Enfin, avec Indiana Jones et le Cercle Ancien, la grosse exclusivité imparable Xbox est là. Après quelques ratés (Redfall…) et déceptions (Starfield, loin d’être ridicule, mais pas à la hauteur des promesses), on avait fini par se demander si Microsoft était encore en mesure de sortir un gros AAA grand public capable de mettre tout le monde d’accord, comme Sony sait si bien le faire (Horizon, God of War…).
Et c’est Indiana Jones qui viendra, comme à son habitude, sauver la situation. À la fois hommage fidèle et grand jeu d’aventure, destiné aux fans de la première heure et à ceux qui connaissent moins la saga, le titre vient remettre en même temps Indy et Xbox au premier plan.
(Test d’Indiana Jones et le Cercle Ancien sur Xbox Series réalisé via une copie commerciale du jeu)
Aux sources de l’aventure moderne
Avec la sortie des Aventuriers de l’Arche Perdue, le premier film, en 1981, Indiana Jones est devenu instantanément l’archétype du film d’aventure, (re)lançant le genre et provoquant la sortie de nombreux ersatz comme À la Poursuite du Diamant Vert (1984), Allan Quatermain et la Cité de l’Or Perdu (1986) ou même le trop sous-estimé et très rigolo Le Temple d’Or (1986, avec Chuck Norris !).
La saga est aussi une inspiration majeure du jeu d’action/aventure, et, au-delà des jeux portant la marque Indiana Jones, c’est bien Indy qu’on voit quand on lance des jeux comme Rick Dangerous (Amiga, Atari ST, Amstrad CPC…), Pitfall (Atari 2600), Spelunky, mais aussi (et surtout) ces deux classiques contemporains que sont Uncharted et Tomb Raider.
Avec Le Cercle Ancien, Indiana Jones reprend la place qui est la sienne de mètre étalon de l’aventure. Et c’est peut-être pour éviter une comparaison trop frontale avec les aventures de Lara Croft ou de Nathan Drake que le studio a opté pour la vue subjective ? Le choix de mise en scène divise (un jeu mettant en scène Indy, dans lequel on ne voit pas Indy ?), et on n’aura pas d’avis tranché sur le sujet jusqu’à la fin de l’aventure.
Dans un jeu comme Cyberpunk 2077, le scénario exige la vue subjective, ne serait-ce que par la nature du personnage de Johnny Silverhand ; il faut que le joueur soit stricto sensu dans la tête de V. Dans Indiana Jones et le Cercle Ancien, on est là essentiellement pour le personnage, et nous priver de sa présence à l’écran peut-être en partie incompréhensible. Cependant, on réalise aussi que l’absence de son image à l’écran dans les scènes de gameplay rend chaque apparition, lors des cinématiques, précieuse, presque évènementielle.
C’est d’ailleurs aussi ce que nous montre l’introduction, qui s’amuse à dissimuler le visage du héros (dans l’ombre, derrière son chapeau…) pendant les toutes premières minutes pour donner encore plus de valeur à sa révélation, qui devient presque une iconisation. Cette caméra subjective permet également de découvrir littéralement sous un autre angle des scènes cultes des films.
Fan service, mais pas que
Une introduction qui rejoue exactement et fidèlement celle des Aventurier de l’Arche Perdue, avec la découverte du temple, la scène culte du contrepoids pour s’emparer de la statuette qui ne fonctionne pas du tout (!), et pour finir la poursuite encore plus culte avec la fameuse immense boule de pierre. Cette introduction est certes, un très beau clin d’œil, un objet de fan service total, mais elle vient aussi montrer aux joueurs que le studio sait ce qu’il fait ; c’est une façon de montrer patte blanche.
Le jeu sera ainsi fidèle à ce qu’est Indiana Jones, et il faut rappeler que le film est avant tout une forme de pastiche, avec même des moments de parodie. Les Aventuriers de l’Arche Perdue est avant tout un film qui vient réveiller au début des années 80 le genre de l’aventure, qui avait fait les belles heures de l’âge d’or d’Hollywood avec des films comme Tarzan, King Kong, ou Le Monde Perdu.
Ainsi, dans le même esprit, Indiana Jones et le Cercle Ancien n’inventera pas grand-chose question gameplay. Sans être un open world, le jeu est majoritairement organisé en larges zones ouvertes (des « niveaux », à l’ancienne !), et on y retrouvera des mécaniques que l’on connait déjà, vues dans dans Far Cry, ou dans Dishonored, par exemple. Exploration, infiltration, et puzzles, le tout saupoudré d’action et de plateforme rythmeront l’aventure.
Mais, avec l’aide de l’écriture et de la mise en scène, le titre réussit parfaitement à impliquer le joueur et jamais au cours de la partie on ne ressentira la lassitude que la formule un peu répétitive des derniers Far Cry peut susciter chez certains.
