Vous souvenez-vous de cette époque où Xbox, en tant que consolier, tenait la dragée haute à PlayStation ? Une période durant laquelle le constructeur américain accueillait sur sa Xbox 360 quelques-uns des meilleurs jeux de cette génération dont notamment le dernier-né de Capcom, exclusivité Xbox à l’époque, qui nous revient aujourd’hui dans une édition revue et corrigée au nom aussi tape-à-l’œil que son concept : Dead Rising Deluxe Remaster.
Depuis, la licence s’est développée, est sortie sur d’autres supports (dont le mobile, c’est dire) et, il faut l’avouer, s’est perdue en cours de route au gré de son occidentalisation, son développement ayant été pris en main par la branche canadienne de Capcom dès le second opus. Pour autant, le bébé de Keiji Inafune (Megaman, Asurath’s Wrath, Soul Sacrifice…) conserve son aura de jeu culte.
Alors, quand il y a à peine trois mois, l’éditeur japonais a annoncé la remasterisation de son titre de 2006 et sa sortie imminente, autant dire que nous étions plutôt emballés par l’idée de retourner casser du zombie à Willamette. Ceci dit, dix-huit ans après sa sortie, notre enthousiasme est forcément alimenté par la nostalgie et l’on se demande si la cure de jouvence dont a bénéficié Dead Rising Deluxe Remaster suffira à estomper le poids des ans.
(Test de Dead Rising Deluxe Remaster sur PlayStation 5 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Romero et Juliette
Nous voici donc de retour à Willamette, 53 594 habitants, avec ses restaurants, sa nature environnante et, bien-sûr, son centre commercial. Une ville tout ce qu’il y a de plus banale donc, mais théâtre d’une mise sous quarantaine par les militaires pour d’obscures raisons. Flairant le scoop, Frank West, photographe freelance, décide de prendre les devants et d’aller lui-même sur place jauger de la situation.
C’est ainsi que, de fil en aiguille, le journaliste finit par se retrouver enfermé en compagnie de quelques quidams dans le centre commercial de la ville, lequel se trouve être infesté de morts-vivants. C’est donc dans ce lieu devenu hostile que nous sommes amenés à évoluer afin de découvrir ce qu’il a bien pu se passer pour que la ville en soit arrivée à cette funeste extrémité.
Derrière un pitch qui fleure bon la série Z, Dead Rising Deluxe Remaster nous propose une dissonance entre son propos, parfois assez premier degré, et une ambiance complètement barrée, fortement inspirée par Shaun of the Dead et les films de Georges Romero. Une ambivalence parfaitement portée par Frank West, antihéros par excellence qui pourra prendre son air le plus sérieux durant une cinématique pour, la minute d’après, attaquer un zombie avec un ballon de foot vêtu d’une robe rose.
Un manque de sérieux qui pourra dérouter, certes, et offrir des cinématiques absurdes au regard du sérieux des dialogues, mais qui ajoute dans le même temps un charme assez unique à l’aventure. Et puis, rien n’empêche de garder son personnage bien habillé pour apprécier une histoire étonnamment très intéressante à suivre, qui nous fait découvrir une galerie de personnages plutôt bien écrits.
Une intrigue encore plus plaisante à suive qu’à l’époque grâce à l’excellent doublage français réalisé pour Dead Rising Deluxe Remaster. Aussi, que ce soit durant les scènes cinématiques ou dans notre exploration du centre commercial, le titre de 2006 est aujourd’hui sublimé grâce à l’utilisation du RE Engine, le moteur maison de Capcom. Typiquement, là où Frank West avait une apparence assez plate sur Xbox 360, sous ses nouveaux atours, il a cette fois une vraie gueule.
Le travail réalisé par les équipes de développement pour cette remasterisation, qui a plus des allures de remake à notre sens même, est époustouflant. Évidemment, c’est sur les personnages que cela se remarque le plus tant le RE Engine fait des merveilles à ce niveau, mais c’est aussi tout le jeu qui a pu en bénéficier. Dead Rising Deluxe Remaster est beau, tout simplement, et ne donne pas l’impression d’être initialement sorti il y a presque deux décennies, si l’on excepte les animations parfois raides, héritages des années 2000.
