Après The Council, Big Bad Wolf Studio revient avec Vampire: The Masquerade – Swansong. Crée par Mark Rein-Hagen, le titre est l’adaptation narrative du jeu de rôle papier Vampire: The Masquerade se déroulant dans le Monde des Ténèbres, devenu célèbre et considéré comme l’un des jeux les plus symboliques de l’approche « narrative » par son univers sombre, complexe, mais facile d’accès.
Big Bad Wolf Studio nous offre un plongeon dans l’univers des vampires de Boston, entre intrigues politiques et décors envoûtants. Alors, on se laisse croquer ?
(Test du jeu Vampire: The Masquerade – Swansong sur PlayStation 4 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Un univers sang-sationnel
Avant de nous plonger dans la narration, Vampire: The Masquerade – Swansong nous immerge dans son univers. À peine le jeu lancé, nous voilà propulsé au cœur d’une crise, un Code Rouge. Visiblement, quelque chose de grave s’est passé sans que personne ne sache précisément quoi. Le Prince de Boston, Hazel Iversen, veut absolument connaître la raison de ce Code Rouge et demande à Emem, Galeb et Laysha d’enquêter.
Infante, Sire, Descendant et bien d’autres termes viennent se heurter à notre compréhension. Pourtant, pour résoudre au mieux cette crise, il faut pouvoir comprendre ce que dit notre interlocuteur. Le glossaire est donc vraiment indispensable au début de l’aventure, d’autant plus qu’il est très simple d’accès : en plein dialogue. Fonctionnalité plutôt bienvenue, car elle permet de ne pas casser le rythme en allant sur le menu et offre la possibilité d’avoir les informations nécessaires à la compréhension d’un contexte, ou par simple curiosité.
À la manière d’un vampire qui ensorcèle sa proie, le jeu est assez envoûtant pour qu’on s’y accroche tel des crocs dans une peau fragile. Au-delà de la narration, ce sont les décors qui nous charment, en particulier les intérieurs qui sont, pour la plupart, sombres. Nombre de détails et d’éléments remplissent ces multiples lieux, ce qui permet de ne pas trop faciliter la tâche et de nous investir au mieux dans nos recherches. Il faut avoir un véritable œil de lynx, ne pas louper les dialogues, lire les documents que l’on ramasse… Et encore, on vient sûrement de passer au moins une dizaine de fois devant un petit post-it avec un code ou une information clé.
Si les décors sont plutôt bien réalisés, faisant ainsi transparaître une tout autre ambiance selon si on se situe sur une scène sanglante ou simplement dans le bureau du Prince, les personnages ont un peu plus de mal. L’animation et, il faut le dire, les graphismes ne sont pas optimisés. Un patch serait le bienvenu pour ancrer visuellement le jeu en 2022.
L’ambiance sonore joue également son rôle dans la construction de cet univers sanglant avec tout d’abord, un très bon doublage en anglais, mais, et surtout, des musiques marquantes composées par Olivier Derivière (A Plague Tale: Innocence, Dying Light 2). Les personnages ont leur propre thème sonore, traduisant en musique leurs personnalités et ambitions. Le thème sonore de Galeb semble menaçant alors que celui de Leysha est plutôt mélancolique.
Un jeu narratif qui a du mordant…
Les jeux du genre narratif se multiplient et offrent au joueur la possibilité de s’immerger dans plusieurs univers : futuriste comme dans Detroit: Become Human ou, horreur et thriller psychologique comme les Dark Pictures Anthology… Parmi tout ce beau monde, il faut savoir innover afin de se distinguer.
À part le fait que Swansong se déroule dans un univers différent de fantasy urbaine au milieu des buveurs de sang, le titre arrive à sortir son croc du lot en proposant une formule rafraîchissante grâce à l’ajout de mécaniques que l’on retrouve dans les RPG. Un ajout plutôt habile qui est constitué d’un système de points d’expérience, d’un lot de compétences et d’avantages propres à chacun des personnages. Rhétorique, persuasion, technologie, érudition… Tant d’atouts et de compétences qu’il faudra judicieusement développer pour pouvoir mener l’enquête sans louper d’élément important.
