Tous les jeux naissent d’influences, qu’elles viennent des succès du moment ou des goûts personnels des développeurs. Mandragora: Whispers of the Witch Tree ne fait pas exception, avec un ADN nourri de références assumées. Mais au-delà de ses inspirations multiples, le jeu représente surtout un pari audacieux pour Primal Game Studio, un nom encore inconnu pour la majorité des joueurs. Le projet semble largement dépasser le cadre habituel des productions du studio, tant en termes d’ambition que de budget. Une prise de risque considérable donc — mais peut-être aussi l’occasion rêvée de faire une entrée fracassante dans la cour des grands.
(Test de Mandragora Whisper of the Witch Tree sur PC réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Bad to the bone
L’aventure débute par un classique mais toujours efficace éditeur de personnage, suivi du choix de classe parmi une sélection généreuse. Chacune d’elles propose un pack de départ composé d’un équipement spécifique et d’un arbre de talents qui influencera notre progression durant les premières heures de jeu. Une variété bienvenue, surtout pour un Metroidvania en 2,5D qui semble vouloir miser gros sur la rejouabilité et la diversité d’approche dans sa promesse d’un monde riche en possibilités.
S’ouvre alors une cinématique du plus bel effet, construite autour de superbes concept arts animés qui posent élégamment les bases de l’intrigue. Une sorcière, prisonnière des inquisiteurs de Crimson City, est menée à l’exécution publique. Sous les acclamations d’une foule en liesse, le roi — maître d’une magie sacrée — entame la mise à mort en purifiant l’accusée par la lumière.
Mais alors que le supplice s’éternise, un des inquisiteurs cède à un élan d’empathie et décide d’abréger les souffrances de la condamnée. Dans un dernier souffle, celle-ci lui transmet une partie de ses pouvoirs, semant le trouble dans l’assemblée. Cet inquisiteur, marqué à jamais par ce geste, c’est nous. Déshonoré mais toujours utile, notre personnage est envoyé par le roi pour capturer une seconde sorcière. Une quête de rédemption et de chasse qui ne fait que commencer.
Nous voilà donc porteur malgré nous de la magie honnie des sorcières, condamnés à errer dans le monde de Faelduum à la poursuite de notre nouvelle cible. Et dès les premiers pas, ce qui capte immédiatement l’attention, c’est la direction artistique : les panoramas sont soignés, les arrière-plans fourmillent de détails, et l’ensemble respire le travail bien fait. Le tout est mis en valeur par des animations fluides qui rendent la progression plaisante et immersive.
Mais cette fluidité peut aussi jouer quelques tours. Lors des premiers affrontements, l’animation très léchée des ennemis comme de notre avatar rend parfois difficile la lecture de l’action. On se surprend à prendre des coups pour ne pas avoir perçu à temps un enchaînement ou une attaque un peu trop bien animée. Un petit déséquilibre forme plutôt que fonction qui pourrait rebuter aux premières heures…
World of Hollow Knight
Mandragora est de ces jeux qui prennent leur temps pour vous dévoiler leur richesse, et croyez-nous, elle est dense. Le titre n’hésite pas à empiler les mécaniques les unes sur les autres avec une certaine délectation, et mieux vaut avoir une certaine affinité avec les systèmes complexes pour ne pas se sentir submergé.
Heureusement pour lui — et pour vous — votre testeur du jour est un vétéran du MMORPG, ce qui aide à décoder les nombreuses couches inspirées tout droit de ce genre. Loot sur les ennemis, artisanat détaillé en fonction de votre type d’armure (plaque, cuir, tissu), confection de consommables à partir d’une large palette d’ingrédients, enchantement des objets pour leur conférer des effets supplémentaires… La liste est longue, et ne cesse de s’allonger à mesure que l’aventure progresse.
Et l’inspiration ne s’arrête pas là : Mandragora pousse encore plus loin la personnalisation de votre avatar en vous proposant d’apprendre une cinquantaine de sorts différents, à répartir comme bon vous semble selon votre style de jeu. Chaque montée de niveau vous octroie également un point de talent à investir dans l’une des six voies disponibles.
