Ces derniers temps, les contes et histoires d’ici et d’ailleurs prennent de plus en plus pied dans le jeu vidéo moderne. Ce n’est pas nouveau évidemment, et un American McGee’s Alice étant un parfait exemple des réinterprétations que certains esprits créatifs peuvent faire de mythologies plus ou moins connues. De fait, sans imaginer un traitement aussi inventif pour l’histoire de Robin des Bois, il faut bien admettre qu’adapter l’univers de Locksley en jeu pourrait avoir de la gueule. Alors, jetons un œil à Gangs of Sherwood, une nouvelle matérialisation de ce fantasme.
Annoncé l’an dernier, le titre édité par Nacon (et développé par Appeal Studios) n’avait pas vraiment fait lever les foules, et même au fil des mois et des présentations, un silence poli entourait la communication autour du jeu, la plupart des yeux étant surtout tournés vers l’un des nombreux blockbusters de cette année. Pourtant, c’est souvent de ces projets de moindre ampleur que proviennent les plus belles surprises. Alors, subtilisons un peu de temps de jeu aux riches AAAA pour l’offrir aux Gangs of Sherwood et voyons donc de quel (Robin des) bois il se chauffe.
(Test de Gangs of Sherwood réalisée sur PS5 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Un Robin des Bois Steampunk
Quand on entame une nouvelle aventure, on a toujours cette petite excitation, nous demandant si l’univers dans lequel on va se plonger saura nous happer et si on y engloutira des dizaines d’heures ou seulement quelques minutes. Avant même de lancer Gangs of Sherwood, cette imperceptible appréhension était bien là, d’autant que nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre, notre attention n’ayant jamais vraiment été captivée par le titre.
Nous connaissions bien sûr, au moins en surface, l’environnement dans lequel nous allions nous battre, le dessin animé de Disney nous ayant accompagnés étant enfants, mais au-delà de ces quelques souvenirs, le flou était total. Et c’est peut-être finalement le mieux tant, un peu à l’instar de Lies of P qui s’est complètement affranchi de l’imagerie de Pinnochio, le monde de Gangs of Sherwood s’éloigne du Robin des Bois tel qu’on l’a connu.
On retrouve bien sûr la bande de rebelles dépeinte dans l’histoire de base, et qui constituera par ailleurs nos différents personnages jouables, ainsi que quelques-uns de ses protagonistes bien connus. Pour autant, tout le reste est bien différent. Technologie et magie se mêlent et rendent Locksley bien moins moyenâgeuse qu’à l’origine.
Le thème de base reste toutefois le même. Le vilain Sheriff de Nottingham oppresse le peuple, et quand la magie du Cœur-de-Lion, un artefact mystique permettant de renforcer sa puissance, s’en mêle, la dictature en place prend un tournant encore plus dramatique. Il convient donc aux forces rebelles, conduites par les fameux Robin, Frère Tuck, Petit-Jean et Belle Marianne, de s’en emparer et rétablir un peu de justice.
Et c’est là qu’on entre un peu plus dans le vif du sujet avec ce qui est selon nous l’une des très belles réussites du titre. Gangs of Sherwood réussit parfaitement à mettre en scène ces quatre héros grâce notamment à l’intervention d’un mystérieux marionnettiste qui introduit chacune des missions dans son petit théâtre de bois.
Bourrées d’humour plutôt bien senti, ces scénettes permettent de donner corps à un univers à la fois classique (le côté Steampunk étant assez commun aujourd’hui) et attrayant. Une envie d’en avoir plus aussi renforcée par le design des différents ennemis et boss que nous aurons l’occasion de croiser, présentés à la première rencontre un peu à la manière de Borderlands.
Même visuellement, si on n’est évidemment pas au niveau des standards des plus gros titres de dernière génération, l’ensemble se tient correctement, aucun bug dérangeant n’est à déplorer et le titre se permet même de nous proposer quelques panoramas très jolis. Pour autant, cette créativité ne se retrouve malheureusement que lorsque l’on parle de l’enrobage du titre.
