Après sept ans d’attente, The Last of Us Part II nous tend les bras, amenant avec lui la conclusion d’une licence devenue culte. En à peine une poignée d’années, le jeu du studio Naughty Dog s’est forgé une solide réputation auprès des joueurs. D’abord exclusif à la PlayStation 3, puis ressorti dans une édition dite remastered sur PS4 (incluant le chapitre additionnel Left Behind), The Last of Us n’a fait qu’agrandir au fil des années sa portée et sa communauté toujours plus désireuse d’en apprendre davantage sur son univers post-apocalyptique. Difficile de sélectionner les bons qualificatifs tant le titre a marqué toute une génération de joueurs de par sa narration inégalée et son final si déchirant, du jamais-vu dans le jeu vidéo. Et c’est justement le défi principal de ce The Last of Us Part II : donner suite à la lourde décision de Joel à la fin du premier opus.
Avant d’approfondir, nous vous mettons en garde. Le test ne contiendra aucun spoil majeur quant au scénario du second chapitre. Néanmoins, nous nous devons de préciser le dénouement final du premier opus. Par conséquent, si vous n’avez jamais joué à The Last of Us (mais qu’est-ce que vous attendez ?) et que vous souhaitez garder la surprise, ne continuez pas ces lignes.
Avec son immunisation au cordyceps (le champignon parasite responsable de la fin du monde moderne), Ellie est l’unique espoir pour l’humanité de trouver un remède à la pandémie. Toute l’aventure du premier opus consiste à se rendre à l’hôpital Sainte-Mary à Boston. L’hôpital est en réalité un laboratoire de la fraction des lucioles, capable d’opérer Ellie et d’en extraire un vaccin. Problème, l’opération tuerait la jeune femme. Déjà dans le deuil de sa fille, Joel décide de faire machine arrière au dernier moment et tue toute l’équipe médicale pour s’enfuir avec sa protégée inconsciente.
Ce dernier n’hésitera pas à mentir. Il annoncera à Ellie que l’opération ne pouvait pas aboutir, qu’il était impossible d’obtenir le remède. Les années passent et les conséquences de ces actions font surface. Car si le premier opus avait pour thématique la survie, The Last of Us Part II est clairement basé sur la notion de vengeance.
(Test de The Last of Us Part II effectué sur PlayStation 4 Pro via un code fourni par l’éditeur)
Le monde d’après est encore violence
Les vagabondages sont du passé. La survie prend une autre forme, celle de la collectivité. Aujourd’hui, le duo s’est joint à Jacksonville, petite bourgade dans laquelle bon nombre de survivants essayent de reprendre une vie normale. Bien sûr, la mort court toujours à l’extérieur de ses murs, mais la communauté s’organise au mieux pour la sécurité de ses membres. La vie retrouve ainsi une douceur trop longtemps perdue.
Du haut de ses 19 ans, Ellie participe à des rondes de contrôle des alentours dans le but de dénicher et d’éliminer des contaminés. Même rôle pour Joel qui sécurise un autre secteur. Les jours passent et même si le danger est toujours présent, la vie se montre bien plus clémente. Cependant, on n’échappe pas à son passé et il est temps de payer les conséquences de ses actions. Suite à un événement traumatisant (que nous ne détaillerons pas volontairement), Ellie décide de quitter les siens pour partir en guerre avec pour seul objectif la vengeance. Sa route l’emmènera dans la ville déchue de Seattle avec un nom en tête : Abby. C’est tout ce que nous révèlerons du scénario de peur de vous gâcher l’expérience.
The Last of Us Part II réalise l’exploit de prendre tous les joueurs à contre-pied côté scénario, et de tendre vers une direction insoupçonnée. Une direction dans laquelle la violence et la haine sont toujours maîtresses. Et même si l’on peut lire partout que le jeu est prévisible, on vous assure qu’il ne l’est pas. Ces plaintes injustifiées ne sont que la résultante d’une déception sur ce choix ô combien risqué des développeurs. Qu’on se le dise, le jeu a clairement été pensé pour diviser. Le studio savait pertinemment que l’histoire allait provoquer une salve de réactions contestataires, mais ce dernier a su parfaitement assumer jusqu’au bout, nous livrant un récit cohérent de bout en bout et d’une richesse incroyable.
