Annoncé il y a trois mois, courant février, Blades of Fire, sorti ce 22 mai dernier sur PS5, Xbox Series et PC est le dernier né de MercurySteam, studio espagnol que l’on suit de près depuis plusieurs années maintenant. Car après nous avoir proposé les Castlevania Lords of Shadow (incroyable premier opus, et détestable second épisode) ou plus récemment Metroid Dread, les équipes du studio ont cette fois décidé de travailler sur leur propre création et tenter de s’émanciper des projets de commande de plus gros qu’eux.
Autant dire que de nombreux défis ont dû se présenter face à elles. Et pourtant, au vu du pédigrée des équipes de développement, nous étions particulièrement curieux de voir de quoi elles sont capables lorsqu’on leur laisse les mains libres pour imaginer ce qu’elles souhaitent, sans limites créatives. Alors, sont-elles parvenues à matérialiser avec Blades of Fire une œuvre ludique, emballante et prometteuse pour l’avenir du studio ou se sont-elles finalement prises les pied dans un tapis encore trop imposant pour elles ?
(Test de Blades of Fire sur PS5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Tous les chemins mènent à la Reine
Initialement, et au vu des premières communications autour du titre, nous nous attendions à un Souls-like dans tout ce qu’il a de plus traditionnel. Mais rapidement, nous nous sommes bien rendus compte que nous avions plutôt affaire à un jeu d’action, un peu à la Darksiders, premier du nom voire, dans une moindre mesure, aux derniers God of War. Exit donc le côté RPG inhérent au genre, quoi qu’il en garde certains aspects comme son système de feu de camp, symbolisé par des enclumes, et surtout son level design tortueux.
Blades of Fire axe en effet le cœur de son expérience dans l’exploration de son monde. Pourtant, quand on regarde la carte, on n’a pas l’impression que l’on va passer des heures à gambader dans ces environnements, mais ce fut bien le cas. En effet, et malgré une aire de jeu d’apparence ramassée, le titre mise beaucoup sur sa verticalité, ses multiples embranchements , ses raccourcis à débloquer et ses innombrables secrets cachés, camouflés derrière des haies ou des murs friables à défoncer d’un coup d’épaule rageur.
L’exploration est ainsi toujours récompensée et on a adoré visiter chaque recoin de carte afin d’y débusquer quelques améliorations de vie, d’endurance ou matériaux rares, entre autres. On peut bien sûr s’affranchir de tout cela, et simplement courir tout droit vers son objectif, l’absence de montée de niveau permettant plus ou moins de foncer sans réfléchir, mais ce serait passer à côté de l’immense travail de conception des développeurs et, sans doute, du principal intérêt du titre.
Alors évidemment, densifier autant ses régions ne se fait pas sans heurts, et au premier rang d’entre eux, on peut difficilement ne pas citer la carte, totalement inadaptée à la verticalité proposée ici. On a bien la possibilité (via le menu pause) d’ajouter de manière provisoire un marqueur vers le prochain objectif principal, mais à quel niveau se situe-t-il ? Dans les catacombes ou au sommet du donjon ? Et si, sur la boussole, on peut savoir s’il se trouve au-dessus ou au-dessous de nous, la carte échoue à indiquer la voie à suivre.
Nous nous sommes tellement souvent perdus. Déjà que le sens de l’orientation n’est pas forcément notre plus grande qualité, loin de là, mais dans Blades of Fire, on a quand même souvent l’impression de tourner en rond, ne sachant pas toujours clairement par où passer pour poursuivre l’aventure. Un sentiment renforcé par le fait que tout se ressemble plus ou moins. Autant, dans un Souls, malgré un level design complexe, on ne se perd jamais vraiment car il y a suffisamment d’éléments différenciant pour nous créer notre propre carte mentale, autant ici, malgré une carte bien réelle, on a beaucoup plus de difficulté à savoir où l’on est.
