Dire que Fallout 4 était attendu tient de l’euphémisme. Depuis son annonce à l’E3 en juin dernier, le bébé de Bethesda n’a rien fait comme les autres. Sorti quelques mois après son annonce, sans passer par la quasi-obligatoire preview, le titre n’a cessé de faire des pieds-de-nez aux joueurs via sa communication.
En effet, alors que nous nous inquiétions de l’écriture des quêtes, désastreuse dans Skyrim qui est le dernier RPG en date du studio, et de la finition du titre, nous avions en réponse des vidéos pour nous présenter le nouveau système de progression du jeu, odieusement simple, ou pour faire connaissance avec Canigou (ce n’est pas une blague), le chien du jeu. C’est donc avec une certaine appréhension qui devait être commune, j’imagine, à une large partie des joueurs, que je me suis lancé dans le Commonwealth. Fallout 4 valait-il toute cette hype ?
Bethesda, Bethesda ne change jamais
Les habitués de la licence auront finalement assez peu de surprises au lancement de Fallout 4. On se retrouve une nouvelle fois dans un abri anti-atomique, après qu’un conflit nucléaire ait ravagé l’ensemble des États-Unis et probablement le monde. À nouveau, notre héros ou héroïne émerge de son abri, numéroté 111 cette fois-ci, pour découvrir la surface d’un monde désolé. Les mauvaises langues pourront reprocher au pitch d’être un poil trop proche de celui de Fallout 3 mais il faut noter quelques différences non négligeables. On incarne, cette fois-ci, un vétéran qui aura eu la chance, ou le malheur, d’être cryogénisé par Vault-Tec.
On aura même l’occasion de voir un morceau du monde d’avant-guerre à l’occasion d’une introduction franchement bien faite, au cours de laquelle on créera d’ailleurs notre personnage. On appréciera l’effort effectué par Bethesda de nous montrer à quoi ressemblait le monde rétro-futuriste de Fallout en 2077, effort qui permet d’accentuer le côté tragique de la découverte du Commonwealth, étant donné qu’on a eu l’occasion d’apercevoir le monde avant sa destruction.
Après cette introduction fort agréable, le tableau se noircit bien vite. Fallout 4 présente le même rapport avec Skyrim que Fallout 3 avec Oblivion : le titre donne l’impression de n’être qu’un reskin fait à la va-vite. En effet, on retrouve les mêmes PNJ abominablement raides, la même optimisation ratée pour un moteur qui a maintenant 4 ans, quêtes buguées, chutes de framerate inexplicables, chargements trop longs, physique ratée, crashs, etc.. Très franchement, si vous êtes fatigué du manque de finition habituel des titres du développeur, attendez que Fallout 4 soit à -75% sur Steam. Les patchs auront été développés et appliqués, et une multitude de mods permettront de réparer les oublis de Bethesda.
Ceci dit, si le titre souffre de l’ADN consanguin des Elder Scrolls, il bénéficie aussi des quelques avantages qu’il apporte. On retrouve en effet une direction artistique franchement réussie, (hormis pour Diamond City, ville principale du jeu qui n’a rien à voir avec la grandiloquence de New Vegas) qui flattera la rétine. On prend rarement, en effet, autant de plaisir qu’à voir une ville remplie de super mutants se faire atomiser suite à un bombardement de la confrérie de l’Acier. Malheureusement, ces passages, bien que très plaisants, sont trop rares et on finit bien trop vite par regarder la texture terne à l’horizon qui est notre objectif.
Le Wasteland est bien vivant
Cessons, pour l’instant, cette critique acide du nouveau jeu de Bethesda. Que la copie soit très similaire à l’ancien ne veut pas forcément dire qu’elle n’a que des défauts. Au contraire, les assoiffés de lecture peuvent toujours lire des tonnes de texte via les nombreux terminaux disséminés dans le jeu où on trouve moult références aux événements des titres précédents. Les villes sont, quant à elles, très vivantes et réagissent en direct aux divers événements qui ont pu agiter le Commonwealth via les émissions de radio, les discussions des PNJ ou encore quelques événements scriptés.
Certains de nos compagnons bénéficient, de plus, d’un background très intéressant. Citons Nick Valentine, détective privé délicieusement cliché qui révèle en réalité une histoire bien plus profonde que prévue au fur et à mesure de nos pérégrinations. C’est là, paradoxalement, que le bât blesse. en effet, quand on compare certains PNJ à d’autres, on remarque qu’un soin tout particulier a été apporté à leur background alors que certains ne sont là que pour offrir une quête fedex ou pour n’être que des coffres sur pattes qui ne serviront qu’à stocker un peu plus d’équipement.
À propos des quêtes, malgré les lourdeurs de la première moitié de la principale, on peut toutefois noter quelques bonnes surprises. En effet, un soin tout particulier semble avoir été apporté à plusieurs quêtes secondaires qui offrent des bons moments de dépaysement après quelques donjons trop linéaires.
Prenons comme exemple cet enfant goule qui nous demande de le ramener chez lui alors qu’un marchand d’esclave souhaite nous l’acheter pour quelques centaines de capsules. Toutefois, malgré quelques instants brillants, trop de quêtes ne consistent qu’à un voyage rapide et à un nettoiement de zone. Fallout 4 a, par ailleurs, la fâcheuse tendance à centrer les actions du joueur à des endroits bien précis de la carte au détriment du reste de celle-ci. Bien que terne, certains bâtiments valent le détour par l’ambiance qu’ils offrent ou tout simplement par leur faculté à débloquer un arc de scénario.
