Après dix ans d’absence, la saga Dragon Age revient. Le quatrième opus, intitulé The Veilguard, marque également le retour du studio BioWare après une longue traversée du désert. Tous les yeux étaient rivés sur ce nouveau volet de la franchise : entre les fans d’Inquisition, impatients de découvrir la suite de l’histoire, et les nostalgiques de Dragon Age: Origins, toujours déçus par les suites, les équipes avaient de quoi se mettre la pression.
Les premières images du jeu avaient suscité des réactions mitigées. Le changement radical de style graphique en avait surpris plus d’un, mais beaucoup avaient tout de même hâte de retourner en terre de Thédas, d’autant plus qu’on nous promettait un jeu à choix multiples, le retour de personnages cultes et un système de combat ultra dynamique. Mais la semaine de sa sortie, Dragon Age: The Veilguard se retrouve sous les foudres de certains joueurs qui, jugeant le jeu trop « woke » à leur goût, mènent immédiatement une campagne de review bombing.
Finalement, difficile de trouver des avis mesurés et nuancés. Les critiques positives sont accusées d’avoir été achetées, et les notes désastreuses récoltées sur certains sites ont souvent été émises par des personnes qui n’ont rien d’autre à reprocher au jeu qu’une scène avec un personnage non-binaire vue sur YouTube. Dragon Age: The Veilguard est-il à la hauteur des attentes, ou BioWare a-t-il, une nouvelle fois, déçu les fans ?
(Test du jeu Dragon Age: The Veilguard sur PC réalisé à partir d’un code fourni par l’éditeur)
Un RPG sans role-play ?
Avant de parler de l’histoire et du gameplay, faisons un point sur le traditionnel créateur de personnage. On retrouve les races et les classes habituelles d’un Dragon Age, mais on peut cette fois-ci choisir une faction. Cette décision ne change quasiment rien au gameplay, mais se ressentira dans les dialogues avec les autres personnages, surtout ceux issus de la même faction.
Le jeu nous propose également de lui expliquer les choix effectués dans le volet précédent et même de recréer son Inquisiteur : tout cela aura une influence sur le reste de l’histoire, notamment en ce qui concerne l’elfe Solas. La personnalisation de Rook, notre protagoniste, est très poussée, et on peut passer des heures à jouer avec les différents boutons pour lui donner une apparence unique.
Dragon Age: The Veilguard se déroule dix ans après les événements de Inquisition. Nous sommes recruté par le nain Varric pour arrêter un rituel mené par Solas, qui tente de détruire le Voile où il avait enfermé des dieux elfiques. Cette mission ne se déroule pas comme prévu, et deux dieux bien décidés à imposer leur domination sont lâchés sur Thédas.
Rook aura donc la lourde tâche de les arrêter, avec l’aide de ses compagnons. Un premier problème émerge ici : si vous n’avez pas joué à Inquisition, ces lignes vous semblent sans doute assez incompréhensibles. Pourtant, le jeu part du principe que vous connaissez déjà l’univers et ses acteurs, et vous met tout de suite dans le feu de l’action. On imagine que quelqu’un qui découvre Dragon Age avec cet opus pourrait facilement se sentir perdu.
Va ensuite suivre un schéma « quête principale + quêtes annexes » assez classique. Il faudra tout d’abord recruter notre équipe de choc, puis trouver des indices sur les agissements des dieux pour les renvoyer d’où ils viennent. Au cours des différentes missions, il y aura des choix à faire, avec la fameuse roue de dialogues à la BioWare. Le jeu nous indique si nos compagnons approuvent ce qu’on dit, ou s’ils vont se souvenir de nos réponses pour nous en reparler plus tard.
Apparait alors un second problème : les choix ont finalement peu d’impact, et les options de dialogues se ressemblent toutes. À chaque fois, on peut décider de répondre en étant gentil, en faisant une pointe d’ironie ou en se montrant combatif et courageux. Tout cela est bien superficiel, et finalement, Rook sera forcément un personnage très positif et optimiste. Peu de place pour un protagoniste à la moralité ambiguë : on sait pourtant que BioWare est capable de mieux !
On peut faire la même remarque concernant les compagnons. Tous sont bienveillants et sympathiques, mais cela manque de profondeur. Finalement, ils sont tous juste assez développés pour être attachants, mais restent des coquilles assez vides pour que le joueur y projette un peu ce qu’il veut.
Les romances souffrent aussi de ce côté superficiel. Notons qu’on peut, pour la première fois dans un Dragon Age, être en couple avec n’importe quel compagnon, peu importe le sexe, l’identité de genre ou la race qu’on a choisi pour Rook.
Une liberté bien encadrée
Dragon Age: The Veilguard décide de se débarrasser de l’open world. Et après tout, pourquoi pas, si cela peut éviter les décors vides et répétitifs, comme cela avait pu être reproché aux jeux précédents. À la place, on nous propose d’explorer de grandes zones, avec chacune ses quêtes, ses trésors cachés et ses PNJ. Les environnements sont variés et agréables à visiter : on trouve par exemple une forêt et ses anciennes ruines elfiques, une ville d’inspiration vénitienne ou une grande nécropole.