Un défaut qui s’est aussi retrouvé dans la narration d’ailleurs. Le pitch est pourtant simple. Une reine corrompue détient le pouvoir de transformer l’acier en pierre et domine avec ses fidèles généraux le monde. On y incarne Aran de Lira, élu des dieux, capable de forger l’acier à sa convenance qui part, accompagné d’Adso, un jeune érudit rencontré en début d’aventure, botter les fesses de la souveraine. Une histoire somme toute classique sur le papier mais qui garde son lot de surprises et un humour régulièrement bien senti qui a, mine de rien, réussi à nous embarquer, malgré une passerelle entre narration et gameplay pas toujours bien maitrisée.
Car le récit, à la fois linéaire et tortueux, nous a obligé à de nombreux allers-retours pas toujours bien clairs. On doit régulièrement, par exemple, aller récupérer tel objet qu’il faudra parfois apporter au bon PNJ, d’autre fois garder pour soi-même pour une utilisation ultérieure, ou alors se souvenir qu’à un endroit spécifique dont il faut se rappeler l’emplacement (ce qui est déjà loin d’être simple), et alors que cela fait des heures qu’on y est passé sans y voir âme qui vive, ledit objet pourrait y être utilisé. Est-ce pour cela que l’option permettant d’afficher le prochain objectif est dans un menu aussi peu ergonomique ? Aurait-il été ajouté « à la va-vite » en fin de développement pour pallier ce problème ?
C’en en acier
L’autre concept central de Blades of Fire tourne autour de la fabrication de ses propres armes. En tant que forgeron désigné par les dieux pour défaire la reine Nerea, Aran de Lira à conservé sa capacité à manier l’acier et nous serons amenés à de nombreuses reprises à créer diverses armes pour mener à bien notre quête. Le titre propose d’ailleurs un bon nombre d’archétypes d’armes, depuis l’épée à deux mains, en passant par la masse, le cimeterre, la lance ou les dagues jusqu’aux haches les plus dévastatrices.
Chacune d’entre elles requière des matériaux afin d’en personnaliser les moindres caractéristiques. Pour quelle longueur de manche opter, et en quel matériau ? Faut-il plutôt une pointe tranchante ou opter pour une arme contondante ? Doit-on privilégier les dégâts de l’arme ou sa capacité à absorber les assauts ennemis ? Tous ces éléments vont permettre de fabriquer les armes les plus adaptées aux adversaires rencontrés ainsi qu’à notre propre style de combat.
Et quand on parle de se fabriquer ses armes, il faudra concrètement marteler l’acier afin de créer la forme de son arme (selon un patron à suivre, bien sûr), ce qui aura une influence directe sur sa durée de vie. Car, à l’instar de Breath of the Wild, les armes finiront toujours par se briser. Bien moins rapidement, heureusement, mais leur fin est néanmoins inéluctable. Alors, plus la qualité de notre martelage sera présente, et plus nous aurons la possibilité de la réparer (matérialisé par un nombre d’étoiles), mais il faudra tout de même garder dans un coin de son esprit que notre stock d’arme devra régulièrement être renouvelé. Un système de fabrication plutôt bien pensé, suffisamment complet pour être intéressant sans pour autant être trop complexe à exploiter.
Se forger cet arsenal sera nécessaire si vous avez envie de combattre les suppôts de la reine. En effet, et on touche là au plus gros problème du titre, Blades of Fire se rate complètement avec son système de combat. On pourrait pointer du doigt un bestiaire assez restreint, avec assez peu d’archétypes de monstres, ou ses boss pas bien intéressants, mais pour un premier jeu, MercurySteam s’en sort, sur ce point, pas si mal. C’est surtout quand il souhaite nous faire affronter ses monstres que l’aventure se transforme en véritable sacerdoce, nous ayant fait rager plus d’une fois.
L’ensemble repose pourtant sur une idée intéressante, reprise de The Surge, en nous offrant la possibilité de cibler une partie précise du corps de l’ennemi (tête, bras droit ou gauche et jambes). Selon son armure et l’arme employée (avec ses dégâts tranchants ou contondants par exemple), la résistance de l’adversaire sera matérialisée par une couleur, laquelle peut évoluer durant l’affrontement. Bref, il faut constamment observer les changements de posture opérés par les monstres et s’adapter en changeant d’arme à la volée et en ciblant leurs parties les plus vulnérables.
