La sortie de Returnal a ravivé un débat qui n’était pas tout à fait éteint, celui sur la difficulté. Cette difficulté, cette exigence, qui priverait tout une partie des joueurs du jeu : ceux qui seraient moins doués, qui n’auraient pas le « skill » nécessaire pour progresser dans le jeu. Ceux qui n’auraient simplement pas assez de temps à consacrer au titre pour acquérir l’habileté nécessaire, aussi. Bref, le jeu ne serait pas « pour tout le monde », et ses détracteurs pleurnichent.
Tout comme d’autres (à moins que ce ne soient les mêmes ?!) ont regretté le parti pris radical de The Last of Us Part II, sa violence graphique et scénaristique, sa façon de forcer un peu la main au joueur qui n’adhérait pas au déroulement du scénario ou au traitement des personnages. Toujours sur TLOU2, on a beaucoup lu de critiques s’en prenant à un certain progressisme affiché par le jeu, mettant en scène des héroïnes fortes, des personnages ouvertement homosexuels… Bref, un jeu « woke » qui empêcherait un joueur proche de la droite conservatrice de profiter de l’aventure en toute quiétude. Un jeu « pas pour tout le monde », encore.
Tout récemment, c’est Resident Evil VIII, ou Resident Evil Village, qui a cédé à ce dictat du « Pour Tout le Monde ». En effet, dans une interview relayée par le site VideoGamesChronicles, Tsuyshi Kanda, producteur de la série, explique que le jeu a été pensé pour être moins effrayant que Resident Evil VII, et ainsi être plus accueillant pour un plus grand nombre de joueurs :
« Certains retours que nous avons reçus sur Resident Evil VII montraient qu’il était trop effrayant. D’un côté, c’est exactement ce qu’on a essayé de faire, c’est donc un super compliment pour nous. Mais en même temps, notre but est toujours de faire quelque chose avec quoi n’importe qui serait à l’aise, aussi bien de le lancer que d’y jouer ; ainsi, nous avons décidé de relâcher un peu la courbe de tension en comparaison avec Resident Evil VII, pour que les joueurs ne soient pas dans une peur constante ».
Une autre façon de dire un jeu « pour tout le monde » ou un jeu « accueillant », c’est : un jeu consensuel. Et c’est bien là ce qui se dessine. Pas de surprise, le jeu vidéo étant devenu l’industrie culturelle qui génère le plus d’argent, loin devant le cinéma ou la musique, des sommes colossales sont en jeu (si je puis dire…), et c’est le grand public, la masse, qui est avant tout visée par les grands studios.
Les jeux AAA ou même bientôt AAAA devraient logiquement prendre cette direction dans les mois ou les années à venir. Les petits ajustements (points de sauvegarde…) qui ont suivi la pseudo-polémique autour de Returnal ou les déclarations de Tsuyshi Kanda nous le montrent bien. Alors des jeux accessibles à tous, une bonne nouvelle ? N’en déplaise aux détracteurs de Returnal, ce n’est pas si sûr.
Le côté propre et lisse de Ghost of Tsushima était justement son plus gros défaut, d’autant plus qu’il tranchait (pour un jeu de samouraïs, ah ah ah !) avec la radicalité d’un The Last of Us Part 2 sorti très peu de temps avant. Et pour faire un parallèle avec le cinéma, qui a beaucoup plus d’expérience que le jeu vidéo dans cet exercice de se fabriquer pour le grand public, on a vu ce que cela pouvait donner avec Justice League : du côté du montage studio, un film inepte, pompant sans réel talent sa D.A. sur celle d’un Marvel, pour ne déplaire à personne (sans pour autant plaire à qui que ce soit) ; du côté du director’s cut, un film plus radical, au format inhabituel (4h00 et carré !) et à l’identité visuelle marquée du sceau de son auteur, qui aura été bien plus intéressant, même s’il a laissé au passage des spectateurs sur le côté.
Il nous revient désormais de choisir : veut-on une production aseptisée, standardisée, qui ne fera ni trop peur, ni pas assez, où il faudra un minimum de skill, mais où une « feuille d’invincibilité » à la Mario nous prendra par la main dès trois échecs consécutifs, et dans laquelle les certitudes de chacun ne seront jamais titillées, bref, une production aussi accessible que tiède et sans saveur ? Ou préfère-t-on tout de même prendre le risque de croiser un chef-d’œuvre de temps à autres, au risque de devoir accepter que certains jeux, trop difficiles, trop techniques, trop décalés, ne soient pas faits pour nous ?
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