J’ai rencontré le Diable, et il s’appelait Ellie
Même si le scénario est sujet à clivage, il y a une chose qu’on ne peut remettre en question : sa narration. Naughty Dog est passé maître dans le storytelling et The Last of Us Part II est l’aboutissement de leur savoir-faire. Chaque évènement, chaque personnage, chaque scène s’imbrique parfaitement pour délivrer un récit sans temps mort et d’une sincérité touchante. On ne le dira jamais assez, mais la frontière entre le jeu vidéo et le film s’estompe de plus en plus. Le titre installe un climat de tension permanent dans lequel tout est cohérent, jamais on ne pointera du doigt un manque de logique, le réalisme est ainsi poussé à l’extrême.
Réalisme renforcé par les prouesses techniques, puisque The Last of Us Part II est sans aucun doute le plus beau jeu de la PlayStation 4. Mais le plus impressionnant reste les expressions faciales. Jamais la douleur, la joie, la tristesse ou n’importe quelle émotion n’a été si bien représentée à l’écran.
Tant d’éloges prononcées, il est maintenant temps de pointer du doigt la faiblesse du titre : son gameplay. Enfin, faiblesse est un bien grand mot. Malheureusement, la prise de risque concernant le scénario n’a pas suivi côté gameplay. The Last of Us Part II est la copie quasiment identique du premier opus, on notera juste quelques timides ajouts, mais rien de bien novateur. Déjà que The Last of Us premier du nom était critiqué pour son gameplay basique, le second chapitre subit d’autant plus ce blâme avec les années passées. Oui, c’est plus beau, plus réaliste et plus intense mais les mécaniques ne changent pas d’un pouce. On aurait souhaité un peu de nouveauté et surtout de diversité. Car ce n’est pas l’unique travers du jeu.
L’un des plus gros soucis du jeu réside dans son aspect cyclique. En effet, le jeu peut être divisé en trois phases distinctes et successives. L’exploration, l’affrontement et les cinématiques/dialogues. Une configuration qui laisse place à trop peu d’imprévus. Une fois la mécanique en tête, l’effet de surprise disparaît et une certaine redondance s’installe, même si le jeu va, à quelques rares occasions, briser ce rythme en ajoutant un ennemi là où on ne l’attend pas. Mais encore une fois, c’est bien trop rare pour effacer cette redondance soulignée.
Ce n’est pas le seul élément perturbateur. Durant les phases d’exploration, quand on aura tout fouillé dans un secteur, le personnage ou son accompagnant prononcera une simple phrase du style « c’est bon, on peut y aller ». Idem quand tous les ennemis de la zone sont abattus, « ils sont tous morts, on y va ». Un détail qui vient malheureusement perturber l’expérience et surtout l’immersion. Le jeu vidéo reprend très vite ses droits.
Malgré quelques efforts notables, la linéarité du titre pèse. On ne reste que trop limité dans les possibilités de mouvement, de chemin ou même d’approche de l’ennemi. Un seul niveau est conçu comme un monde semi-ouvert (un peu à la manière du niveau Madagascar d’Uncharted 4), mais c’est loin d’être suffisant pour effacer ce maudit sentiment de couloir. L’exploration aurait gagné à être davantage poussée, car même si on peut fouiller quelques bâtiments vides, cela reste bien trop léger pour servir pleinement l’immersion.
Comme dans le précédent opus, il existe deux manières d’améliorer notre personnage. D’abord par son équipement via les ateliers qui permettent de crafter ses armes à partir de pièces détachées récupérées ici et là durant vos explorations. L’autre manière passe par les médicaments (également à récupérer en fouillant chaque recoin) qui permettent d’apprendre diverses améliorations. Pour le coup, encore une fois, rien ne bouge par rapport au premier opus.
