C’est la première si grosse structure de l’industrie du jeu vidéo a déclarer aussi franchement sa réorganisation autour de l’IA, c’est-à-dire un fonctionnement de la société elle-même basé prioritairement sur l’utilisation d’outils propulsés par l’intelligence artificielle. On connait le potentiel de bad buzz derrière l’utilisation de l’IA dans la création de jeux vidéo, et dans la création tout court, même quand cette utilisation peut n’être qu’anecdotique (voire « l’affaire » The Alters). Cette annonce de Krafton n’est donc pas sans risque…
On ne parle pas ici d’un « petit » studio qui aurait cédé à la facilité et aux économies de salaires en confiant par exemple le design de ses PNJ à une IA générative, mais bien d’un acteur majeur de l’industrie qui se restructure complètement autour le l’intelligence artificielle.
« Dès aujourd’hui, Krafton va automatiser son travail en l’organisant autour de l’IA, et intégrer totalement un système de management centré sur l’IA, qui permettra aux salariés de se concentrer sur les activités créatives et les tâches complexes. Nous faisons le grand saut en tant que société qui promeut l’accroissement de son personnel et élargit l’horizon des défis qui l’attendent grâce à l’IA. Avec notre stratégie de « priorité à l’IA », Krafton va accroître les opportunités pour chacun, élargir les possibilités créatives centrées sur l’expérience du joueur, et conduire l’innovation par l’intelligence artificielle pour toute l’industrie du jeu vidéo » – Kim Chang-Han, PDG de Krafton, cité par VideoGamesChronicle et traduit par la rédaction.
Bien entendu, la direction met l’accent sur la « liberté nouvelle » que l’IA offrira aux équipes, et sur les pseudos perspectives de création d’emplois, même si ce n’est pas exactement ce qu’on a pu observer ailleurs jusqu’à présent.
C’est ainsi 100 milliards de Won coréens, soit environ 60 millions d’euros vont être consacrés à l’installation d’un cluster GPU qui sera la fondation d’un programme visant à généraliser l’IA agentique, soit un système décisionnaire construit sur une intelligence artificielle proactive et autonome, fonctionnant avec un minimum d’intervention humaine. Il s’agit bien de confier des tâches organisationnelles et de ressources humaines à l’IA, et pas seulement de lui faire retranscrire des sous-titres ou de doubler des personnages. Très concrètement, le DRH des développeurs des studios Krafton sera demain un robot ! Probablement pas l’axe de progrès le plus fiable si l’on a en tête des problématiques telles que les conditions de travail…
InZA.I.
Qu’un acteur aussi important prenne une telle décision à une pareille échelle est tout bonnement effrayant, et pourrait bien bouleverser toute l’industrie. D’abord, parce qu’il sera difficile de pointer du doigt et de refuser le « slop » qui en résulterait : l’usage de l’IA ne concerne pas ici la partie créative, mais toute la structure de la société, et n’apparaîtra pas de façon flagrante à l’écran. Mais aussi parce la place donnée à l’IA serait ici tellement importante qu’elle paraitrait irréversible, empêchant tout questionnement.
Quand un jeu utilise l’IA générative pour éviter d’avoir à payer des acteurs, comme ce fut la cas avec Spy Drops ou les récentes compilations consacrées à Tomb Raider, les joueurs et les acteurs peuvent essayer de faire pression pour que l’éditeur fasse machine arrière et réalise ses doublages avec de véritables acteurs. Cela a fonctionné pour Spy Drops (moins, pour l’instant, avec les rééditions de Tomb Raider).
Mais quand les fondations même des studios sont bâties sur de l’IA agentique, comment corriger le tir ? Si les menaces le projet de Krafton se concrétise, on assistera à un vrai test grandeur nature quant à la place que va prendre l’IA dans l’industrie. L’industrie du jeu vidéo, mais aussi l’industrie tout court…

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