Mode phare de FIFA 21 et de la franchise depuis une décennie, FIFA Ultimate Team est en ce moment au centre d’une tempête juridique aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, et en Belgique. Un trio de pays bien décidé à démontrer devant la loi que les loot boxes (ici, les paquets de joueurs) s’apparentent à une mécanique de casino, sans pour autant en respecter les règles. Un sujet passionnant que l’on vous décrypte, histoire d’y voir plus clair !
FIFA 21 et le gambling, kézako ?
Une petite stat’, histoire de comprendre les enjeux de cette affaire pour Electronic Arts : 1,49 milliards de dollars ont été gagnés par le studio américain grâce au mode Ultimate Team de ses jeux de sport en 2020. Un montant qui est trois fois plus important que les ventes générées par l’ensemble des jeux de sports d’EA réunis (dont FIFA et Madden NFL) sur le même exercice fiscal. Un chiffre d’affaires sur les microtransactions qui a bondi de 40% par rapport à l’année 2019 pour FIFA, c’est dire la manne financière que représente la vente de packs de joueurs.
Un système de loot box marketé au pixel près par EA, et qui fonctionne grâce à une promesse simple : celle d’obtenir des joueurs de classe mondiale, capables à eux seuls de vous faire gagner une partie. Un must-have pour un jeu extrêmement compétitif basé sur un système de statistiques simples liées aux joueurs. Hélas, ladite promesse est rarement respectée par EA et la majorité du temps, le gamer lambda se retrouvera avec un pot de yaourt bon à mettre en vente directement.
Un constat qui, au-delà de fâcher, pose la première pierre de l’édifice de la contestation juridique menée aux Pays-Bas. En effet, nos amis bataves (et européens) considèrent que les loots boxes de FIFA 21 s’apparentent au phénomène de gambling (pari) propre aux casinos et autres jeux de hasard. Une dénomination qui se justifie autour de deux axes :
- Le Taux de Redistribution
Pierre angulaire du droit dans le secteur du jeu de hasard, le Taux de Redistribution correspond grosso modo à l’argent que le casino promet de faire gagner en rapport aux gains amassés. Je m’explique : pour 100€ récupérés par le casino sur une année « X », entre 55% et 98,5% selon les machines seront gagnés par des joueurs au cours de la même année (pas forcément les mêmes joueurs, bien entendu).
Et évidemment, si l’on part du principe que FUT s’apparente à un jeu d’argent, ce dernier se trouve bien en-deçà du Taux de Redistribution légal, via un taux de drop de joueurs considérés « gagnants » (note à 84 minimum) arrêté à 4,2%.
- La mécanique de gain, phénomène d’addiction
Deuxième point propre aux jeux de hasard, l’emballage. Tel une véritable machine à sous, FIFA 21 sait installer le suspense à chaque tirage. Une mise en scène soignée qui est reconnue par les professionnels du secteur et spécialistes de la santé comme étant génératrice d’addiction. Les lumières, les artifices, la lenteur lors de la découverte du joueur contribuent à créer un phénomène d’attente auprès du consommateur, vite dépendant. Ainsi, les joueurs se trouvent face à une carotte qui se fait toujours plus grosse, se drapant d’une accessibilité qui n’est au final qu’illusion. Un levier classique et typique des jeux d’argent.
(ci-dessous un exemple criant de la mécanique d’ouverture, blindée de lumières et de sons mettant en place le suspense)
Combinée à la numérisation des paiements, c’est en fait un véritable piège qui se referme sur bon nombre d’utilisateurs. Bien entendu, tout est calculé encore une fois par Electronic Arts, qui cible ses utilisateurs en leur apposant la dénomination de « gros poissons », capables de dépenser plusieurs centaines (voire milliers) d’euros par mois. Un fait qui a servi de cas de conscience auprès de l’affaire qui a eu lieu aux Pays-Bas.
EA et le borderline, un passé commun
À l’heure où nous écrivons ces lignes, Electronic Arts a été condamné à 500 000€ par semaine, jusqu’à ce qu’il retire FUT, ou ses mécaniques de jeu de hasard. Un final qui fait écho à de nombreuses situations pour lesquelles le studio américain a réussi (ou non) à passer entre les mailles du filet. Comme l’affaire Pelé en 2014, où EA annonçait avoir placé trois versions du meilleur joueur de l’histoire dans ses fameux packs… Jusqu’à ce qu’on les voie apparaître dans le marché des transferts, avec pour propriétaire le même joueur, qui se trouvait être par hasard un employé d’EA.
Un peu plus proche de nous dans le temps, le studio américain a été épinglé pour son système de loot box transformant son jeu Star Wars: Battlefront en véritable pay-to-win (mécanique retirée depuis). Pire encore, EA s’est payé le luxe de publier des publicités incitant à l’achat de crédits FUT dans des magazines pour enfants. Un premier pas d’ivrogne pour l’entreprise qui a récemment essayé d’implanter des publicités à l’intérieur de ses propres jeux.
Fort heureusement pour l’humanité, de tels comportements ne sont pas restés impunis, notamment en Belgique, pionnière en la matière. En effet, le Plat Pays a déjà réussi à faire plier le mastodonte des jeux mobiles qu’est Dokkan Battle, en limitant ses micro-transactions qui sont pourtant la base des jeux gratuits sur ce support. C’est donc tout naturellement que FIFA a vu ses loot boxes interdites au sein du pays bruxellois.
En France, où allons-nous avec FIFA 21 ?
Si pour l’instant le problème n’a pas encore été juridiquement sanctionné chez nous, certains acteurs agissent en coulisses pour protéger les joueurs français. Karim Morand-Lahouazi, un avocat, a récemment pris le sujet à bras le corps en s’aidant des très nombreuses déclarations reçues de tout l’hexagone pour tenter de réguler ce véritable problème qu’est le gambling vidéoludique.
« On a pris le sport le plus joué au monde, on l’a mis dans une console, et on y applique les règles du casino en ligne. Et on donne ça à des mineurs, sans aucune régulation sur le sujet. »
Associé à son confrère Victor Zagury, Karim Morand-Lahouazi souhaite donc porter EA devant la justice pour « loteries prohibées » et « tenue de jeux de hasard ». Il ne fait donc nul doute que les cas internationaux puissent faire école auprès de tribunaux déjà sensibles à ce genre de pratiques borderlines.
Que cela soit via une interdiction de la loot box, ou plus modérément via une régulation de ce système aux travers prouvés et dangereux, la poule aux œufs d’or d’EA risque fortement de voir son système économique remis en question. Une petite victoire pour les joueurs, qui fera peut-être des petits auprès des autres pay-to-win.
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