Après une absence fortement remarquée, la série des Metal Gear Solid a enfin pris le chemin du retour. Mais, comme annoncé en début d’année, point de nouvel opus en vue. Et puis une telle chose pourrait-elle vraiment arriver sans Hideo Kojima aux commandes et avec un Konami qui a plutôt tendance à jouer sur la fibre mercantile que sur ses qualités artistiques ? Chacun aura sa propre réponse.
Et ici, à travers cet article, on se demandera même si cet intérêt pécuniaire a une incidence directe sur la compilation servie le 24 octobre dernier sur consoles et PC. Outre cette volonté de remettre sur le devant de la scène sa licence culte, il y a évidemment de grandes interrogations qui peuvent surgir, lesquelles auront le principal but de déterminer si oui ou non, cette ressortie vaut la peine que l’on mette la main au portefeuille, surtout dans le contexte actuel, trés chargé en sorties en tous genres. Alors, opportunisme surfant sur la nostalgie des joueurs ou véritable travail « archéologique » opéré avec amour ?
(Test de Metal Gear Solid Master Collection Vol.1 réalisée sur PS5 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Le retour en grande pompe du snake ?
Avec ce Metal Gear Solid Master Collection Master Vol.1, Konami offre aux joueurs la possibilité de découvrir ou de redécouvrir la série culte qui a fait la réputation du tant adulé Hideo Kojima. C’est une porte ouverte sur l’historique trilogie débutée sur PS1 et continuée sur PS2, laquelle est donc composée des épisodes Metal Gear Solid 1, 2 et 3. Sans oublier la présence de deux opus de l’ère 2D sortis d’abord sur MSX 2 avant d’arriver sur NES, c’est-à-dire le diptyque composé de Metal Gear et Metal Gear: Solid Snake.
Des morceaux qui ont fait l’histoire du jeu vidéo, instillant dans le paysage vidéoludique, et même dans l’imaginaire collectif, ses personnages et moments iconiques. Et évidemment, cela pourrait être l’un des arguments principaux qui pousserait le néophyte à s’activer vers les titres en question. Dans ce cas-là, on ne peut que louer la démarche.
Seulement, comme dit en introduction, il existe certains motifs qui sous-tendent l’initiative de Konami. Des motifs prégnants qui auront tendance à gâcher quelque peu l’expérience. Car, plus que ce désir de remettre aux mains de tous la saga qui a ancré encore un plus le nom de l’éditeur au panthéon, ce qui nous apparaîtra, ce sera la « logique capitaliste » très présente dans l’industrie. En tout cas, en voyant tous les projets de remasters (souvent critiqués d’ailleurs quant au soin accordé par leur propriétaire), remakes et autres choses, on aura en tout cas beaucoup de mal à affirmer le contraire…
Depuis le temps que l’on nous propose cette recette de la redite, on aura tendance à moins montrer les dents. Il faudra bien s’y faire un jour ou l’autre. Cependant, quitte à utiliser le prestige d’une franchise, autant le faire avec respect. Respect vis-à-vis de son œuvre, mais aussi de sa communauté. Et ici, plutôt que d’apporter un petit vent de fraîcheur sur la saga et, par là, un petit effort pour servir sa saga sous une forme plus retravaillée, Konami opte pour la facilité et – disons ce que pourrait en penser la plupart des joueurs – la paresse.
Pour l’exemple, MGS premier du nom se joue dans une configuration pas toujours agréable à l’œil. Et parmi les reproches que l’on lui fera se trouvent le format 4/3 d’origine et les deux bandes « noires » verticales qui orneront notre écran. Quant aux deux opus qui le suivent (ainsi que les deux Metal Gear), il ne s’agit que des versions de la collection HD de 2011, dans la même résolution 1080p.
Bref, savoir que l’on est un peu utilisé par un grand nom de l’industrie, qui met à profit un nom bien ancré dans l’histoire, reste un peu difficile à avaler.
Et la salle des archives ouvre ses portes
Ainsi, pour nous faire quelque peu passer la pilule, on nous fournit plus ou moins une explication, ou plutôt un prétexte, lequel est visible sur la forme même des jeux présentés. Chaque interface nous présente en effet chaque jeu avec la date concernant les événements narrés, un résumé très rapide de ce qui nous attend ainsi que d’autres contenus annexes qui restent à nos yeux bien maigres.
Cela se traduit, par exemple, par l’apport d’autres Missions et modes de jeu (à l’instar des Missions VR), mais aussi par la présence de quelques documents divers tels que le Master Book, qui a pour finalité de donner un aperçu des personnages qui peuplent les titres ainsi que de la série dans son intégralité, ou le Screenplay Book, lequel n’est autre que le scénario du jeu.
Un dernier élément (exclusivement en anglais) qui aura forcément, pour certains, une teneur proche du teasing afin de préparer la prochaine collection éventuelle, laquelle soit dit en passant ne fait aucun doute. De Metal Gear Solid: Twin Snake (le remake du premier opus) à MGS, en passant par MGS Rising, le document dresse un portrait complet de la série.
