Les Pégases se veulent « les César du jeu vidéo ». Imitant la cérémonie dédiée au cinéma français, la remise des récompenses est chapeautée par une ronflante Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo. Mais son fonctionnement fait, lui, la différence et provoque le débat chaque année.
Le studio candidat au titre de jeu de l’année (ou à une autre récompense parmi la quinzaine distribuée) doit ainsi soumettre lui-même son jeu à l’Académie, s’estimant digne de lauriers. La liste des gagnants est donc forcément faussée, et le « Jeu de l’Année » est en fait « Le Jeu de l’Année parmi ceux ayant rempli un dossier de candidature ».
Dommage ! Si le « Jeu de l’année » est, aux Pégases comme ailleurs, traditionnellement une grosse machine qui a remporté un certain succès critique et commercial, d’autres catégories (Meilleur premier jeu, Meilleur jeu indé, Au-delà du jeu vidéo…) permettraient de mettre en lumière une production le méritant, mais qui aurait eu un peu de mal à se faire remarquer dans la foule de titres paraissant chaque année. C’est aussi à cela que devraient servir ces cérémonies, et pas seulement à distribuer des médailles en chocolat aux gros hits de l’année qui n’en ont de toute façon pas besoin…
Peut-être est-ce parce qu’elle n’assume pas ce rôle qu’elle n’intéresse personne ? Ou peut-être est-ce parce qu’elle n’intéresse personne qu’elle ne prend pas la peine de faire ce travail ? Car il faut reconnaître que l’impact de la cérémonie est plus que limité : si Prince of Persia: Lost Crown a été élu « Jeu de l’année » et Warhammer 40k Space Marines 2 a lui reçu le prix du « Meilleur jeu étranger », aucun grand média spécialisé international n’a relayé ce palmarès (discutable, certes, mais on a vu pourquoi ci-dessus).
Les médias spécialisés francophones se sont quant à eux contenté d’un récap’ insipide, copié-collé d’un site à l’autre, qui montre bien l’intérêt que le milieu porte à la cérémonie. Mention spéciale quand même à Gamekult, qui souligne avec un sarcasme gourmand le paradoxe d’une cérémonie à paillettes dans un contexte économique et industriel qui broie du noir…
Quant aux médias généralistes français, ils ont, grâce aux Pégases, parlé pour une fois un peu de jeu vidéo. Pas très longtemps, certes, mais c’est à souligner. Il faut dire que la cérémonie est organisée par le SNJV, le Syndicat National du Jeu Vidéo, qui œuvre en faveur de l’industrie (et pas des salariés de cette industrie, comme le fait le STJV, Syndicat des Travailleurs du Jeu Vidéo, par exemple).
Et c’est peut-être à ça que servent les Pégases finalement : obtenir du temps d’antenne sur les médias historiques, afin que le jeu vidéo accède au rang d’industrie culturelle comme les autres (littérature, musique, cinéma…). Et à ce niveau, on voit qu’il y a encore du chemin à parcourir quand on entend le « génie » autoproclamé Yann Moix étaler son inculture crasse faite de clichés moisis sur le jeu vidéo et les joueurs.
Peut-être que dans cet objectif, le jeu vidéo devrait-il se faufiler dans des endroits faits pour la culture qui a « droit de cité » : à Cannes, ou aux César, par exemple. Les Grammy Awards, prestigieuse remise de trophées de l’industrie musicale américaine, intègrent les jeux vidéo dans leur sélection. Et les très respectés BAFTA (pour British Academy of Film and Television Arts) qui récompensent « l’industrie des écrans » ont une section BAFTA Games Awards aux côtés des récompenses dédiés aux films et aux séries télé.
Peut-être que pour ne pas être mis de côté par les milieux de la culture, le jeu vidéo devrait commencer par faire autre chose que cette petite sauterie nombriliste ? Et plutôt que de s’organiser son propre cocktail entre copains, le SNJV pourrait travailler à faire accepter les artistes du jeu vidéo dans d’autres cérémonies dédiées aux arts narratifs et visuels ?
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