Deck 13 Interactive est un studio qui nous a habitués au meilleur comme au pire. Entre l’affligeant Lords of the Fallen (dont le reboot à paraître dans quelques semaines n’est pas développé par le même studio) et le très bon The Surge 2, on a du mal à savoir sur quel pied danser. Pourtant, force est de constater que jeu après jeu, les développeurs ont réussi à prendre leurs marques pour concrétiser leur volonté de produire une alternative pertinente aux Souls et obtenu d’encourageants résultats. Alors, à l’annonce d’Atlas Fallen, considéré comme leur ouvrage le plus ambitieux, tous les espoirs étaient permis.
Un an s’est déroulé depuis sa révélation. À l’exception d’un trailer de deux minutes dévoilant quelques images de gameplay et de l’annonce d’un report de sa sortie d’un trimestre pour peaufiner ses derniers détails (le jeu étant initialement prévu pour sortir à la mi-mai), peu de choses ont filtré sur Atlas Fallen, les équipes ayant préféré concentrer leur énergie sur leur projet plutôt qu’en communication. C’est louable, et maintenant que le fruit de leur travail est enfin entre nos mains, avons-nous réellement affaire à leur meilleure production ou les équipes de Deck 13 Interactive sont-elles retombées dans leurs travers de jeunesse ?
(Test d’Atlas Fallen réalisée sur PS5 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
En chute libre
Levons tout de suite un premier lièvre. Atlas Fallen n’est pas un Souls-like comme certaines images pouvaient éventuellement le laisser supposer. Nous avons plutôt affaire là à un jeu d’action-aventure doté d’un aspect RPG (comme la quasi-intégralité des jeux du genre aujourd’hui, à l’exception de Final Fantasy XVI, mais c’est une autre histoire) que l’on pourrait plus rapprocher d’un Darksiders 2 ou d’un God of War nouvelle formule, toutes proportions gardées. On est d’ailleurs dès les premiers instants plongé dans l’action d’un prologue proche du ratage complet, mais qui, bien heureusement, n’est à subir que quelques minutes.
Du moins, c’est ce que l’on espérait. Pourtant, sur le papier, le système de combat semble solide et propose même d’excellentes idées comme par exemple cette jauge de ferveur qui se remplie au fur et à mesure des coups portés à l’ennemi et qui permet, à chaque portion complète, d’infliger (et de recevoir) plus de dégâts à chaque impact. Une prime à l’offensive qui permet, en plus, de bénéficier de nouvelles techniques et combos. De plus, et c’est très malin, il est possible de se « décharger » de toute cette ferveur, représentant autant un atout qu’un handicap, en assénant une attaque puissante qui remettra alors le compteur à zéro.
Ainsi, malgré la présence de seulement trois armes principales, les affrontements peuvent réellement varier et le sentiment de toujours effectuer les mêmes attaques de base et spéciales se fait bien moins ressentir que dans bon nombre d’autres jeux du genre (grâce aussi à une personnalisation poussée des compétences). Néanmoins, si les affrontements en duel, y compris face à de gros monstres, permettent au système de combat de s’épanouir, c’est déjà beaucoup moins le cas lorsque les adversaires se font plus nombreux.
En effet, dès que nous nous trouvons face à un gros ennemi accompagné de quelques lieutenants (qui seront à intervalles réguliers réinvoqués), la bataille en devient irrémédiablement pénible. Outre une caméra folle due en grande partie à un verrouillage de cible que nous qualifierons de douteux, nous avons pesté, encore et encore, contre ces attaques hors champ à peine visibles sur le radar à notre disposition, les dégâts affolants que certains assauts nous font subir et la réalisation brouillonne de l’ensemble.
C’est d’autant plus dommage qu’on sent qu’il y a eu un véritable travail théorique pour rendre les combats techniques et plaisants. Car en plus de la personnalisation de nos combos, le titre propose une mécanique de contre basée sur nos réflexes, certes classique, mais toujours efficace, et la possibilité de briser, à la The Surge, les membres des monstruosités géantes pour en récupérer quelques objets exclusifs, utiles à l’évolution de nos coups spéciaux. Mais au final, la concrétisation de ces idées se révèle ratée tant l’ensemble n’est ni vraiment lisible, ni véritablement passionnant. Et encore, on vous épargne les haut-le-cœur provoqués par les combats contre des ennemis volants.
Assurément, par rapport aux dernières productions du studio, The Surge 2 en tête, Atlas Fallen est, manette en main, un net retour en arrière. Alors que les idées sont là, rien ne donne envie de participer aux combats. Dès qu’un gros monstre pointe le bout de son groin, nous avons plus cherché à trouver une trajectoire pour l’esquiver qu’à lui foncer dessus pour l’occire. Et encore plus quand c’est environ la quinzième fois en deux heures qu’on affronte la même bête, le bestiaire d’Atlas Fallen étant d’une pauvreté sans nom.