Ces arbres de talents sont généreusement fournis, et structurés autour de quatre types de nœuds. On y retrouve le classique « +1 en Force », mais aussi des compétences passives plus poussées, capables d’ajouter une véritable profondeur au gameplay. Ces améliorations peuvent transformer une simple capacité en combo létal ou modifier subtilement votre manière d’aborder les combats, enrichissant ainsi une formule déjà bien chargée en possibilités.
Ce foisonnement de mécaniques ne plaira pas à tout le monde, mais pour les amateurs de systèmes imbriqués et de personnalisation à outrance, Mandragora pourrait bien être un vrai terrain de jeu.
Supercalifragilisticexpialidocious
Côté gameplay, Mandragora réussit un petit exploit qu’on ne croise pas tous les jours : proposer un système de magie à la fois accessible et équilibré — du moins sur les sorts que nous avons pu tester. Dit comme ça, ça peut sembler anodin, presque banal, mais en réalité c’est une vraie rareté dans le genre.
Beaucoup de jeux du même acabit posent des barrières frustrantes à l’usage de la magie dès le début, entre coûts excessifs, mécaniques restrictives ou simples limitations de build. D’autres l’intègrent de façon trop superficielle, via un arbre de talents bancal où la magie semble être une option de dernière minute, dénuée d’impact réel sur la progression.
Ici, on sent une volonté claire de permettre une approche 100% magique dès les premières minutes, sans pour autant déséquilibrer l’ensemble. C’est rafraîchissant, encourageant même, surtout pour les joueurs qui aiment incarner des lanceurs de sorts sans avoir à subir tout un chapitre d’introduction guerrière avant de pouvoir lancer leur première boule de feu.
Tout n’est pas parfait, loin de là. On note notamment une certaine redondance dans le bestiaire, avec des ennemis qui reviennent un peu trop souvent sous des formes à peine modifiées. Résultat : le jeu se répète parfois, et l’on a cette désagréable impression qu’il radote, peinant à maintenir une vraie montée en puissance dans la découverte ou le challenge. Résultat : l’exploration peut perdre en intensité, et le sentiment de découverte laisse parfois place à une impression de déjà-vu.
Moody Blues
Tous ces mécanismes, bien que riches, mettent un certain temps à se dévoiler, et il peut s’écouler cinq ou six heures de jeu (voire plus) avant de vraiment en voir l’étendue. Cela peut sembler un peu long, surtout quand le rythme des découvertes commence à ralentir. Bien que l’expérience des combats soit séduisante dans les premières heures, une certaine lassitude peut s’installer au fur et à mesure.
Ce sentiment est accentué par le système de talents, qui vous enferme dans un rôle spécifique pendant les 25 premiers niveaux. Cette approche, certainement pensée pour éviter que le joueur ne se perde dans trop de possibilités, peut créer une frustration : vous êtes limité à la magie de votre catalyseur, ce qui signifie que vous ne pourrez utiliser qu’un seul type de magie pendant un moment, malgré le fait que vous ramassiez d’autres catalyseurs au fur et à mesure de votre progression. Un choix qui, tout en offrant une certaine cohérence, peut aussi nuire à la diversité des options dès le départ.
Mandragora Whispers of the Witch Tree tente un mélange des genres en empruntant son gamefeel aux Souls-like tout en adoptant un système de progression inspiré des A-RPG et des MMORPG. Ce mélange réussit à offrir une expérience satisfaisante, récompensant la réflexion dans la création du personnage et permettant une montée en puissance gratifiante.
Cette combinaison s’accompagne d’une certaine barrière à l’entrée. Le jeu impose dès le début la présentation de tous ses systèmes, ce qui peut sembler accablant pour certains joueurs, surtout quand ces systèmes se croisent et se superposent de manière parfois un peu trop évidente. De plus, le jeu réutilise régulièrement certaines mécaniques, ce qui peut entraîner une certaine redondance.
D’un point de vue artistique, Mandragora est irréprochable. Chaque environnement de Faelduum est superbement détaillé, et il est agréable d’explorer ces décors à la recherche de nouvelles découvertes. Dommage, le jeu a parfois tendance à ressasser les mêmes idées sous différentes formes, ce qui peut diminuer l’impact de chaque nouvelle révélation.