Sur le papier, c’est intéressant, mais dans les faits, cela ne marche pas vraiment. Cela ne marche pas car on peut parfois se retrouver totalement démuni contre un adversaire ayant une résistance maximale à toutes nos armes (même en en ayant une demi-douzaine dans la poche), nous obligeant soit à fuir pour revenir avec un autre équipement forgé, et donc se retaper tous les autres monstres déjà occis, soit à mourir en essayant de quand même le battre. De quoi aussi mettre en avant le manque d’équilibre global de l’expérience, avec parfois des moments très plaisant, axés sur l’exploration avec quelques adversaires par-ci par-là, et d’autres fois une véritable armée concentrée dans un lieu encore plus petit qu’un studio étudiant.
Et puis surtout, qu’est-ce que c’est lent et lourd. On se croirait revenu aux pires heures de Lords of the Fallen (de 2014). On a l’impression de manier en 36 tonnes qui prend tout son temps pour mettre le moindre coup, alors même que les ennemis sont souvent très véloces et nous interrompent à la chaine. Un aspect renforcé quand on se retrouve sans endurance (ce qui arrive très souvent tant celle-ci fond comme neige au soleil au moindre assaut) où, dès lors, faire une roulade prend plusieurs secondes, une éternité en plein combat.
Ainsi, il convient de se mettre en posture défensive afin de recharger la barre d’endurance (et accessoirement repousser une attaque ennemie) et retenter ensuite d’infliger une attaque « rapide » ou chargée. In fine, on se retrouve globalement à essayer de mettre un ou deux coups, puis à reculer en mode défensif, et à reproduire cela jusqu’à ce que mort (d’ennui) s’ensuive. Alors, pour des duels ou contre les boss, pourquoi pas, mais face à des packs de mobs, c’est déjà bien moins palpitant et surtout très vite punitif et frustrant.
Et qu’y a-t-il de plus frustrant encore qu’un combat déséquilibré ? Les problèmes techniques. Alors, Blades of Fire n’est pas le titre le plus bogué auquel nous ayons joué, loin de là, mais nous avons néanmoins subit régulièrement quelques chutes de framerate (et des ralentissements en plein combat, c’est difficilement acceptable) ainsi que deux crashs du jeu, dont un nous ayant obligé à débrancher même notre console. Nul doute que ces problèmes techniques seront corrigés à la faveur d’un patch à venir, mais en l’état, ils ont aussi pesé sur notre expérience de jeu.
Blades of Fire est une expérience rageante. Les équipes de MercurySteam ont réussi à nous proposer une aventure avec de formidables atouts, à commencer par son level design particulièrement soigné qui a réussi à nous happer dans son univers tant l’exploration nous a ravis, et son système central de forge nous invitant à peaufiner la moindre de nos armes, complet sans pour autant rentrer dans le rébarbatif, est une idée qui pourra servir de base pour un hypothétique prochain épisode. Même son histoire, certes un peu plan-plan sur le papier, a su nous convaincre in fine.
Dommage donc que Blades of Fire nous propose un système de combat pourtant réfléchi mais globalement raté. On sent que les développeurs ont voulu nous proposer une expérience riche, mais l’ensemble ne fonctionne pas. Tout est trop lent, frustrant et guère intéressant. Et en voulant singer des God of War ou d’illustres Souls-like, on a l’impression qu’ils se sont un peu perdus et n’ont réussi qu’à récupérer ce qui se fait de moins bien dans les gameplays de leurs genres respectifs.
Alors la base reste solide, et si nous avons dépassé la quarantaine d’heures sur le titre, c’est qu’il dispose tout de même de belles qualités, même si nous en avons finalement profité en dépit de ces soucis et qu’elles ont difficilement pu nous les faire oublier. Blades of Fire n’est pas un mauvais jeu, loin de là, il est surtout un premier jeu plein de promesses, dont certaines bien tenues, mais qui, en voulant trop bien faire, est parfois passé à côté de son sujet.