À la suite de l’approbation des actionnaires, Takashi Kiryu a remplacé Yosuke Matsuda aux commandes de Square Enix en juin dernier. Cet été, Takashi Kiryu a donc pour la première fois endossé ses nouvelles responsabilités : cela inclut les sessions de questions/réponses aux investisseurs.
La transcription de la session d’août a récemment été rendue disponible au public. Elle permet de se faire une idée de la direction que prendra l’entreprise dans un avenir plus ou moins proche.
Pour rappel, l’arrivée d’un nouveau directeur avait été largement anticipée, puisque Yosuke Matsuda s’était engagé en faveur de l’intégration des NFTs dans les jeux vidéo, un sujet sensible chez les joueurs. Si la direction de Square Enix ne s’est pas prononcée sur la marche à suivre désormais, la position de Takashi Kiryu reste largement ambiguë.
S’il est trop tôt pour savoir quelle direction concrète Square Enix prendra sur ce point, la session de questions et réponses permet de se faire une idée des prochains projets de l’entreprise. Une vision de l’avenir importante, alors que Square Enix traverse une période compliquée.
Takashi Kiryu, en répondant à une question mentionnant ses espoirs à la suite de sa prise de position, explique la manière dont Square Enix s’organise autour de trois pôles : un pôle jeux HD, un pôle MMOs, et un pôle jeux mobiles. Son premier objectif est de repenser la manière dont sont alloués les ressources et les projets entre ces trois pôles :
Je vois une grande fenêtre d’amélioration possible de nos profits et marges, je souhaiterais commencer par m’occuper de nos jeux HD dans un premier temps. […] De plus, plutôt que de seulement chercher à créer de nouvelles licences, nous voudrions adopter une approche nuancée de l’investissement, en identifiant des licences existantes à transformer en AAA.
De manière générale, deux directives se dégagent de cette nouvelle décision de Square Enix : en plus de se concentrer sur des licences existantes à améliorer, les risques de ces nouveaux AAA seront atténués par le développement de la production de produits dérivés.
Ces nouvelles directions sont certainement prises en réponse aux déboires récents de Square Enix : la situation de l’entreprise est loin d’être au beau fixe. De nombreuses inquiétudes au sujet de sa valeur sont réapparues à la suite d’un rapport mentionnant une chute des actions de 30%, équivalente à une perte de valeur sur le marché de deux milliards de dollars. Cela fait pourtant suite à une hausse bienvenue suite à la sortie de Final Fantasy XVI, et remet Square Enix au plus bas depuis mai 2022.
Cette chute spécifique s’explique par un échec : Final Fantasy XVI, malgré toutes les critiques positives que le titre a pu recevoir, n’a pas atteint les espoirs du studio en termes de ventes, cantonné à quelques 3 millions d’unités écoulées lors de sa première semaine.
Ce n’est pas un mauvais chiffre en soi, puisque Final Fantasy VII Remake avait fait un chiffre similaire. À titre de comparaison, Final Fantasy XV, le titre de la licence s’étant vendu le plus rapidement, avait atteint les cinq millions d’unités écoulées lors de sa première semaine.
Le problème ne vient alors pas tant des ventes de Final Fantasy XVI, qui ne sont pas hors de l’ordinaire pour la licence, mais bien de ce qui l’entoure : les autres projets majeurs de Square Enix sont régulièrement mis en échec. S’il est évident que Marvel’s Avengers vient à l’esprit, avec l’arrêt de ses services prévu pour la fin du mois de septembre, Forspoken, entre ses ventes décevantes et ses critiques mitigées, n’était pas un grand succès non plus.
Le studio derrière Forspoken, Luminous Production, était une branche de Square Enix dédiée au développement de jeux AAA et de moteurs de jeux plus généralement. Cependant, à la suite de la mise en échec de Forspoken, la décision avait été prise d’absorber ses équipes dans Square Enix. Nul doute que cette fusion sera mise à profit dans la nouvelle direction annoncée par Takashi Kiryu.
Cela dit, c’est très loin d’être un mouvement surprenant : Square Enix cherche, avant de proposer des projets originaux, à retrouver une stabilité. Cette tendance dépasse de loin Square Enix et peut être ressentie dans les diverses industries du divertissement en général. Plutôt que de chercher à proposer de nouveaux récits, de nouveaux styles de jeu, de nouveaux visuels, les entreprises cherchent toujours plus de sûreté afin de rassurer les investisseurs et de s’assurer d’avoir les moyens de leurs ambitions.
Cela se retranscrit dans l’exploitation de licences déjà connues, ce qui, du point de vue du développement, permet de gagner du temps et d’éviter d’avoir à partir de zéro. Du point de vue du public, cette réutilisation de visages, d’univers, d’histoires connus permet d’avoir un lien plus simple avec les nouvelles productions. Cependant, en réalité, ce n’est pas l’acabit des suites de licences connues : beaucoup des projets nouveaux de ces gros studios n’ont d’original que l’appellation.
Si le titre, les noms des personnages et des lieux sont différents, cela reste cependant très souvent les mêmes codes, les mêmes types de récits et les mêmes images qui sont recyclées. Ces tentatives de nouvelles licences gardent donc un aspect familier, mais puisque l’artifice nostalgique n’est plus, cet aspect familier peut être vu comme un manque d’originalité. Il devient donc même un défaut.
En réalité, ce sont des problèmes plus concrets qui gangrènent les projets de Square Enix. Des sources internes souhaitant garder leur anonymat rapportaient alors à Bloomberg que le cœur du problème se situe dans l’organisation du développement et du contrôle qualité. Ces sources mentionnaient notamment un contrôle trop important laissé à certains réalisateurs.
Ce sont les fondations de problèmes qui risquent de toucher Square Enix sur le long terme : en résulte un manque de prévoyance, une incapacité à se faire une vision plus large du paysage.
La direction annoncée de Square Enix n’apparaît alors pas sans fondement dans l’industrie au sens large. Cela dit, elle échoue à prendre en compte ce qui semble être le réel problème. Pour autant, le fait de recentrer les projets de gros jeux sur des licences déjà existantes pourrait, par ricochet, soulager certains des problèmes de fond. Dans les faits, cela permet de recentrer l’allocation des ressources et du personnel dans certains projets plutôt que de l’éparpiller de la manière dont le sous-entendent les sources de Bloomberg.
À grande échelle, les industries du divertissement se recroquevillent sur le connu, le familier, qui rassure et place le consommateur dans une attitude passive et confortable. Cette attitude explique l’importance des remasters, remakes, suites et préquelles. Square Enix est déjà loin d’être timide sur le sujet.
Si des arguments existent pour justifier ces nouvelles éditions et nouvelles versions de récits et jeux existants, en général, ce n’est pas fait pour la beauté du geste. Si cela pourrait permettre de mettre la lumière sur des licences moins connues, reste à voir la manière dont cette nouvelle organisation se manifestera sur les projets à venir, certainement à moyen et long terme.
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