Après un petit échec commercial, le premier NieR, issu de l’univers Drakengard, aurait pu être le dernier. Fort d’un succès d’estime et critique sur la longueur, le jeu de Square Enix finira par en devenir presque mythique auprès des joueurs les plus passionnés. Malgré sa technique déjà datée pour l’époque et son gameplay sujet à débat, NieR premier du nom, était surtout porté par une sorte d’aura indescriptible dont l’OST venait servir de catalyseur.
Développé par PlatinumGames, NieR: Automata semble partir sur les mêmes bases que son prédécesseur, à la différence près que le gameplay s’est affiné avec le temps, et que les thèmes abordés sont beaucoup moins universels, ce qui risque d’en laisser quelques-uns sur le carreau.
Les liens qui les unissent
Nous vous annoncions des thèmes différents entre les deux épisodes de NieR et il est clair qu’entre jouer un androïde forcé de retenir ses émotions et un père devant risquer sa vie pour sauver celle de sa fille, il y a un monde. Avant même de parler des différents éléments qui façonnent le jeu, il faut savoir que vous devrez composer avec un thème centré sur la place de l’Homme et des machines, ce qui est émotionnellement beaucoup moins universel.
En effet, l’attachement aux personnages est alors totalement différent et pourra être pour certains quelque chose de plus complexe à appréhender. De plus, il faut avouer que dans le but de faire de ce NieR: Automata un succès commercial, le choix de centrer l’histoire sur quelque chose d’aussi poussé sur le plan métaphysique était très « culotté » (coucou 2B) de leur part. Se déroulant des milliers d’années après le premier épisode, l’humanité a été forcé de quitter la Terre suite à une menace extraterrestre qui ne lui laissa aucune chance. À présent reclus sur la Lune, les humains se servent d’androïdes, qu’ils envoient sur Terre afin de combattre les machines extraterrestres, dans le but de reconquérir le sol qui leur appartenait autrefois.
Si vous n’avez pas fait le premier opus, n’ayez crainte, vous n’en aurez pas besoin pour comprendre le jeu, tout est fait pour que n’importe qui prenne part à l’aventure. Cependant, si vous êtes un grand fan, vous aurez la joie de trouver des éléments de compréhension et de background, que vous prendrez d’autant plus de plaisir à découvrir si vous avez vécu les événements du premier jeu. Vous y gagnerez donc la petite sensation de nostalgie et les émotions associées lorsque vous comprendrez les liens qui unissent NieR et NieR: Automata.
Malgré tout, la magie opère
On va pas se le cacher, techniquement le jeu est à des années lumières des mètres-étalons, et ce n’est pas la sortie récente de Horizon Zero Dawn qui viendra nous faire dire le contraire. Les dingues de graphismes hors-normes devront donc se faire à l’idée. En ce qui nous concerne, du moment que l’univers est cohérent, et qu’à défaut d’être beaux, les environnements ne nous posent aucun souci dans notre progression, alors il n’y a aucun problème. D’autant plus que le dernier Zelda nous l’a très bien montré, il n’y a pas besoin de produire quelque chose de photo-réaliste pour émouvoir devant un beau panorama.
En ce sens NieR: Automata propose de jolis moments de contemplation et l’on retiendra certaines fulgurances telles que la zone de la fête foraine ou encore l’immensité presque oppressante du désert qui n’est finalement pas une facilité de conception, et dont l’apparent vide n’est en fait qu’une impression, mais cela, nous vous laisserons le découvrir par vous-même lorsque le temps sera venu. La direction artistique, de son côté est vraiment très réussie comme vous pourrez le voir sur les images illustrant ce test et le character design est tout simplement somptueux, qu’il s’agisse des personnages que l’on va incarner, 2B et 9S, ou plus généralement des machines.
Pour rester sur les aspects techniques, une promesse spécifique avait été faite, celle d’atteindre le 60 images par seconde, afin d’offrir un jeu non pas impressionnant par ses graphismes, mais par la fluidité de son action. On peut dire que globalement la promesse est tenue… Mais il y a un mais. Les phases de combat sont d’une fluidité exemplaire, il n’y a clairement rien à redire. Cependant, comme c’était le cas dans Bloodborne par exemple, le jeu subit des petites chutes de framerate durant les phases d’exploration, et plus particulièrement quand nous passons en course rapide. Ce n’est bien entendu pas dérangeant car ça ne vient pas nuire à l’action, mais c’est un peu dommage que le jeu vienne vous mettre de temps à autre une petite tape derrière la nuque. Nous précisons d’ailleurs que nous avons effectué ce test sur PlayStation 4 Pro, donc il ne nous sera pas possible de vous dire ce que ça donne sur la console standard.
Mais NieR: Automata ne souffre clairement pas de ces petits désagréments qui restent finalement plutôt dérisoires en comparaison de l’expérience globale. Car on ne le répétera jamais assez, un jeu, pour nous, ne s’apprécie pas point par point, mais dans un ensemble que les développeurs ont créé de la façon la plus cohérente possible. La magie opère donc parfaitement grâce notamment aux points que nous allons aborder ci-dessous, à savoir la musique, le scénario et le système de combat.