Il faut dire que fidèle au genre Aventure, le titre est plein de rebondissements. Dans son scénario, bien entendu, mais aussi dans son gameplay. Les péripéties des films sont aussi ici traduites en grammaire du jeu vidéo, comme dans ce passage aux mécaniques de 3D platformer sur les toits de Shangaï, où (attention, on va peut-être spoiler un tout petit passage) l’on aperçoit un avion qui s’est écrasé. Habitué du jeu vidéo, on imagine se servir des ailes de l’appareil comme d’un pont pour atteindre les bâtiments d’en face.
Et c’est alors que (et c’est là que ça va spoiler…) notre compagnon qui était hors-champ surgit, monte dans l’avion pour le démarrer, et de façon complètement inattendue (pour qui n’a pas lu cette critique), on s’envole aux commandes de la mitrailleuse de l’appareil et le 3D-platformer est devenu shoot’em up !
Pour en revenir au fan service, il faut évoquer la V.F., qui recrute Richard Darbois, voix française habituelle d’Harrison Ford (mais seulement à partir de La Dernière Croisade). Cependant, et malgré le cadeau que cela représente pour les joueurs français, nous devons avouer avoir rapidement repassé notre jeu en V.O. (astuce : le menu du jeu ne le propose pas, c’est la console qu’il faut passer en anglais). La voix très grave de l’acteur français, qui a aujourd’hui un peu plus de 70 ans, semblait jurer avec le physique d’un Indy très jeune.
C’est la superstar du doublage JV Troy Baker qui prête sa voix au personnage en V.O., mais aussi son jeu, puisqu’il incarne avec beaucoup de talent Indy pour la « performance capture ». Les mimiques d’Indiana sont d’ailleurs très convaincantes : on retrouve son sourire en coin, typique, mais aussi son air ahuri devant certaines situations. On peut vraiment apprécier le jeu des acteurs derrière les avatars, et c’est peut-être là l’apport de cette génération de machines.
Signalons d’ailleurs que Tony Todd, l’inoubliable Candyman, prête ses traits à un personnage très marquant qu’il incarne (vous le reconnaitrez rapidement), ce qui sera son dernier rôle, puisque l’acteur a disparu en novembre dernier.
Canon
Outre son sourire immédiatement reconnaissable, Indy « brille » aussi par son côté maladroit, presque gaffeur, comme dans la fameuse scène de l’idole et du sable en contrepoids. Cet aspect n’est pas oublié, et nous est rappelé par exemple dans l’animation de l’escalade, où l’on voit bien les efforts faits par un personnage un peu gauche quand il s’agit de grimper. Les combats aussi sont un peu patauds, maladroits, mais maladroits comme Indy peut l’être. Un souci du détail que certains verront peut-être comme un défaut, mais qui, pour nous, renforce l’immersion et la présence du personnage.
Malgré cette très grande fidélité aux films (« trop grande », aura-t-on lu ici ou là), on voit aussi que le jeu fait évoluer le personnage et la saga. Ainsi, Indy, un peu macho, un peu vieille école, un peu lourdingue, est dans le jeu non seulement parfois maladroit, mais finalement loin d’être un super-héros invincible, et ce sont souvent les femmes qui l’accompagnent qui lui sauvent la mise.
Indiana Jones and the Fate of Atlantis (1992, sur PC et Amiga) avait ouvert la voie en étant l’un des (si ce n’est le) premiers jeux à licence à sortir en dehors de toute promo, n’accompagnant pas la sortie d’un film au cinéma, mais proposant une histoire originale. Et c’est encore un jeu Indiana Jones qui marque une sorte de progrès dans les relations entre les médias, en faisant d’un jeu un épisode canon de la saga cinématographique, continuant de faire évoluer le personnage, en étant même peut-être plus fidèle à la trilogie originale que ne le sont les derniers films.
Indiana Jones et le Cercle Ancien est une très grande réussite. Le rythme et l’écriture du jeu accroche le joueurs, et une fois plongé dans l’aventure, il est très difficile de lâcher la manette tant le rythme est entrainant. Le titre est graphiquement bluffant, avec un jeu d’acteur remarquable, dans tous les sens du terme, et une écriture brillante qui réussit à laisser suffisamment de liberté au joueur sans pour autant perdre sa narration. Certes, le gameplay n’invente pas grand chose, mais son exécution est parfaitement réussie, ce qui reprend quelque part l’essence des films, qui réinventaient le cinéma d’aventure des années 30.
C’est une très belle exclusivité (temporaire) pour Xbox, un cadeau fait aux joueurs en général et aux fans de la saga en particulier, qui rend un hommage appuyé à la licence sans pour autant s’arrêter à l’exercice de la citation. Si le nom du studio, Machine Games, avait pu interroger lors de l’annonce du développement du jeu, tous les doutes sont aujourd’hui levés, ne laissant plus la place qu’aux compliments.