Monobot fait partie de cette catégorie de jeux aux grandes espérances, aux belles inspirations, et avec de la bonne volonté à revendre. Un titre indé développé par une petite équipe, parmi tellement d’autres. Un jeu de plateforme/énigmes parmi tellement d’autres. La production de DreamSmith Studio fait tout son possible pour se (dé)marquer : se démarquer de la concurrence et marquer les esprits.
Avec son contexte science-fictionnel dystopique, et sa proposition classique qui ne nie jamais ses influences, tout en tentant d’affirmer une identité propre, le titre a en effet beaucoup d’arguments à mettre en avant. Seront-ils suffisants pour vous inciter à mettre la main à la poche et amener Monobot sur le devant de la scène ?
(Test de Monobot sur PC réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Another Brick In The Wall-E
Littéralement abandonné dans une colonie perdue sur un planétoïde lointain, le début du jeu est âpre et direct. Un début qui ne peut que vous évoquer ceux de Limbo et Inside en termes de mise en scène. Cependant, la comparaison s’arrête là (pour le moment), car le design de votre personnage est celui d’un assistant robotique kawaii au possible. Petit androïde monocycle aux yeux lumineux, sans doute enfant perdu d’Astro Boy et de Eve (Wall-E), le héros est terriblement attendrissant… Son design et son animation sont parmi les arguments de poids du titre.
Dès les premières secondes, il vous est imposé d’aller de l’avant. Alors que vous prenez vos marques, vous rencontrerez le premier problème du jeu : son gameplay et en particulier la gestion des sauts. Votre Astro Boy à roulettes est d’une lourdeur agaçante. Évidemment, on veut bien admettre qu’un robot doit peser un certain poids. Cependant, une sensation de lourdeur combinée à de la latence (minimale, mais suffisante pour être casse-pied) amène à une impression de frustration assez prégnante.
Pour ce qui est de la gestion des sauts, les choses s’améliorent au bout d’un certain temps, pour une raison que l’on ne vous divulgâchera pas. Mais attention, « améliorer » ne veut pas dire « résoudre le problème ». Tout au long du jeu, ce qui s’appuyait au départ sur une particularité de conception du robot (pas de jambes, pas de sauts), afin d’amener à considérer le déplacement et les énigmes sous un angle particulier, devient une plaie.
Hangin’ On A Limb-o
Énigmes qui vont donc se servir du fait que vous ne puissiez pas sauter pour s’élaborer sur le système « comment le joueur va-t-il pouvoir avancer face à cet élément qui bloque le passage ? ». Ceci dit, la courbe de difficulté est très bien élaborée, et les puzzles bien pensés, quoique peu inventifs. Orientés vers le poussage de blocs et la génération de plateformes de fortune pour franchir des obstacles, ils ne sont pas vraiment bloquants.
Ce qui est paradoxalement l’un des problèmes du jeu, car à aucun moment, vous ne serez vraiment mis à l’épreuve. Monobot en devient donc un ersatz de walking-simulator en 2D, où les enjeux, tout du moins pour le gameplay, sont réduits à peau de chagrin. D’autant plus que les énigmes sont répétitives, et que l’impression de déjà-vu qui s’en dégage ne provoquera que lassitude chez le joueur.
L’ajout ultérieur d’un « bras mécanique » ne viendra pas sauver le bateau, au contraire. Avec une mécanique de fonctionnement confuse au départ, basée sur un ralentissement du temps, elle n’est qu’une feature destinée à venir enrichir la proposition d’énigmes. Elle n’aura pas d’autre intérêt que de fournir de quoi freiner votre progression, ce qui sera peine perdue, au vu de la facilité du titre.
Si la lassitude gagne rapidement celui ou celle qui a la manette en main à cause de la structure peu inventive du titre, malheureusement, ce sentiment est encore amplifié par les environnements qui ne se renouvellent que très peu (pour ne pas dire « pas du tout »).
From The Inside
La grande force des titres que Monobot se plaît à citer en influences, en particulier Limbo et Inside, brillent par un level design inventif, et le fait que malgré une impression d’avoir toujours affaire au même décor, celui-ci change en fait énormément. Pour Limbo, on passe d’une forêt sombre à une ville (quasi) fantôme. Dans le cas d’Inside, une grange laisse place à une usine, puis à un complexe sous-marin. Tout cela avec des transitions d’une fluidité exemplaire, tant en termes de level design que de modifications de décors.
Monobot tente d’imiter ses maîtres, mais fonce droit dans le mur. Pendant 90% du jeu, vous aurez la sempiternelle impression de traverser toujours les mêmes décors. Usine, entrepôt, usine, lobby, usine, chaines de fabrication… Oddworld : L’Odyssée d’Abe faisait cela des dizaines de fois mieux en 1997. Et ce n’est malheureusement pas la variation finale (totalement prévisible) qui viendra sauver les meubles.
Reste un univers somme toute très intéressant, mais cette dystopie est très convenue, et le pot aux roses final ne vous décrochera qu’un « pffff » d’abattement final, aux arrières-goûts de « tout ça pour ça ». Un gâchis, car le lore mériterait d’être exploré. De bonnes idées se sont glissées çà et là, sur l’origine de ces robots, leurs rôles respectifs, le pourquoi de leur existence… De quoi nous laisser avec une foule de questions, dont les deux principales sont : ce jeu ne serait-il pas sorti trop tôt ? N’aurait-il pas mérité un autre traitement que le platformer 2D ?
Nous évoquions précédemment la notion de walking-simulator. Et pourquoi pas un walking-simulator 2D ? Peut-être que cette forme aurait mieux collé au propos de Monobot. Le jeu n’avait absolument pas besoin des artifices de la plateforme dont on l’a affublé. Il avait des choses à dire, et à faire comprendre, et non pas à se cacher (se gâcher ?) derrière une formule qu’il ne maîtrise pas. C’est avec une certaine amertume que l’on quitte ce jeu, en se disant que les artistes derrière celui-ci ont certainement du talent et des idées plein la tête, mais que clairement, vouloir jouer dans la même cour que les titres de PlayDead était tout sauf une bonne idée.
Soutenir la scène indépendante est extrêmement important. Il faut aider les petits projets à devenir de grands noms, et donner de la visibilité aux jeunes studios afin qu’ils puissent prendre de l’ampleur. Cependant, cela ne signifie pas applaudir des deux mains tous les produits qui émanent de cette scène.
Monobot a beau faire preuve de plein de bonnes intentions, cela ne suffit absolument pas à justifier son achat. Répétitif, lassant, déjà vu et revu, seul son lore vaut vraiment le coup d’être exploré. Souhaitons que DreamSmith Studio saura rebondir et offrir à cet univers le jeu qu’il mérite à l’avenir.