Merci Monsieur Keiichi Okabe
Musique et scénario vont aller de paire bien entendu, la musique se mettant au service de la narration afin de transmettre, d’accentuer, voir de décupler certaines émotions. Et encore une fois le travail de Keiichi Okabe à la musique est une pure merveille, comme cela était déjà le cas sur NieR. Au chant nous retrouvons la non moins talentueuse Emi Evans qui ne manquera pas de vous provoquer quelques hérissements de poils, comme lors du combat de boss de la fête foraine : un délice pour les oreilles.
Même si le monde ouvert de NieR: Automata ne peut pas se comparer à ce que l’on a vu dernièrement dans le monde du jeu vidéo, il reste tout de même un monde ouvert. Chaque zone possède son thème musical et ce dernier sera alors composé de variations en fonction de l’évolution du jeu ou de ce que l’on est en train de faire. En ce sens, le jeu nous récompense régulièrement avec un changement musical aussi éphémère qu’inattendu, comme ce fut le cas pour la quête des deux soeurs qui nous aura beaucoup ému. Un réel instant de bonheur, simple et efficace, qui n’est absolument pas un cas isolé et qui arrive généralement après la résolution d’une quête. Vous l’aurez bien compris les musiques du jeu sont si sublimes qu’on en vient à réaliser des quêtes afin de nous en mettre encore un peu plus plein les oreilles.
Après coup et de nombreuses écoutes plus tard, il nous est compliqué de savoir si la musique de NieR Automata arrive à la cheville de l’OST de légende de NieR. Cependant, plutôt que d’essayer de différencier le prodigieux du monumental, nous pouvons au moins vous dire que cette OST est d’une justesse qui force le respect et dont les superlatifs manqueraient pour la qualifier. Parfaitement calibrée dans tous les compartiments du jeu, il n’y aura pas un instant ou vous oublierez la présence de cette musique qui vous marquera même bien après avoir arrêté de jouer.
Côté scénario on ne va pas s’étaler pour ne pas spoil quoi que ce soit et pour le coup, avec ce jeu, il est très facile de spoil. Comme dans le premier opus, plusieurs fins sont à découvrir et il vous faudra refaire le jeu 5 fois au minimum pour découvrir la majeure partie du scénario et croyez-nous, refaire le jeu est absolument indispensable pour l’apprécier au maximum de ses possibilités. Le gameplay change radicalement d’une partie à l’autre, l’histoire s’étoffe de façon incroyable et vous n’aurez pas assez d’une seule partie pour découvrir tous les petits détails cachés dans le jeu, d’autant plus que certains éléments ne pourront se débloquer qu’après avoir recommencé le jeu.
De notre côté nous avons été bluffé par l’univers crée pour NieR: Automata, mais à un point qu’il est même difficile d’expliquer. Une chose est sûre cependant c’est qu’il y a du génie chez Yoko Taro, le créateur du jeu. Et cet homme nous a pondu un univers qui nous met claque sur claque sans jamais s’arrêter. Ses idées vont plus loin que tout ce qu’il nous a été possible de voir jusqu’à présent dans un jeu vidéo, si ce n’est dans NieR premier du nom. Tous les concepts proposés sont poussés à leur extrême limite et de fin en fin le jeu brise sans vergogne ce que l’on appelle le quatrième mur. Vous savez, ce moment où le jeu parvient à franchir la frontière entre vous et votre support de jeu.
Les twists scénaristiques, en plus d’être parfaitement bien amenés, ne cessent jamais de nous surprendre, et le jeu enchaîne sans qu’il n’y ait jamais aucune baisse de régime. Tout file à 100 à l’heure, et quand on croit toucher au but, le jeu en remet une couche et nous décroche une nouvelle fois la mâchoire. Pour tout vous dire, tout est tellement poussé dans NieR: Automata en termes de vision, de concept, qu’on ne saurait dire comment Yoko Taro aurait pu aller encore plus loin dans son délire. Admirable, tout simplement admirable.
2B et 9S, les androïdes de nouvelle génération
NieR: Automata est clairement un jeu d’action… Mais pas que, puisqu’il intègre les éléments traditionnels du RPG que sont le gain d’expérience, la prise de niveau, l’équipement, etc. Il vous sera donc obligatoire de passer pas la case amélioration, phase d’XP et compagnie si vous souhaitez progresser correctement dans le jeu. Cela sera surtout vrai dans le cas où vous auriez le cran de débuter le jeu en difficile. Pour ne rien vous cacher, à froid, sans entraînement préalable, nous avions commencé le jeu en difficile avant de mettre notre fierté de côté, pour cause de morts multiples sur le didacticiel qui ne vous fera pas de cadeau.