Ce système n’est cependant consistant qu’au bout de quelques heures de jeu, une fois l’expérience suffisamment engrangée. Les personnages non-jouables les plus expérimentés sauront vous remettre à votre place si vous osez les défier sans avoir le niveau. Ils possèdent d’ailleurs leur propre fiche, très utile pour savoir comment aborder la conversation, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une confrontation cruciale.
Là est toute la singularité de l’expérience : dans Vampire: The Masquerade – Swansong, il n’y que très peu, voire pas du tout de combats à coup de crocs. La puissance des mots et des idées sont au cœur de l’expérience. Véritables joutes verbales, les conversations que vous aurez avec les personnages seront importantes pour la suite de vos actions. C’est un système qui rend les échanges tout à fait prenants, ce qui semble impératif dans un jeu narratif où il faut accepter de passer beaucoup de temps à poser des questions, écouter les autres.
En plus du système de points de compétence, Emem, Laysha et Galeb apportent une réelle plus-value au jeu. Ils sont tous dotés de pouvoirs différents, ajoutant une dose de surnaturel aux enquêtes, avec leur personnalité propre, leur passé et leurs tourments. Un travail remarquable d’écriture qui permet d’apprécier encore davantage l’univers et le jeu en général. Les pouvoirs vampiriques sont employés à bon escient et réfléchis. Ils ne sont pas du tout superflus et différents, permettant ainsi que les phases ne soient pas similaires les unes aux autres.
On peut regretter cependant l’augmentation un peu trop rapide de la barre de « faim », mais il s’agit plus de la frustration ressentie qu’autre chose. Les trois personnages semblent avoir également subi un traitement de faveur au niveau du développement, créant un contraste avec les PNJ au niveau des animations notamment.
… mais qui reste dans la même veine linéaire
Marque de fabrique du genre narratif, l’histoire vous amène à prendre des décisions en empruntant différents embranchements scénaristiques, que ce soit dans les interactions sociales ou dans l’investigation. L’histoire propre des variations est intéressante et à chaque fin de « chapitre », vous pouvez voir quels choix vous auriez pu faire différemment sans pour autant engendrer de la frustration, car les situations peuvent s’avérer plutôt surprenantes. Peu importe le personnage avec lequel vous choisirez de débuter un nouveau chapitre. Celui-ci et ses actions tissent un fil bien précis.
Malgré les choix, l’aventure reste donc assez linéaire et peut amener à des moments de flottement où vous tournez en rond à la recherche d’un objet pour valider votre objectif. Cependant, il y a toujours quelque chose qui permet de ne pas tomber dans la frustration et dans l’ennui : une oreille attentive à prêter pour écouter une conversation potentiellement intéressante et bien d’autres activités comme chasser une proie par exemple. L’exploration reste assez libre et vous n’êtes pas bloqué sur un seul chemin.
Vous n’êtes pas dans n’importe quel film de vampires pour adolescents. Vampire: The Masquerade – Swansong est assez sombre et, pour utiliser vos capacités, il faut pouvoir se contrôler et donc maintenir son niveau de faim au plus bas, au risque de se jeter sur le premier venu et de révéler votre existence. Un acte impardonnable pour le Prince qui veut que tout le monde respecte la Mascarade, l’une des règles les plus importantes qui consistent à ne pas révéler l’existence des vampires à la population humaine, considérée comme du bétail.
Porté par une excellente aventure narrative et une direction artistique élégante, Vampire: The Masquerade – Swansong nous plonge dans une intrigue haletante prenant place dans un univers sombre bien construit et détaillé. Le côté exploration, infiltration et enquête digne d’un RPG apporte une réelle plus-value à la narration et se complète très bien.
Le titre étant loin d’être sans défauts, on notera quelques bugs qui seront sûrement corrigés dans un prochain patch, mais ceux-ci n’entravent en rien la progression. Malgré un très bon doublage en anglais, on note l’absence de VF qui pourrait refroidir les plus anglophobes et ceux qui n’ont pas envie de lire les sous-titres. Il est difficile de résister à Vampire: The Masquerade – Swansong, et on planterait bien plusieurs fois nos crocs pour la rejouabilité.