Malheureusement, la boucle de gameplay, combinée à ce système de zones, crée un effet « couloirs » très répétitif. Le gros point au milieu de l’écran qui indique la position du prochain objectif n’aide pas, tout comme les quelques éléments à ramasser qui sont éclairés en jaune pour qu’on les voie de loin. On avance, on parle à un PNJ, on suit le point, on tue des monstres qui apparaissent à notre passage (pas possible d’arriver discrètement pour les attaquer par surprise), on ouvre le coffre pour récupérer une babiole à vendre, et bis repetita jusqu’au combat qui marque la fin de la quête.
La manette a bien failli nous tomber des mains pendant les premières heures de jeu, tant tout semblait répétitif. D’autant plus qu’en difficulté intermédiaire, il n’y a pas beaucoup de défis. Toutefois, ce Dragon Age: The Veilguard a l’avantage d’être très personnalisable : on peut choisir de mettre les éléments d’exploration en mode difficile pour désactiver la surbrillance des éléments à collecter ainsi que le point à suivre, par exemple.
La stratégie met les voiles
Les nombreux combats sont très dynamiques et orientés action. Le but est d’enchaîner les coups et d’utiliser intelligemment ses compétences spéciales (on peut en sélectionner trois) ainsi qu’une capacité ultime dont la jauge se remplit au fur et à mesure de la bataille. Pas de vraie pause tactique ici (BioWare n’arrête pas de changer d’avis à ce sujet depuis le premier Dragon Age), même si nous pouvons quand même ordonner à nos compagnons d’utiliser telle ou telle compétence. Certains d’entre eux peuvent combiner des attaques pour appliquer différents effets.
Cependant, comme on ne contrôle pas réellement les autres membres de notre équipe, difficile de vraiment les prendre en compte dans notre façon de jouer. Ces derniers n’ont même pas de barre de vie, et ne semblent jamais affectés par les coups qu’ils prennent sauf si le scénario le demande. Au final, on a l’impression que peu importe qui on prend avec nous pour une quête, cela n’aura d’incidence que sur le lien qui se développera avec le personnage.
La difficulté est, là encore, totalement personnalisable, mais en dehors des boss, il faut tout de même dire que les combats sont globalement simples une fois le système pris en main. On peut aussi souligner la pauvreté du bestiaire, qui se limite à une dizaine de mobs différents, ce qui contribue aussi à l’aspect répétitif évoqué plus haut.
L’aspect stratégique a donc quasiment disparu au profit de l’action. À chaque montée de niveau, on nous propose de répartir ses nouveaux points de compétence dans un système d’arbre qui se rapproche du sphérier de Final Fantasy X, pour améliorer les stats de son choix. Chaque classe a droit à trois spécialisations, qui offrent de nouvelles capacités, et la possibilité de créer des builds en fonction de ses préférences. Les compagnons évoluent selon le même processus, mais ne gagneront de l’expérience que si on les emmène avec nous.
Les équipements offrent aussi quelques possibilités de personnalisation. On peut les enchanter et les améliorer en travaillant pour les différentes factions, qui nous ouvrent peu à peu leurs boutiques. Mais une fois de plus, tout cela n’a finalement pas beaucoup d’incidence réelle sur les combats, à moins de jouer avec la difficulté la plus élevée, et encore…
Dragon Age: The Veilguard est un jeu très lisse. On sait que BioWare a laissé tomber le côté stratégique qui avait tant séduit dans ses Baldur’s Gate ou dans Dragon Age: Origins. Les joueurs doivent faire le deuil de cet aspect, qui a bel et bien été mis de côté au profit d’un gameplay basé sur l’action. Ce n’est pas un mal en soi, mais pour un jeu Dragon Age, on peut comprendre la déception. C’est également le cas pour les choix moraux, qui semblent ici totalement artificiels, alors qu’ils sont pourtant la marque de fabrique du studio.
Est-ce pour autant un mauvais jeu ? Ce serait malhonnête de qualifier ainsi. The Veilguard reste agréable à parcourir, fluide, avec une quête principale intéressante et des personnages attachants. Passées les premières heures, pendant lesquelles il a fallu s’accrocher, on se surprend à y retourner avec grand plaisir. C’est là tout le comble : malgré les nombreuses critiques qu’on peut légitimement faire à ce Dragon Age, il faut lui reconnaître ses qualités.
Finalement, on peut dire que Dragon Age: The Veilguard est une proposition honnête, et fait passer un bon moment. Mais n’est-on pas en droit d’en attendre bien plus d’un studio comme BioWare ? Difficile de savoir s’il faut être optimiste ou pas concernant le prochain Mass Effect, sur lequel les équipes vont maintenant se concentrer.