Et c’est fort dommage, car ces systèmes de progression sont assez inutiles dans l’ensemble. On aurait aimé l’apprentissage de réelles compétences, avec pourquoi pas de nouvelles techniques/attaques permettant de diversifier le gameplay. Non, ici, ça se limite à augmenter de 10% sa vie, d’être plus rapide dans les créations d’objets ou encore de se déplacer plus rapidement en rampant… Bien trop basique.
Autre point négatif (et qui risque de générer de profonds désaccords) : la durée de vie. The Last of Us Part II est considérée comme trop long, comptez environ une vingtaine d’heures pour en venir à bout. Alors oui, le jeu est complet et prend bien le temps de détailler chaque événement, chaque personnage. Néanmoins, un sentiment de longueur se fera ressentir au cours de l’aventure. On voit du pays, les environnements sont variés, on joue avec le temps (flash-back), on change même de personnage, mais rien n’y fait, le jeu est trop long pour ce qu’il est, surtout avec son gameplay limité.
On regrettera par ailleurs l’absence d’un mode multijoueur. On ne comprend pas cette décision de se limiter à un unique mode, car tous les ingrédients étaient réunis. Surtout que le mode en ligne du premier avait son petit succès et était loin d’être mauvais, notamment avec son système de survie de clans. Dommage.
L’empathie est l’unique remède
La bande-son de The Last of Us signée Gustavo Santaolalla était mémorable. Minimaliste, discrète, mais participant activement à l’ambiance générale, celle-ci s’est largement démarquée et a contribué au succès du jeu. Force est de constater que sans être mauvaise, la bande-son de The Last of Us Part II, toujours des mains de notre compositeur argentin, marque moins. Il faudra tendre l’oreille pour l’écouter et l’apprécier, sinon, dans la plupart des cas, elle passera inaperçue. Et c’était toute la magie du premier épisode, discrète, mais pleinement appréciable sans avoir à s’y intéresser directement. Dans le second épisode, elle reste discrète et appréciable, mais il faut y faire attention.
Nous voilà donc arrivés au dernier point du test, élément qui peut paraître anecdotique, mais qui se veut trop important pour nous pour ne pas être dignement souligné. On l’a dit, Naughty Dog excelle dans le travail de narration, leur manière de dérouler une histoire, mais le studio s’est également dépassé à imaginer ce que sera le monde de demain. Encore une fois, c’est peut-être un détail pour vous, mais voir une égalité des sexes à l’écran, de la mixité, de la sexualité qu’importe le genre, dans un jeu avec une aussi grosse production, est, selon nous, un énorme pas en avant. Surtout que tout est fait de manière naturelle, sans forcer quoi ce soit.
Last of Us Part II est une suite digne du premier opus. En prenant le contre-pied de bon nombre de joueurs, le titre nous livre une histoire fascinante, loin de toutes prédictions et d’une cruauté suffocante. Sublime pour les yeux et pour les oreilles, ce second chapitre trouve un équilibre maîtrisée entre la narration et l’action, propulsant le joueur dans un climat haletant et dans lequel la mort peut sévir à tout moment. Mieux encore, il nous livre un message fort qui résonnera même une fois la console éteinte : la violence engendre la violence.
C’est du côté du gameplay que le bât blesse avec trop peu de nouveautés apportées et quelques éléments perturbateurs. On regrette également l’absence de mode multijoueur qui apportait une rejouabilité plus que bienvenue au premier épisode.
Enfin, et nous terminerons là-dessus, ne prenez surtout pas en compte tous les commentaires liés à la sexualité d’Ellie, et qui accusent cette dernière d’avoir détruit la relation qu’avait l’héroïne avec Joel. Ce n’est pas vrai, et même si ça l’était, on s’en fout si le propos desservi reste cohérent sur l’ensemble. The Last of Us Part II est grand et reflète avec intelligence notre société en constante évolution (sexualité, mixité, égalité des sexes, etc.). Bravo Naughty Dog, vous pouvez être fiers de votre travail et de sa portée au sein de notre média. Nous le sommes en tout cas.