Emploi du temps mortel
Dead Rising Deluxe Remaster est avant tout un concept, une formule qui n’a pas toujours pris une ride. Coincés dans ce centre commercial, nous sommes libres de faire plus ou moins ce que l’on souhaite. Nous disposons de trois jours pour tenter de faire la lumière sur le mystère de cette invasion de zombie, de sauver les survivants réfugiés dans certaines parties du complexe puis de rentrer au bercail… ou pas.
Libre à chacun de rester bien planqué dans des toilettes pendant ces trois journées, recroquevillé sur le trône en attendant le retour de notre hélicoptère. Même si ce serait passer à côté du jeu, on nous en laisse cette possibilité. On a un emploi du temps qui se complète au fur et à mesure, et c’est à nous de décider quelles tâches on souhaite accomplir et dans quel ordre afin d’optimiser nos périlleuses explorations. Le sel de Dead Rising repose dans notre gestion de ces nombreuses missions qui nous seront confiées ou que l’on pourra découvrir au fil de notre investigation.
Ainsi, ces soixante-douze heures ne seront pas de trop pour, entre autres, dénicher les dizaines de survivants à ramener à notre planque. C’était d’ailleurs là l’un des plus gros problèmes du titre original. Non pas que la tâche était désagréable, au contraire même, mais l’intelligence artificielle des survivants était désastreuse. De véritables catastrophes sur pattes qui, dans les meilleurs cas, s’amusaient à faire des câlins aux zombies alors même qu’ils n’étaient pas sur leurs chemins.
Heureusement, les développeurs ont offert de la matière grise (et un tantinet d’instinct de survie) à ces Lemmings (en plus idiots encore), rendant du même coup la récupération et l’escorte de ces désœuvrés bien plus agréable. Cela reste certes imparfait mais c’est beaucoup plus acceptable et juste qu’à l’époque. Ils sont désormais bien plus réactifs, cessent de se gêner les uns les autres et nous font donc perdre bien moins de temps alors que le timing à tenir, si l’on souhaite tout faire, est parfois très serré.
De quoi nous permettre de mieux nous préparer aux affrontements de boss. Car Dead Rising Deluxe Remaster, c’est aussi ses psychopathes à aller dézinguer, ces personnes devenues folles suite à cette invasion et donc hautement dangereuses. Et quels boss ! Sublimés par un doublage français là encore réussi, ils représentent l’un des intérêts principaux du jeu tant ils sont exceptionnels.
D’autant qu’avec les affinages de gameplay apportés par cette nouvelle mouture de Dead Rising, comme la possibilité de se déplacer tout en visant (avec une arme à feu par exemple), une plus grande clarté dans l’interface ou la diminution de la barre de vie des boss, les rendant moins « sac-à-PV » qu’autrefois, ces affrontements ont gagné en équilibre, et donc en qualité.
Et quoi de mieux pour se battre qu’un buste de mannequin, un katana, un banc en bois, une tondeuse à gazon, une boule de bowling, une guitare électrique ou une planche de skate-board ? Dead Rising Deluxe Remaster nous permet de nous battre avec presque tout et n’importe quoi se trouvant dans le centre commercial, offrant ainsi une variété inégalée et très en avance sur son temps à l’époque.
Ainsi, en plus du temps qu’il faudra gérer pour pouvoir accomplir nos missions, il convient aussi de faire attention à son inventaire, en l’équilibrant avec suffisamment d’objets de soin, en repérant l’emplacement des armes qui nous conviennent le mieux et en préservant nos plus puissantes pour les moments les plus critiques par exemple, nos équipements ayant une durabilité limitée, un peu à la manière de Zelda: Breath of the Wild.
On pourrait alors croire que l’on joue en permanence sous contraintes, ce qui est partiellement vrai, mais c’est aussi là que réside le plaisir du titre de Capcom. Quand on arrive à enchainer plusieurs missions, slalomant entre des centaines et milliers de zombies, en ramenant une demi-douzaine de survivants aux griffes de redoutables psychopathes, et qu’on arrive pile à l’heure pour notre rendez-vous suivant. Quel kif !