Nous nous sommes pourtant surpris à plusieurs reprises à nous amuser sur cet Atlas Fallen, étonnamment. Le feeling des glissades sur ces plaines désertiques ou même certaines activités comme par exemple celles nous invitant à rejoindre différents points dans un temps imparti, voire la résolution de cartes au trésor, ont été satisfaisants durant notre périple. Mais à coté de ces petites pastilles de plaisir, on ne peut effacer le souvenir de ces innombrables murs invisibles, le cliping omniprésent et, globalement, l’absence dramatique de variété dans les objectifs (principaux comme secondaires) et occupations.
Capdevielle nous avait bien prévenus
Atlas Fallen dispose néanmoins d’autres arguments bien plus flatteurs à mettre en avant, avec, au premier rang d’entre eux, un univers vraiment intéressant et bien plus fouillé qu’il ne le laisse paraître de prime abord. Nous avons pris beaucoup de plaisir à découvrir sa mythologie, où les humains ne sont finalement que les victimes collatérales d’une guerre entre deux divinités, l’une prônant le libre arbitre de ses sujets tandis que la seconde, Thelos, les considère plutôt comme des outils et cherche à les contrôler, et donc à canaliser leurs dangers potentiels.
Cette dernière étant sortie gagnante du duel, son adversaire a fini dans les tréfonds de l’histoire, effacé de la mémoire collective. Seul vestige de ce passé révolu, le gantelet mystique que l’on trouvera rapidement pourrait permettre aux humains, et notamment à ceux réduits à l’état de quasi-esclaves, uniquement nommés par leur fonction, de renverser l’ordre établi. Ainsi équipés de cette relique que l’esprit divin Nyaal hante encore, c’est un nouveau monde qui s’ouvre à nous, avec la possibilité de combattre les ombres, ces créatures éthérées craintes de tous, et d’en profiter au passage pour nous extirper de notre condition peu enviable grâce aux pouvoirs divins qu’il renferme.
Nous voici donc à parcourir le monde, enfin, plutôt les zones ouvertes, pour mener notre révolution. Nous découvrons peu à peu un passé ayant conduit à cette désertification et donc les conséquences sur nous autres péons de l’affrontement entre Thelos et Nyaal. Pour autant, et malgré une colorimétrie générale oscillant entre jaune et ocre, nous avons pu découvrir de très chouettes panoramas et, globalement, la direction artistique d’Atlas Fallen est convaincante.
Cependant, si l’univers d’Atlas Fallen s’est révélé très intéressant et est porté par un scénario qui, s’il ne révolutionne pas grand-chose, reste agréable à suivre, il est difficile d’en dire autant de la narration. La mise en scène des dialogues est pour ainsi dire inexistante. Les discussions, des plus insignifiantes issues de quêtes Fedex sans intérêt aux révélations les plus surprenantes, se déroulent quasiment systématiquement sur un écran fixe. Aucun effort n’a été fait pour sacraliser les conversations les plus palpitantes, ou même simplement pour dynamiser un ensemble bien mou.
Et donc, fatalement, aucun personnage ne réussit à prendre suffisamment d’épaisseur pour être mémorable. En ce qui concerne les « sans-nom », leur côté jetable, aux yeux des nobles et de la haute caste, pourrait justifier que rien n’est vraiment fait pour les valoriser, mais même les alliés les plus solides ou les antagonistes les plus importants, et ce malgré leurs passés bien développés et passionnants, finissent au même niveau qu’un PNJ lambda. Triste, n’est-il pas ?
Ainsi, on se retrouve à arpenter les grandes zones de jeu, telle une âme en peine, en quête d’un fragment d’histoire justifiant nos pérégrinations insipides incitées par un PNJ quelconque dont le nom ou la fonction sera oublié l’instant d’après, vers l’objectif aussi quelconque qu’il nous a confié. Il n’y a guère que Khendra et Arif, des chefs rebelles, qui arrivent à faire illusion dans le marasme ambiant, mais c’est bien trop peu.
Plus nous progressions dans cet Atlas Fallen, et plus nous sortions dépités de cette expérience. Malgré les meilleures intentions du monde, un système de combat pensé pour être à la fois simple et complet et un univers riche et intéressant, tout s’est délité au fil des heures. Les affrontements se sont révélés de plus en plus pénibles, arrivant même à nous dégoûter de lancer n’importe quelle bataille, la faute à une clarté aux abonnées absentes provoquant plus de frustration que de satisfaction.
Seuls l’univers et l’histoire qui nous est contée ici ont réussi tant bien que mal à nous retenir jusqu’au dénouement de l’intrigue et à nous faire temporairement oublier ses innombrables lacunes. Méritent-ils à eux seuls que l’on se lance dans l’aventure ? Sans doute pas, mais ce fut en quelque sorte notre seule oasis, presque tarie, dans cette contrée désertique où nous n’aurions jamais dû nous aventurer. Impossible de nous ôter de l’esprit le profond sentiment d’inachevé que nous inspire Atlas Fallen, un titre qui, d’un bout à l’autre, n’aura cessé de mettre notre patience à l’épreuve. Quel dommage !