Un jeu qui manque sa cible
En effet, lorsque l’on se plonge plus concrètement dans ce que le jeu a à proposer, on se rend bien vite compte que Gangs of Sherwood n’est pas à la hauteur de ce que sa plastique laisse paraître. Sur le papier, il se présente comme un jeu d’action jouable en coopération avec un côté exploration pour dénicher différents trésors et artefacts. Et dans les faits, c’est à peu près ça, mais le problème, c’est que ce n’est finalement que ça, et surtout de la manière la plus basique.
Les exemples ne manquent pas. Les niveaux ne proposent rien de plus qu’un long couloir parsemé de faux embranchements qui finissent par mener au même endroit, quelques mètres plus loin. Le choix des personnages, qui aurait pu permettre de rendre intéressant le level design, n’est réduit qu’à sa plus simple caractéristique. Un personnage fort soulève un objet lourd pour pouvoir passer, un personnage mince se glisse dans des interstices. Mais au final, c’est soit pour un coffre inutile, soit pour se retrouver au même endroit.
Car même les trésors à dénicher qui auraient pu constituer une justification aux changements de personnages ne revêtent aucun intérêt, leurs contenus n’étant de toute façon utilisables que dans le niveau en cours. Et puis, lorsque c’est le troisième artefact identique que l’on déniche dans le stage (ceux-ci octroyant quelques bonus en combat), on finit par s’interroger…
Et on pourrait continuer ainsi un moment. Le bestiaire est famélique, avec quelques chevaliers ennemis qui se répètent ad nauseum, les quelques boss étant en plus recyclés en monstres de base très vite. Et ce ne sont pas les quelques combos et capacités à débloquer qui permettent de renouveler l’expérience manette en main. C’est triste, mais c’est ainsi, en quelques dizaines de minutes, Gangs of Sherwood a déjà montré l’étendue limitée de son gameplay.
Alors, pour varier les plaisirs, on peut intervertir de personnage, la puissance d’un frère Tuck par exemple offre une approche différente aux attaques à distance de Robin, mais pour au final affronter les sempiternels mêmes ennemis, dans des arènes se ressemblant toutes plus ou moins et sans autre objectif que d’éventuellement améliorer son rang de combat, à quoi bon ?
Nous sommes durs, c’est vrai. Et il faut bien reconnaître que rien de ce qui nous est proposé n’est mauvais. À aucun moment nous n’avons véritablement pris du déplaisir à parcourir le jeu. Ce qui est regrettable, c’est que Gangs of Sherwood ne transpire d’aucune ambition ludique. Il fait ce qui a été fait des dizaines de fois par d’autres titres sans même chercher à se mettre à leur niveau.
Alors heureusement (ou hélas), le jeu n’est pas bien long (et c’est un euphémisme). En à peine cinq heures, sans se presser, on peut voir le bout de la poignée d’actes et quêtes annexes disponibles. Gangs of Sherwood peut toutefois constituer une alternative sympathique pour une après-midi entre amis, le titre gagnant évidemment en intérêt en coopération. Mais attention, entre amis éloignés seulement, le titre ne proposant pas de multijoueur local…
Au sortir de Gangs of Sherwood, on se demande encore à quoi a bien pu servir le titre d’Appeal Studios. Il ne propose rien de neuf, ne cherche à aucun moment à innover de quelque manière que ce soit et tout ce qu’il propose a été vu des dizaines de fois ailleurs, et souvent en mieux. Alors, le jeu se tient et il n’y a aucun réel problème, mais il nous a surtout fait l’effet d’une coquille vide, dénuée d’âme.
Pourtant, on sent qu’il y a eu des efforts pour rendre cette réinterprétation des aventures de Robin de Locksley intéressantes, notamment via la direction artistique globale du titre et les différents designs proposés. Même l’humour a su faire mouche à plusieurs reprises. Mais voilà, cela ne suffit pas et en résulte ainsi un jeu qui, par manque de moyens, de temps ou d’ambition, se termine aussi vite qu’il s’oublie.