Cheese !
Toutefois, cela ne vous aura sans doute pas échappé, mais Frank West, en bon photographe qu’il est, ne se déplace jamais sans son objectif. Un appareil photo que nous devrons utiliser régulièrement au cours de notre aventure, en quête du cliché parfait qui nous permettra de gagner quelques points de prestige (PP), indispensables pour nous renforcer.
Il est possible de glaner cette ressource en complétant des missions, en sauvant des gens et en dézinguant les hordes de zombies, bien sûr, mais il y a aussi à découvrir un bon paquet de surprises, planquées ou non, à capturer sur notre pellicule afin d’en accumuler encore plus. Qu’il s’agisse d’une pancarte rigolote, d’un groupe de morts-vivants qu’on aurait affublé d’un masque de LEGO ou d’une animation unique d’un boss ou d’un survivant, il y a beaucoup de prétexte à nous offrir des PP bonus.
Et puis, entre entendre Frank exulter après un remarquable cliché et voir la jauge de PP s’envoler quand notre composition est réussie nous donne encore plus envie de rechercher les situations les plus loufoques, cocasses, gores ou émouvantes que nous ont préparés les développeurs. Toutefois, si vous connaissez l’expérience originale, vous aurez noté qu’on ne parle pas des clichés érotiques, pourtant bien présents dans le jeu de base.
Et pour cause, dans Dead Rising Deluxe Remaster, cet aspect du jeu a tout bonnement été supprimé. Pour recontextualiser quelque peu, lorsque l’on parle de photos érotiques, il n’y a rien d’explicite. Cependant, par exemple, prendre en photo un zombie avec un décolleté permettait de gagner quelques PP bonus (et accessoirement, faisait saigner du nez Frank, un humour purement japonais).
Si l’on peut regretter cette censure, supprimant un élément du jeu original, certes mineur mais bien réel, cela n’a aucunement gêné à notre appréciation du titre ou impacté quoi que ce soit (à l’exception d’une mission imposant ce type de photo et qui a été ajustée). Et puis, mis dans la balance avec tous les excellents ajouts et correctifs apportés par Dead Rising Deluxe Remaster, il n’y a finalement pas de quoi s’offusquer outre mesure.
Vous l’aurez compris, nous avons adoré accompagner Frank West pour ces trois jours à Willamette. Dead Rising Deluxe Remaster a bénéficié d’un soin impressionnant qui lui permet de revenir sur nos consoles modernes presque vingt ans après sa sortie initiale. Le RE Engine fait des merveilles, rendant, notamment, les visages des personnages particulièrement réussis.
Un lifting qui a pu être opéré sur toutes les strates du titre, dans ses graphismes, évidemment, mais aussi dans son gameplay qui a été affiné pour le rendre plus conformes aux standards actuels. Le simple fait de pouvoir nous déplacer en visant, ou même l’intégration de sauvegardes automatiques régulières, atténuant la frustration d’éventuelles morts, rendent l’expérience bien plus digeste qu’elle ne l’était auparavant (ou sur le portage PS4 de 2016).
Et surtout, les équipes de développement ont corrigé certains des plus gros soucis du jeu de base, notamment en ce qui concerne l’IA des survivants ou l’équilibre des combats de boss. Et si effectivement, malgré la diversité impressionnante des approches possible, le gameplay reste perfectible, l’ambiance, également, grâce à son excellente bande originale, de Dead Rising Deluxe Remaster reste quant à elle intemporelle.
Dead Rising était un grand jeu en 2006, loin d’être parfait et frustrant à plus d’un titre, mais il s’en dégageait une atmosphère unique (malheureusement perdue au fil des épisodes). Dead Rising Deluxe Remaster parvient à réanimer cette magie perdue et devrait de nouveau ensorceler les fans de la première heure comme les non-initiés, curieux de découvrir l’autre licence de zombie de Capcom.