Je ne suis pas du tout d’accord avec ce que tu dis sur l’exploration, surtout que tu mets aussi en avant un jeu trop long. Personnellement, je ne l’ai pas ressenti ainsi, car j’ai trouvé le dernier acte aussi nécessaire que les autres voir plus encore. Trop de liberté aurait tué le rythme et la narration du jeu. On aurait perdu la justesse narrative pour fouiller quelques lieux en plus, la zone semi-ouverte est d’ailleurs, au-delà de la surprise, celle qui m’a le moins plu, car elle ne correspond en rien avec les intentions d’Ellie. Son but n’est pas d’explorer et de trouver des trucs, mais de se venger.
Elle n’a d’ailleurs que ça en tête et gambader dans des immeubles n’auraient rien apporté de cohérent avec son désir de tuer qui elle estime coupable d’avoir fait ce qu’il s’est passé. Alors pour moi, l’exploration est certes sympathique, mais The Last of Us n’a et n’est pas une licence appelant à une ouverture de son terrain de jeu, cela dénaturerait l’expérience et l’impact de la narration, devenant alors plus éparse, serait bien moindre qu’actuellement.
D’autant plus que cela rallongerait la durée de vie que beaucoup juge déjà trop longue. Et cette longueur je ne l’ai ressentie qu’une seule fois lors de la zone semi-ouverte avec une carte point d’interrogation, useless.
Aussi, le multijoueur ne manque pas, car très franchement celui de premier était lambda et sans saveur pour qui aime les bons modes multi où l’on se fight à coups de feu. Uncharted 4 en proposait un et c’était existant sans être nul.
Enfin et très sincèrement, je ne comprends pas la note. Ce jeu ne mérite pas 10, comme aucun d’ailleurs selon moi, mais si Red Dead Redemption, qui a pléthores de défauts aussi, Breath of the Wild, God of War et comparses ont 10, je ne vois pas pourquoi celui-ci ne l’aurait pas. The Last of Us Part II est probablement le jeu qui traite le plus justement possible les émotions humaines et place encore la narration à un niveau au-dessus. Il est d’ores et déjà culte et va marquer le jeu vidéo pendant très longtemps. Bien plus que God of War par exemple ou qu’un Persona 5.
On parle ici d’un jeu qui transcende son genre et qui à l’instar des très grandes œuvres littéraires, cinématographiques, musicales, artistiques en somme, divise les foules et attise les passions, devenant même l’objet de tous les extrêmes et montrant aussi les tares de nos sociétés humaines et modernes. Rares sont les oeuvres qui réussissent cela et celles qui l’ont fait sont aujourd’hui cultes et respectées même par ceux ne partageant pas la vision de ou des artistes derrières.
Il s’en dégage une véritable vision et surtout un parti pris assumé de A à Z, ne tombant jamais dans des travers extrémistes d’ailleurs, et se faisant l’écho de qui nous sommes, nous les Hommes. Est-ce là la preuve ultime que le jeu vidéo est un art ? Probablement encore plus aujourd’hui, car selon moi, aucun autre jeu avant cette dilogie, car il faut voir l’ensemble de l’oeuvre pour la juger, n’a repoussé à ce point la limite qui sépare le jeu vidéo de l’art.
Alors 8 pour ça… Je ne suis pas d’accord. Je n’aurais d’ailleurs même pas mis de note. J’aurais juste dit, vivez cette expérience, et que vous aimiez ou pas, qu’elle vous touche ou pas, elle vous dira quelque chose d’intime… Si tant est que l’on soit assez intelligent pour ne pas s’arrêter et chouiner sur le climax du début. Puis cette fin parfaite, juste, posée, déchirante et si vraie…
Excellent test, bien plus nuancé que ce que j’ai pu voir partout et qui enfin, pose le véritable problème de cet opus. Le gameplay. Quant aux polémiques stériles sur la sexualité d’Ellie, comme tu le dis, on s’en fout au fond. Et son homosexualité était déjà énoncée dans Left Behind.
Je retiens que cet opus est une histoire joliment racontée, mais un jeu conventionnel, finalement, et c’est un peu dommage. Mais ça ne devrait pas m’empêcher d’apprécier l’aventure.