Cette semaine, Andrea Pessino, co-fondateur de Ready at Dawn, s’est fendu d’un petit coup de griffe envers Metacritic. Selon lui, PlayStation n’aurait pas donné sa chance au studio à cause de la note du jeu sur Metacritic. Avec sa note de 63, The Order 1886 aurait selon lui scellé le destin du studio, fermé d’ailleurs depuis août 2024 par Meta.
« Si nous avions obtenu ne serait-ce que 70, nous aurions eu une suite, j’en suis convaincu. »
Même s’il est clair que le jeu aura divisé, est-il pour autant normal qu’une note définisse l’avenir d’un studio sans que personne n’aille creuser plus loin ? Une décision d’autant plus étrange lorsque l’on regarde de plus près le pedigree du studio. S’il s’agit évidemment de l’avis (amer) du premier concerné, PlayStation aura inévitablement été influencé dans son rachat du studio, tout le laisse à penser.
Un autre nom, plus ancré dans l’actualité, ne pense pas moins en mal de l’agrégateur de notes Metacritic. Daniel Vávra, directeur de Kingdom Come: Deliverance II se remémore un article assassin d’Eurogamer sur le premier opus, Eurogamer qui avait d’ailleurs tout simplement refusé de noter le titre en raison de l’absence de personnages de couleurs et du traitement des personnages féminins. Amusant d’ailleurs de constater que lorsque Warhorse Studios s’essaye à placer un personnage de couleur en Bohème médiévale, ce sont les joueurs qui prennent la mouche. Il paraît bien difficile de développer un jeu vidéo en ces temps.
Aujourd’hui encore, Eurogamer attribue une note sévère de 60 sur Metacritic à KCD2, ce qui semble exaspérer au plus haut point Daniel Vávra. Celui-ci relance une pièce dans la machine « Opencritic versus Metacritic », éternel débat qui semble toujours donner l’avantage à Opencritic, jugé plus objectif et moins opaque sur son système de notation.
Jamais deux sans trois, c’est aussi Raphaël Colantonio, fondateur d’Arkane, qui tirait également la sonnette d’alarme lors de la sortie de Stalker 2. Rappelez-vous, les énormes bugs du jeu et le review bombing qui en a découlé. Avec les circonstances atténuantes dû à un développement en Ukraine, qui, on l’imagine, n’avait rien de facile, le français abonde :
« L’écosystème Metacritic pousse les développeurs à faire des jeux lassants et sans prise de risques. Si le jeu est fignolé à son lancement, le 80% est assuré, peu importe que le jeu soit chiant comme la pluie ou non. Pendant ce temps, Stalker 2 prend un 73 car il sort dans un état brut à sa sortie. Injuste et déroutant… »
L’opacité de Metacritic est cruciale car rien ne permet de savoir si une note autour des 70 est la faute d’un jeu médiocre ou de bugs trop présents qui seront corrigés plus tard, rendant la note totalement caduque voire décorrélée de toute réalité. Le manque d’informations supplémentaires rend la vanité des notes explicite sur ce site.
Une bride de l’esprit lorsque l’on sait que la plupart des internautes s’arrête généralement à la note, et que tout est fait pour que la curiosité s’arrête là. Un effort minime pour une compréhension limité, mais comment jeter la pierre aux joueurs lorsque 18 864 jeux sont sortis rien que sur Steam en 2024 ? Un phénomène d’ailleurs qui ne cesse de s’amplifier.
Même s’il ne s’agit au final que de notes, celles-ci agissent concrètement sur l’avenir des studios, comme nous l’avons vu plus haut d’après les supputations d’Andrea Pessino, mais aussi plus immédiatement sur les développeurs comme l’avait déclaré en 2012 Chris Avellone de chez Obsidian. Une prime était accordée lorsque le jeu dépassait 85 sur Metacritic, dommage, le jeu dont nous allons parler n’aura eu que 84. Un misérable point qui aura conduit le jeu aux oubliettes ? Absolument pas car nous parlons de Fallout: New Vegas, un titre qui n’aura pas atteint l’objectif mais qui fait aujourd’hui toute la réputation du studio.
Il existe cependant un pendant positif aux notes via le review bombing. Généralement situé du côté obscur de la force, le review bombing consiste à descendre en flammes un jeu pour diverses raisons : des performances trop pauvres, des bugs bloquants, etc. Mais parfois, il est un formidable moyen de pression.
On se souvient de l’épisode Helldivers 2 et du fameux slogan « We dive together or we won’t dive ». Rappelons brièvement les faits. Sony force la création d’un compte PSN pour jouer à Helldivers 2, sauf que de nombreux pays ne peuvent tout simplement pas créer de compte PSN. Dans l’élan d’un esprit communautaire, un review bombing se forme pour décourager Sony et sa politique coercitive. Un tour de force qui contraint Sony à abandonner la création d’un compte PSN pour jouer au jeu d’Arrowhead. À ce jour, Helldivers 2 reste le seul jeu de l’écurie Sony dans ce cas de figure.
L’épisode autour de Hi-Fi Rush aura également montré que les notes peuvent dénoncer certaines pratiques abusives. Pour montrer son soutien à Tango Gameworks, les joueurs se seront mobilisés pour pointer du doigt les agissements déraisonnables de Microsoft.
Comme on le voit, les notes peuvent être un formidable moyen d’expression pour les joueurs lorsque les géants de l’industrie se comporte un peu trop à leur aise. Hélas, ces événements sont très (trop ?) rares. Car malheureusement, la fonction première d’une note est d’être ni plus ni moins qu’un guide d’achat ancré dans un court-termisme dangereux portant de solides ornières.
Déjà critiqué dans nos colonnes mais aussi un peu partout, Metacritic bride l’intelligence des joueurs mais aussi la créativité des studios, le site aplanit les jeux jusqu’à les rendre homogènes d’après Suda51. L’occasion de rebondir sur Helldivers 2 et la devise d’Arrowhead : « Un jeu pour tout le monde est un jeu pour personne. »
Metacritic est la forme la plus prégnante du phénomène « liste de courses ». Avec un système de note qui a l’outrecuidance de penser à votre place, il aggrave la crise existentielle que subit le jeu vidéo depuis plusieurs années : l’absence de prise de risque. Une maladie qui touche aussi bien les studios que les joueurs.
Un agrégateur de notes est souvent le moyen pour les joueurs de ne pas se tromper lorsqu’ils choisissent un jeu, évacuant ainsi le risque de choisir un mauvais jeu. Jouant sur la crainte de la FOMO (pour Fear of Missing Out, la peur de rater quelque chose, NDLR), ces sites veulent rendre efficace notre temps de jeu et nos investissements financiers, que ceux-ci ne soit porté que vers la crème de la crème.
Pourtant, il nous semble qu’en tant que joueur, ne pas se confronter à des jeux moyens voire mauvais, c’est émousser son sens critique et perdre la valeur de ce qui est bon. C’est pourtant ce que nous offre Metacritic, une vie de joueur aseptisée parfaite, performante dénuée de toute déconvenues et de mauvaises surprises, une véritable pilule bleue.
Si certains font le choix, comme New Game Plus, de ne pas afficher de notes quand d’autres la dispose en fin d’article et d’autres avant même d’avoir lu quoi que ce soit, ce n’est pas un hasard. C’est une décision éditoriale mûrement réfléchie. Pour nous, la note doit être secondaire, elle doit être un moyen de pression et d’union communautaire mais certainement pas suppléer à la critique.
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