pas grand-chose aux genres, mais qui font plaisir aux fans. Avant même l’annonce du jeu, si l’on avait demandé à n’importe quel amateur de Grendizer (le nom du robot en V.O.) ce qu’il souhaitait voir dans un jeu vidéo consacré à son héros préféré, il aurait très probablement répondu : des combats au sol contre des Golgoths, et des moments où l’on pilote le Spazer contre les soucoupe de Véga. Le client est roi.
Qu’est-ce qu’un bon jeu ?
Alors, Goldorak – Le Festin des Loups est-il un bon jeu ? D’une façon assez cliché, on répondra que cela dépend des mains dans lesquelles il atterrit. Il n’impressionnera personne graphiquement, mais il fait plaisir à voir. Il ne propose pas grand-chose de très original dans son gameplay, mais il n’oublie rien de ce qu’on attend de lui.
C’est un jeu taillé pour les fans, qui s’amuseront à retrouver tout ce qui fait l’identité du dessin animé : les personnages et les lieux, bien sûr, mais aussi la musique, superbement réorchestrée (la découverte du thème lors du premier démarrage du jeu fait quand même un petit quelque chose !), ou encore les envolées philosophiques un peu cheesy d’Actarus, sous son arbre, guitare à la main.
Si vous souhaitez vous replonger dans cette série qui a défini votre jeunesse, et une partie de la cuture pop d’aujourd’hui (la France serait-elle le deuxième marché mondial du manga sans Goldorak ?), le jeu des studios Endroad remplira sans peine sa mission. Si Goldorak n’est pour vous qu’un vague personnage qui a eu son moment de gloire auprès des générations précédentes, le jeu ne s’adresse pas à vous, et vous risquez de buter sur ses défauts sans voir ses qualités…
Volonté d’aller systématiquement à contre-courant ? L’auteur de ces lignes sera probablement l’un des rares à défendre Goldorak – Le Festin des Loups, alors qu’il était aussi parmi les quelques-uns à pester contre le GOTY Elden Ring (voir notre article). Et on aimera l’un exactement pour les mêmes raisons qu’on n’aimera pas l’autre : le fait d’être, ou non, celui à qui s’adresse l’équipe de développement. Il s’agit ici d’un jeu de fans, pour les fans.
En même temps que Goldorak – Le Festin des Loups sortait une autre adaptation d’une œuvre culte des 80s mettant en scène un robot : Robocop. Et comme pour le titre qui nous occupe ici, il s’agit d’un AA au budget serré, au gameplay convenu, mais qui respire l’amour du film original : thème musical, nombreuses références et clins d’œil, casting original… Robocop, malgré ses qualités purement vidéoludiques un peu limitées (et on dit cela en ayant beaucoup aimé le jeu à la rédac) et contrairement à Goldorak, a bénéficié d’un accueil étonnamment positif de la presse.
La raison serait peut-être l’horizon d’attente : persuadés que le jeu allait être tout pourri, les critiques ont été positivement surpris à sa sortie. Alors, peut-être que ces mêmes critiques en attendaient trop de Goldorak, et n’ont pu qu’être déçus ? C’est le problème des légendes qui brillent peut-être un peu trop fort dans nos cœurs…