Vous avez certainement entendu parler des récentes annonces autour de la très attendue Nintendo Switch 2, et peut-être même des complications qui viennent déjà perturber son lancement. Aux États-Unis, les précommandes de la console connaissent un décalage inattendu, conséquence directe des politiques douanières mises en place par l’administration présidentielle actuelle. Ce contexte géopolitique, rarement associé au monde du jeu vidéo, démontre une fois de plus à quel point l’industrie est désormais pleinement insérée dans les enjeux économiques globaux.
Cependant, un autre marché souffre également des décisions économiques de Trump et sa bande : celui du jeu de société. Si cela peut sembler, à première vue, légèrement hors sujet, les répercussions pourraient bien aller au-delà du simple plateau de jeu et impacter indirectement le médium vidéoludique lui-même.
Les conséquences directes sont déjà palpables : les différents acteurs du marché commencent, doucement mais sûrement, à paniquer. Les signes avant-coureurs d’une crise sévère se multiplient — entre pertes d’emplois, abandons de projets en cours et fermetures définitives de certaines structures, l’onde de choc est bien réelle.
Contrairement à l’industrie du jeu vidéo, relativement plus numérisée et parfois mieux armée face aux soubresauts économiques, le monde du jeu de société repose sur des bases autrement plus fragiles. Les studios sont souvent composés de petites équipes — entre une et six personnes — et leur activité dépend directement de la production physique. Une large part des composants nécessaires (dés, plateaux, cartes, figurines, boîtes thermoformées…) est fabriquée en Asie, notamment en Chine, dans des usines aux équipements très spécifiques. Il n’existe tout simplement pas de plan B viable à court terme.
“The tariffs will erase 20% of my expected profits off this initial print run, making it much harder to get my next round of products developed” – Joshua M. Simon, fondateur de Broken Door Entertainement
Le marché américain risque de vaciller sévèrement sous le poids de ces décisions politiques — et vous pourriez à juste titre objecter qu’une bonne partie des gros jeux de société sont pensés, créés et même édités en Europe. Ce ne serait pas faux. Mais ce serait aussi un peu triste de s’en tenir à nos bons vieux jeux « bien de chez nous », aussi brillants soient-ils.
Ce serait surtout se méprendre lourdement sur l’influence réelle et croissante que le jeu de société exerce sur le jeu vidéo. Depuis plusieurs années, les frontières entre les deux disciplines s’estompent : mécaniques partagées, inspirations croisées, univers adaptés dans un sens comme dans l’autre, et même des studios hybrides qui travaillent sur les deux formats. Des titres comme Inscryption, Armello, Gloomhaven ou Sunderfolk n’auraient tout simplement jamais vu le jour sans cette synergie ludique.
Affaiblir un pan entier de la création, c’est risquer d’assécher une partie des idées qui irriguent aussi le jeu vidéo, surtout les plus inventifs, les plus audacieux. C’est un peu comme couper les racines en espérant que la cime continue de pousser toute seule.
Au-delà de la filiation historique, ce sont aujourd’hui les liens mécaniques et structurels qui lient profondément ces deux mondes. Systèmes de jeu rigoureusement établis, logique de règles explicites, construction de mondes cohérents : autant de points de convergence entre jeu de société et jeu vidéo. Un game designer qui travaille sur l’un pourrait sans peine esquisser un début de prototype pour l’autre tant les mécanismes de conception se rejoignent.
Le marché du jeu de société vacille, mais au delà encore de ce drame social qui vient balayer 20 ans de lente croissance économique dans le domaine, ce sont peut être même des maillons de la chaîne qui vont devoir plier bagage. C’est en tout cas une des solutions imaginées par certains éditeurs : se passer complètement du distributeur au profit de la vente directe. Une autre solution serait l’augmentation drastique des prix au risque de perdre quelques consommateurs en route.
Le jeu vidéo et le jeu de société ne sont pas des vases clos : ils se nourrissent l’un l’autre, s’inspirent, se challengent. L’un va mal ? L’autre finit tôt ou tard par en ressentir les effets. Il ne s’agit donc pas seulement de défendre des pions, des figurines ou des dés, mais bien de soutenir des individus qui forment une diversité créative dont nous sommes tous bénéficiaires, que l’on joue avec une manette ou autour d’une table.
Test Armello – Un jeu de dupes entre mammifères sur Nintendo Switch
Jaxom
Dreamhaven, l’histoire d’un nouvel éditeur et de ses gros sabots
Sreex
Scopely (Monopoly GO!) s’offre le catalogue gaming de Niantic, dont Pokémon GO
Tortuga76ers