On a donc l’impression d’avoir un pied dans l’histoire Metal Gear Solid. Une histoire passée que l’on suit rétrospectivement, donc. En substance, c’est une véritable plongée dans les archives. Et ce regard vers le passé semble plutôt louable : on foule à nouveau les sols de Shadow Moses (MGS1), on rencontre Raiden (MGS2) et, surtout, on se replonge dans les événements qui ont fait la légende de Big Boss (MGS3). Or, le hic, c’est que chaque jeu n’est pas accessible via la même interface. Il faut de fait repasser par le home de la console, ce qui aura tendance à minimiser un peu cet aspect en plus d’avoir la sensation que cette collection a du mal à avoir cette apparence.
On retiendra tout de même cette prétendue volonté de faire replonger le joueur dans une époque autre avec un matériel d’origine ou presque – la résolution se voulant tout de même un peu meilleure, on le rappelle. Cependant, les défauts (quelques bugs par-ci, par-là) que l’on pourrait remarquer pourraient gêner quelque peu.
Pour notre part, le plus problématique était celui rencontré avec le premier jeu où il a été nécessaire de redémarrer le jeu. Néanmoins, de mémoire, il n’y en a pas eu énormément de problèmes rencontrés. Un résultat que l’on doit assurément aux mises à jour survenues après le lancement du titre.
Un plaisir bien réel tout de même ?
Si l’on fait fi des inconvénients susmentionnés, on ne voit alors aucun autre souci qui pourrait freiner notre envie. Et pour cause, la série est ce qu’elle est pour une raison particulière : elle s’impose en maître, et notamment sur un plan scénaristique, sur la mise en scène ou encore sur les thématiques abordées.
Alors oui, il est vrai que, depuis sa genèse, il y a eu de l’eau qui a coulé sous les ponts et logiquement, en termes de spectaculaire, il y a eu mieux. Cependant, il ne serait probablement pas exagéré de dire qu’avec ces créations-là, Hideo Kojima a eu une avance sur son temps. Et même un peu trop, comme nous laissent à croire nos dernières heures (re)passées sur le premier Metal Gear Solid…
Mais si on laisse de côté quelques inconforts, la prise en main reste (à l’heure actuelle) très satisfaisante. C’est le cas pour MGS 2 et 3, mais aussi pour l’opus original, même si visuellement, on n’est pas logé à la même enseigne. Après, il est vrai qu’il faut être sensible à une certaine « forme d’expression », les propos, les situations ou même les effets que l’on sert frôlant parfois le kitch. Ce qui constitue un paradoxe, car oui, c’est à la fois une force et une faiblesse. C’est même ce qui peut être considéré comme la recette du succès.
Une recette qui a néanmoins assez vieilli, et davantage sur les « valeurs sociétales », les idées ou remarques véhiculées n’étant en effet plus admises. D’ailleurs, à ce propos, Konami avertit sa communauté avec un message liminaire. De quoi prendre de la distance avec l’auteur ? Signifier une prise de conscience vis-à-vis d’un monde en mouvement, en continuelle transformation ? Ou obligation de le faire ? Peu importe les raisons. Toutefois, n’est-ce pas un peu infantiliser son public que de l’exhorter à prendre du recul ?
Cependant, ce genre de contenu plus ou moins « limite » (beauferie, lourdeur…) ne devrait avoir aucune incidence sur le plaisir que l’on peut avoir. L’atmosphère des différents jeux a quelque chose de particulier qui arrive à envoûter. Mais, il s’agit avant tout de qualités intrinsèquement liées aux jeux. Et donc, si on les possède déjà ou si on y a déjà joué, il semble difficilement envisageable de dépenser 59,99 euros pour cette collection.
Revoir la série des Metal Gear Solid revenir sur le devant de la scène est un véritable plaisir. Cependant, la forme sous laquelle ce retour est effectué aura tendance à refroidir un peu. Les jeux ne présentent que très peu d’intérêt visuellement parlant. Aucune amélioration n’est notable, d’autant que les versions de MGS 2 et 3 sont directement tirées de la collection HD de 2011.
Alors, la conclusion est simple : la nouvelle compilation proposée par Konami n’a que très peu d’arguments en sa faveur. Et ce n’est pas les contenus bonus qui pousseront les fans à s’attacher à cette nouvelle proposition. En revanche, pour le nouveau venu dans l’univers façonné par Kojima, il va sans dire que l’opportunité est bonne. Cela dit, il n’est pas sûr que le prix le poussera forcément à l’achat, des jeux bien plus modernes et récents étant disponibles à une offre équivalente.
Il est ainsi dommage de voir la série suivre la logique qui ponctue actuellement l’industrie. Une logique malheureuse, mais inévitable à l’heure qu’il est (où remasters, portages font loi). Cependant, quitte à exploiter une licence passée, autant donner l’impression d’apporter un nouveau point de vue, non ? Ce qui sera fait, il semble, avec le remake de MGS 3 prévue à une date encore inconnue. Et, qui sait, peut-être que Konami le fera même prochainement avec la collection Vol.2, mais on n’y croit pas.