Loin de la technicité d’un Bayonetta, NieR: Automata se veut beaucoup plus accessible et base son système de jeu sur des combos simples couplés à un système d’esquives dynamique vraiment jouissif une fois parfaitement maîtrisé. Un petit robot vous suivra partout et vous permettra de frapper les ennemis à distance grâce à des missiles ou encore une mitrailleuse. Il vous permettra aussi de maximiser encore plus vos dégâts en l’équipant d’attaques spéciales, ou de vous en servir de soutien en vous permettant de vous protéger des attaques ennemies.
Pour résumer, le jeu distille une action nerveuse ultra dynamique et très agréable à prendre en mains, ce qui vous permettra par ailleurs d’en prendre plein la vue grâce aux animations complètement folles de 2B ou 9S. On ressent que les pros de l’action, PlatinumGames, sont aux commandes et bon sang que c’est bon de les retrouver au sommet de leur art. Parfois le dynamisme de l’action se calmera un peu pour passer en mode shoot’em up, et si de prime abord le mélange des genres pourraient être discutable, il n’en est absolument rien ici. C’est peut-être l’un des plus beaux tours de force du jeu, que de parvenir à mixer en un seul et même combat, des phases d’esquives/attaques en mode shoot’em up 3D, puis de revenir sur de l’action façon Bayonetta, pour finir par du shoot’em up 2D à l’ancienne. Il n’y a pas une seule fausse note, l’action est lisible, le plaisir est à son paroxysme, toutes les phases sont intéressantes et on n’a jamais l’impression qu’ils ont intégré ça pour dire, on le met. Mieux encore, parfois ces changements de gameplay sont justifiés par le scénario ou par les enjeux, ce qui rend l’immersion encore plus forte.
Une petite composante « multijoueur » viendra faire son apparition. Si vous l’activez, vous verrez au fil du jeu des cadavres d’androides sur le sol, qui correspondront aux joueurs morts à cet endroit. Chose intéressante, il est possible en s’en approchant de récupérer temporairement des bonus, ainsi que de l’argent. Vous pouvez aussi choisir de faire revivre l’androïde afin qu’il puisse combattre à vos côté en tant qu’IA. Très sympa et pas du tout gadget, vous utiliserez et abuserez régulièrement de ces joueurs morts au combat.
Et pour continuer sur l’immersion, quelque chose qui encore une fois nous a fait dire que définitivement NieR: Automata faisait partie des grands, c’est les éléments intégrés au jeu mais justifiés par le contexte ou par le fait que nous jouions des androïdes. Par exemple, pour gagner en puissance, en défense, en vitesse, nous devons installer des modules sur notre personnages comme l’on changerait des élément sur son PC pour l’upgrader. Autre exemple, le système de sauvegarde. Celui-ci n’est pas automatique et il faut donc trouver un endroit pour sauvegarder les données qui seront envoyées au serveur de la base afin que notre conscience, nos souvenirs, restent intacts même si nous venions à mourir. Ce genre de choses qui font partie intégrante à la fois du système de jeu et du contexte/scénario sont tout bonnement géniales, et cela rajoute une plus-value énorme à l’immersion.
Nous l’avons vu plus haut, le jeu récompense parfois l’accomplissement des quêtes par un changement de musique, mais il saura aussi récompenser votre exploration. D’ailleurs soyons bien clairs, l’exploration est indispensable. Le sol regorge d’éléments à ramasser, et ceux-ci vous permettront d’améliorer vos armes auprès des marchands, d’acheter du matériel, des modules d’upgrade pour votre personnage, etc. Il est donc vivement conseillé de partir à l’aventure car au détour d’un donjon secret ou d’un lieu difficile d’accès, vous pourriez bien découvrir des éléments très intéressants, voire même de découvrir l’une des 8 armes antiques.
Enfin, les quêtes éparpillées un peu partout dans le monde de NieR: Automata devraient pour une fois vous convaincre de vous lancer dans les éléments annexes. En effet les quêtes sont vraiment superbement bien écrites pour la plupart et cette qualité d’écriture, en plus de vous captiver, vous révélera régulièrement des éléments de compréhension très instructifs, voire même, sans trop vous en dire, des éléments liant les deux titres NieR.
Malgré des graphismes passables, NieR: Automata arrive à produire une expérience d’une qualité exceptionnelle en brisant notamment le « quatrième mur » à plusieurs reprises (rendez-vous par exemple à votre deuxième partie pour comprendre). Il arrive en outre à nous surprendre de bien des façons, notamment grâce à un mélange des gameplay parfaitement maîtrisé, une narration à toute épreuve et une OST à la justesse admirable du début à la fin.
Très complet, le jeu possède une re-jouabilité nécessaire portant sa durée de vie à 40 heures minimum. On regrettera cependant quelques baisses de framerate intempestives, mais cela ne suffira pas à entacher la virtuosité de ce titre, qui on l’espère, ne sera pas le dernier de la série, et surtout pas le dernier réalisé par PlatinumGames, car les bougres sont tout de même sacrément bons dans leur domaine.