Vous n’êtes pas SPECIAL
Même si le sujet de la quête principale de Fallout 4 n’invite par forcément à rire, il est dommage de se rendre compte que le titre est quasiment exempt de second degré. En effet, adieu l’humour noir omniprésent des premiers volets de la licence. Et même si Bethesda tente parfois d’écrire quelques traits d’humour, notamment via l’option « sarcasme » qui apparaît régulièrement dans les fenêtres de dialogue, ils tombent bien souvent à plat.
Tant qu’à évoquer les dialogues, autant attaquer l’un des très gros défauts du jeu. Alors que les précédents opus offraient des choix de dialogue complets et généralement supérieurs à quatre, Fallout 4 ne se contente que de quatre options (correspondant bien entendu aux touches de la manette) et d’un code couleur pour chaque type de dialogue (menace, corruption, persuasion…).
L’expérience souffre énormément de ce problème, tant on n’a jamais une idée précise de ce que notre avatar va dire.
Mais que l’aventurier inquiet ne s’inquiète pas : dès qu’on sort de la quête principale, les dialogues n’auront, dans la majorité des cas, strictement aucune influence dans le déroulement dans la quête. Fait frustrant par excellence, on aura juste l’impression d’être le spectateur d’une petite histoire.
Les options de persuasion n’y changeront d’ailleurs rien hormis l’obtention de capsules et/ou de points d’expérience. Balayez toutefois d’un revers de la main cet a-priori vers la fin de la quête principale. En effet, sans forcément prévenir, certaines options de dialogues peuvent faire basculer l’entièreté de l’arc narratif d’un côté ou de l’autre. Parfois, une petite fenêtre vous avertit de l’importance du dialogue en question, mais cela n’est pas systématique. Le seul moyen d’éviter les mauvaises surprises reste de multiplier les sauvegardes, réflexe que j’ai heureusement gardé sur absolument tous les titres produits par Bethesda.
Do it yourself
Une des grosses nouveautés de ce Fallout 4 consistait en un système d’artisanat entièrement revu. Ceux qui ont suivi de près la communication des développeurs n’auront certainement pas échappé à cette nouveauté dont la bonne qualité n’était franchement pas assurée. Une fois n’est pas coutume, Bethesda nous a livré un système fichtrement bien fichu sur différents points.
Tout d’abord, il sera possible de créer un nombre de mods assez importants pour chacune de nos armes. Leur qualité et leur intérêt augmentera d’ailleurs au fur et à mesure de la montée en niveau du personnage. Hormis les armes, il sera possible d’améliorer les armures assistées mises à disposition dans le jeu, en les rendant plus résistantes ou en les équipant de mods bien utiles en combat.
Mais le gros de cette nouvelle option ne consiste pas seulement en quelques ajouts sur notre équipement. Comme Bethesda l’a montré, il est possible de créer sa propre ville. Dans les faits, il s’agit de créer des colonies viables afin que des colons puissent s’y installer. De la nourriture aux défenses, en passant par l’eau, il faut donc veiller à ce que les PNJ aient de quoi y vivre et se défendre. En récompense, les villes produisent des capsules ou des consommables utilisables par le joueur et facilitant donc notre quête.
Le moindre objet récupérable dans le Commonwealth servira cette cause : un ventilateur et un globe terrestre permettront de récupérer de quoi construire un mur tandis qu’une épi de maïs vous laissera planter un petit champ. Mais que les réfractaires à la gestion ne s’affolent pas : il est tout à fait possible de passer à côté de cette composante du jeu, même si quelques quêtes secondaires d’une faction nécessitent de s’y intéresser.
Enfin, touchons un mot à propos du nouveau système de progression. Toujours axé autour de caractéristiques principales (intelligence, force, perception, etc.), plus de 70 capacités sont à débloquer ou à améliorer. Si on est heureux de pouvoir créer des builds réellement atypiques (le savant stupide en est le plus remarquable), on remarque bien vite que certaines perks ne sont pas vraiment utiles, le piratage et le crochetage en tête. De plus, ce nouveau système manque assez franchement de profondeur, ceux de Fallout 3 et Fallout New Vegas en manquaient déjà relativement. Je ne demande pas un système aussi complexe que celui de Wasteland 2, mais j’aurais apprécié devoir passer plus de temps sur ma fiche de personnage.
Finalement, on est plus déçu par ce qu’aurait pu être Fallout 4 plutôt que ce par ce qu’il est. En effet, alors que le jeu offre une ambiance vraiment travaillée, il souffre d’une écriture de quêtes franchement médiocre et d’un amoindrissement dommageable de la qualité des dialogues. Fallout 4 n’a rien du RPG de la décennie, ni de celui de l’année, mais constitue un jeu honnête, sauvé par son système d’artisanat plutôt addictif et par ses quelques quêtes vraiment prenantes.
Le titre sera quand même, tout paradoxalement, un gouffre à temps de jeu, tant on a envie de retrouver l’ambiance toute particulière de la série et tant exploser la tête d’une goule est toujours aussi plaisant.