C’était prévisible depuis des semaines, des mois, des années, (depuis toujours ?) : le tout nouveau Zelda: Tears of The Kingdom fait un tapage colossal. Tous les sites en font leur une. Qu’il le mérite ou pas n’est pas le sujet. Le fait est que l’on donne l’impression qu’il est aujourd’hui le seul jeu à exister au monde. On exagère, mais bon, on n’en est pas loin. Un accueil dont il n’est d’ailleurs pas le seul à bénéficier. En fait, tout gros jeu passe par cette étape : God of War, Elden Ring ou Hogwarts Legacy ont tous eu leur heure de gloire. Ou, tout du moins, ils ont tous servi à mettre en avant les rédactions qui les ont utilisés à propos. Gagner des vues sur la popularité d’une œuvre, c’est ce que l’on pointait dans un précédent article. Donc inutile ici d’appuyer sur ce point. En revanche, on peut s’intéresser sur ce qu’un tel engouement peut signifier pour le monde du jeu vidéo, si signification il y a, bien entendu…
Peut-être le verriez-vous comme paradoxal : écrire un article en mettant un jeu en valeur, tout en dénonçant l’exploitation de la concurrence. De l’hypocrisie ? Libre à vous de le penser. Cependant, comment ne pas l’évoquer ? En vérité, le véritable problème n’est pas sur son utilisation, mais sur la manière. Par-ci, on a des « incroyable, vous ne devinerez jamais » ou « Woah, ce joueur a fait quelque chose de fantastique », et à d’autres endroits, vous aurez quelques âmes qui tentent de produire quelques articles honorables, posant des questions pertinentes en tous genres. Et on aime à penser que l’on fait partie de cette catégorie.
Ce qui nous amène aujourd’hui à, disons, prendre position, c’est le sentiment qu’entraîne toute cette (excessive) ferveur. Cette dernière, plus que tout, est révélatrice de ce que l’on sait plus ou moins, mais qui nous saute davantage aux yeux dans de tels moments : la différence de traitement qui bénéficie à certains titres. « Logique », diriez-vous. Seulement, ça pose un souci. En faisant la distinction sur ce qui mérite ou pas de figurer à l’affiche d’un magazine, c’est clair, on nous donne une vision, voire une définition, sur ce qu’est (ou devrait être) le jeu vidéo. Et c’est fâcheux. Car, cette optique que l’on nous partage peut avoir un réel effet (même si ça reste à prouver) sur l’industrie.
En parler excessivement, faire du sensationnalisme, etc. est très probablement vecteur de désir chez un certain public (le non-initié ainsi que le joueur occasionnel) et créateur de demandes. Pourrait-on aller jusqu’à dire qu’on le conditionne, qu’on le façonne ? Ce serait un poil trop, mais vous voyez l’idée… Le joueur revêt l’habit du simple consommateur, voulant approcher l’objet de sa convoitise pas parce qu’il l’a décidé lui-même, mais parce qu’on l’a décidé pour lui. On lui crée un goût, une envie bien particulière. Ce qui n’échappe pas à l’industrie, qui compte bien l’exploiter, quitte à se défaire de toute originalité, de volonté de briller par ses propres inventions. Le but est de flatter le joueur, après tout.
En conséquence, on se retrouve avec une remarquable scission. D’un côté, les œuvres modestes, mais dont la qualité est bien au rendez-vous, et de l’autre, les blockbusters, lesquels ne sont pas toujours convaincants. D’un côté, il y a ceux qui tentent d’exister, et de l’autre, ceux qui les écrasent. Cette disparité peut avoir un effet assez néfaste sur la création. Plus haut, on parlait de studios « qui se défont de toute originalité », mais peut-être est-ce parce qu’il n’ont pas le choix… S’adapter pour mieux vendre ? Commercialement parlant, ça se tient et c’est même essentiel. Mais du point de vue artistique, qu’en est-il ? La diversité et l’originalité semblent se perdre pour laisser place à l’uniformisation.
On ne nie pas le fait qu’un blockbuster peut accéder au statut d’art. C’est évidemment une création, qui a nécessité de la technique et autres procédés pour aboutir. Mais il n’en est qu’une forme. À vrai dire, il serait juste de ne pas considérer le jeu vidéo comme un art unique, mais comme un ensemble d’arts divers et variés. Et c’est cette diversité qui devrait faire sa force. C’est pourquoi, chaque titre devrait être traité également. Et même si certains jeux sont peu glamours, la tâche qui est la nôtre ne devrait-elle pas nous pousser à en parler justement ? Car, en ne s’attardant plus que de raisons sur un titre, on change de veste, on devient plus prometteur qu’autre chose. Et ce rôle n’est clairement pas le nôtre.
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