La sortie surprise du très célèbre The Elder Scrolls IV: Oblivion en version remasterisée a fait l’effet d’une véritable déflagration en jouant sur la nostalgie : pas moins de quatre millions de joueurs ont déjà replongé dans les terres de Cyrodiil.
Une réussite pour un jeu qui célèbre ses dix neufs ans et dont la réputation, bien que dorée, s’accompagne de quelques casseroles célèbres — notamment la fameuse affaire des armures pour chevaux, triste précurseur de la vague de DLC payants qui allait s’abattre sur l’industrie. À titre de comparaison, Blue Prince peine à franchir le cap du million de joueurs, tandis que notre Expedition 33 national vient tout juste de fêter son premier million.
C’est d’autant plus impressionnant lorsqu’on considère le prix auquel cette petite goutte de souvientine nous est proposée : 55€ sur Steam. La nostalgie, manifestement, reste un pari souvent gagnant. Selon une étude de 2023 menée par l’Entertainment Software Association (ESA), plus de 58 % des joueurs adultes déclarent ressentir un attachement émotionnel aux franchises anciennes.
Les succès critiques et commerciaux de titres comme Final Fantasy VII Remake ou encore la présence remarquée de Resident Evil 4 Remake aux Game Awards illustrent à merveille que la nostalgie peut être non seulement rentable, mais aussi qualitativement réussie.
La première génération de joueurs bercée par les consoles comme la NES, la Mega Drive ou la PlayStation est aujourd’hui adulte, avec un pouvoir d’achat confortable. Il est donc tout à fait logique — et efficace — que le marketing s’adresse directement à cette population. Certains comme Blizzard n’hésitent même plus et dégainent des Remake et autres Classic dès qu’ils en ont l’occasion, en témoignent les quelques 5 versions différentes de World of Warcraft auxquelles vous pouvez jouer à l’heure actuelle.
Mais en regardant au-delà des chiffres, on voit peu à peu se dessiner un cercle vicieux : plus le marché récompense la nostalgie, plus les studios sont incités à privilégier des projets « sûrs » plutôt qu’à prendre des risques créatifs. Que se passera-t-il quand il n’y aura plus de jeu à remasteriser ?
Tous ces budgets investis pour tenter de raviver les éclats d’épiphanie du passé n’auraient-ils pas pu nourrir des productions, certes plus modestes, mais porteuses d’idées neuves ? D’autant plus que la sortie en « shadow drop » d’un mastodonte tel qu’Oblivion Remaster a écrasé la concurrence sur son passage, impactant en particulier les productions plus discrètes. On observe également le fait que certaines œuvres indépendantes comme Dread Delusion ou Crow Country utilisent avec finesse cette nostalgie aussi bien visuelle que mécanique pour faire prévaloir une idée nouvelle.
La nostalgie est une magnifique menteuse : elle sublime nos souvenirs en ne nous laissant voir que ce qu’il y avait de plus beau, tout en dissimulant habilement les raisons qui ont parfois condamné nos anciens favoris. Notre cerveau, complice, se persuade que ce qui a disparu était forcément meilleur que ce qui persiste aujourd’hui.
Bien utilisée, la nostalgie peut être un vecteur d’émotions puissantes et un formidable terrain d’inspiration pour des créations inventives. Mais si elle devient l’unique guide, elle risque d’étouffer la créativité, figer l’industrie dans une contemplation du passé, et freiner l’émergence de nouveaux horizons.
Alors, en tant que joueurs comme en tant que créateurs, il est peut-être temps de se poser une question essentielle : souhaite-t-on simplement revivre nos souvenirs ou oser tourner la page pour en écrire de nouveaux ?
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