La mise à jour 5.0 de Genshin Impact a récemment accueilli une nouvelle région : Natlan. Comme chaque année, la sortie d’une nouvelle région coïncide avec l’anniversaire du jeu. Cependant, plutôt qu’une période de festivité au sein de la communauté, Da Wei, président d’Hoyoverse, doit répondre aux critiques.
Ce cinquième anniversaire de Genshin Impact représente clairement un tournant, tant du côté des joueurs que du côté du studio, qui a largement conscience des discussions ayant lieu autour du jeu. Natlan cristallise un problème qui gangrène le studio depuis longtemps, et il n’est pas certain qu’Hoyoverse prenne les bonnes décisions. En effet, récemment, lors d’un événement à Shanghai, Da Wei, le président du studio, a du prendre la parole :
« Certains pensent que nos équipes sont arrogantes, que nous n’écoutons rien. Pourtant, […] nous sommes aussi des joueurs. Nous ressentons la même chose. […] Nous devions nous calmer pour pouvoir discerner la voix des vrais voyageurs [joueurs]. »
Da Wei voit donc deux types de critiques, un premier type, la critique justifiée, provenant de vrais joueurs, un second, la critique non-justifiée, qui proviendrait… de faux joueurs ? C’est un argument qui peut paraître bancal lorsqu’on voit les nombreux problèmes de Genshin Impact et la manière dont le studio évite constamment d’y répondre.
Une nouvelle fois, une réponse qui n’en est pas une, avec un argument d’autant plus douteux alors que la critique est aussi portée par les doubleurs du jeu.
« Si un jeu s’inspire autant des cultures du monde réel et fondé un de ses personnages sur la divinité suprême de la religion Yoruba, et que ce personnage ressemble à une version pâle de Sasuke ou Batman, les gens sont vraiment en droit d’exiger une meilleure représentation. » — Khoi Dao, doubleur d’Albedo dans Genshin Impact
C’est une non-réponse encore plus difficile à accepter, puisque Hoyoverse a déjà su faire preuve de finesse dans son travail de représentation culturelle avec le personnage Yun Jin qui met en valeur l’opéra de Pékin. Dans le cas de Natlan ou Sumeru (une région sortie en 2022, sensée être inspirée du Moyen-Orient), la blancheur des personnages rend difficile le même respect.
Pire encore, une partie de ces personnages tirent leur nom de figures historiques réelles provenant de la région d’inspiration, comme Alhaitham (Ibn Al-Haytham) ou Tighnari (Al-Tighnari). En plus du problème de whitewashing évident de ces personnes, les réelles figures historiques passent derrière les personnages de Genshin Impact sur les moteurs de recherches. Plutôt que de mettre ces grandes figures du monde arabe en valeur, Genshin Impact les rend invisible derrière un énième personnage fait pour émoustiller une audience féminine ou masculine.
À terme, un problème similaire risque d’émerger avec Natlan. Certains personnages, comme Olorun et Xilonen, tirent leur noms de divinités. Olorun est le dieu créateur dans le panthéon Yoruba, religion nigérienne, et Xilonen est la déesse aztèque de l’agriculture. Les personnages de Genshin Impact, vont forcément être plus intéressant pour les algorithmes de Google. Et si cela ne suffisait pas, les créateurs de contenu, avec leurs guides et leurs vidéos « faut-il invoquer sur la bannière de… » achèveront le travail.
À noter qu’il ne s’agit pas que d’un problème de couleur : là où certaines régions sont claires sur leurs inspirations, Natlan se prépare à mélanger les cultures d’Afrique et d’Amérique du Sud, qui risquent d’être compliqués à mélanger. Plus encore qu’un problème de couleur de peau, c’est le mélange des cultures qui risque de ne pas fonctionner.
Alors, en réalité, il faut tout de même reconnaître et saluer le travail des équipes artistiques d’Hoyoverse sur les régions en elles-mêmes : Sumeru met à l’honneur la musique, l’architecture de sa région d’emprunt, le scénario était également un point très positif du jeu à ce moment. Natlan semble suivre le même chemin : pour tout ce qu’il y a un problème avec les personnages, les éléments qui ont été montrés aux joueurs pour l’instant sont très encourageants et positifs.
Il faut surtout noter la performance musicale montrée lors du stream d’annonce de la région, où la part belle est faite aux instruments ethniques et aux musiciens qui pourrait être une belle réponse aux polémiques. Si la représentation au sein du jeu est importante, nous sommes d’avis qu’elle est encore plus importante derrière, du côté des personnes intervenant dans sa création.
Il faut aussi reconnaître que les problèmes de racisme et de colorisme, extrêmement présents chez Hoyoverse, sont également un problème présent dans de nombreux studios à travers le monde, et ne sont pas forcément le fait des équipes d’artistes.
D’anciens artistes responsables du design des personnages dans des studios américains affirmaient notamment qu’il « était nécessaire de prévoir un teint de peau toujours plus sombre que ce que l’on voulait vraiment. Les étapes de validations rendent la peau des personnages plus claires à mesure que l’on passait les étapes de validation ».
La réponse de Da Wei aux critiques, dans l’émotion, ne semble pas souligner une quelconque prise de conscience des enjeux liés aux personnages de Natlan, le studio choisissant, une nouvelle fois, de faire l’autruche. Si Hoyoverse a un rôle de fer de lance sur les jeux d’aventure mobile, ce discours larmoyant, qui ne répond à rien, est une nouvelle preuve de la déconnexion du studio avec son public international, mais ne dénote pas dans l’industrie, où le problème est endémique.
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