Avant Elden Ring, je n’avais jamais mis les mains sur un jeu FromSoftware de l’ère moderne. Je savais que ce type de jeu n’était pas pour moi, même si je fais confiance aux amateurs quant à la qualité du game design, de la narration impressionniste, ou de tout ce qu’on dit en général en bien de ces jeux qu’on désigne désormais sous l’appellation Soulsborne.
Non pas que je sois complètement rebuté par la notion de difficulté, même si le challenge pur n’est pas ce qui m’attire en premier dans un jeu vidéo. Je me suis beaucoup amusé sur des titres comme Super Meat Boy ou Cuphead, certes complètement différents, mais qui ont eux aussi la réputation d’être exigeants. Cette exigence-là, celle des Souls-like, me laissait à penser que je n’avais pas le temps nécessaire à lui accorder.
Puis est arrivé Elden Ring et son concert ininterrompu de louanges. Un peu lointaines au moment de la bêta, et qui se sont faites plus assourdissantes à la sortie du jeu. Le titre était partout, il l’est encore, son excellent score Metacritic partagé comme la Bonne Parole. Parmi les arguments, on entendait que c’était simplement l’un des tout meilleurs jeux jamais édité (rien que ça !), mais aussi que par la grâce du monde ouvert, il s’était doté d’une certaine accessibilité aux joueurs qui n’avaient pas su venir à bout des jeux précédents.
C’est ainsi que je me suis laissé convaincre de visiter en touriste l’Entre-Terre, presque sur un coup de tête. Et si Elden Ring concourt déjà au titre de GOTY, moi l’installant sur mon PC était probablement l’une de mes WITY (pour Worst Idea of The Year – Pire idée de l’année). J’en sors en effet triste, et frustré.
D’abord parce que j’ai quand même dépensé plusieurs dizaines d’euros pour un jeu auquel, après ces deux petites premières heures, je ne jouerai sans doute plus. Ça fait mal.
Mais aussi et surtout parce que j’ai l’impression de passer à côté de quelque chose. De rater le moment. Un des tous meilleurs jeux jamais édité, « il y aura un avant et un après Elden Ring », dit la critique. Benoit « ExServ » Reinier, YouTubeur spécialiste des jeux FromSoftware disait même que suite à la sortie du jeu, « chez Bethesda, quand ils bossent sur Skyrim 2 ou Starfield, ça va transpirer sec »¹ tant Elden Ring place la barre haut. Évidemment, je ne voulais pas rater ça… Et pourtant…
Courage, fuyons
Dès le début, je me rends compte que mon rapport au jeu sera conflictuel. A la 4ème minute de jeu, une méga-araignée mutante probablement dotée de pouces préhenseurs (elle porte un bouclier) m’élimine d’une grosse pichenette. Je connais la réputation des jeux FromSoftware, je ne suis pas surpris. Mais si tôt, si vite ? J’hésite : est-ce une mort inévitable et scénarisée, travestie en séquence de gameplay, ou déjà un premier échec de ma part ? J’aurai cette difficulté à lire le jeu pendant tout le reste de ma (courte) expérience.
La chose se reproduit dès le début de l’aventure, après le (très bon) tutoriel, qui aura eu le tort de me redonner un peu confiance. Une sentinelle rode sous la forme d’un énorme cavalier en armure dorée, sorte de Raoh, le boss de fin de Hokuto no Ken. Encore une fois, la réputation du jeu me laisse à penser que je vais devoir souffrir et l’affronter. Ce que je fais. Mais au bout d’un moment, voyant que les multiples tentatives ne me faisaient pas progresser d’un millimètre, je décide de profiter de l’open world et de le contourner. Était-ce la bonne décision ? Certes, je vais pouvoir découvrir un morceau de carte supplémentaire, mais l’expérience à gagner dans ce combat infernal n’est-elle pas nécessaire à la progression ? Et puis, à nouveau, était-ce moi qui était trop mauvais pour me défaire de cet ennemi, ou étais-je censé l’esquiver pour y revenir plus tard, une fois que mon personnage aura progressé ?
Après une balade en forêt assez tranquille, je trouve un camp peuplé de soldats qui ne me semble pas inaccessible (même si je meurs de nombreuses fois), mais surtout, un portail derrière lequel se trouve une sorte de king-kong zombie très en colère, marquant (déjà) définitivement la fin de ma courte exploration. Ne voyant pas d’issue autre qu’une nouvelle fuite en avant, je lâche la manette et décide d’aller voir sur YouTube comment s’en sortent d’autres joueurs.
Vu à la télé
ExServ a justement réalisé une vidéo donnant des conseils aux joueurs débutants. Exactement ce qu’il me faut. Et là, je découvre qu’il se balade d’un point à l’autre de la carte pour récupérer des objets cachés un peu partout permettant d’augmenter rapidement le niveau de notre personnage, de façon à aborder plus « confortablement » le début du jeu. Il esquive la plupart des affrontements, mais surtout, connait la carte sur le bout des doigts. Et plutôt que de m’aider à progresser, cette vidéo m’a définitivement convaincu que je ne retournerai pas dans l’Entre-Terre.
En effet, je ne vois pas comment, à mon niveau, j’aurai pu découvrir la moitié de ces petits secrets. Le temps exigé pour fouiller cette portion de la carte, comprendre quels ennemis affronter et lesquels à laisser de côté au début, au prix de multiples morts et des efforts pour récupérer l’expérience abandonnée à chaque décès, me semble démentiel. Et on parle là de simplement démarrer le jeu. Alors c’est surement pour ça qu’un joueur expérimenté comme ExServ produit une vidéo telle que celle décrite ci-dessus. Et Elden Ring arrive dans un contexte, en 2022, alors qu’on ne peut pas ignorer que nous avons internet, les streamers, etc… Mais peut-on vraiment considérer comme un élément de game design le fait d’aller voir des « let’s play » ou autre soluces sur internet ?
Au final, l’open world qui devait être un ingrédient d’intégration de nouveaux joueurs me semble rendre le jeu illisible. Un néophyte comme moi aura des difficultés à comprendre les zones qui lui sont accessibles à tel ou tel niveau de son personnage. Bien sûr, on peut toujours tenter, essayer, et décider ensuite. Mais la difficulté importante du jeu et des affrontements, signature des jeux FromSoft, rendent cette exploration infiniment plus chronophage que n’importe quel titre. Parce que le jeu est dur, et parce que cette difficulté est connue et acceptée de tous, il est compliqué de comprendre si un ennemi peut être battu à un instant t, ou s’il vaut mieux le contourner à ce même instant. On ne s’en rendra vraiment compte qu’au prix de multiples combats perdus, et autant de temps, là aussi, perdu.
Certes, les repères qui remplissent une carte à la Ubisoft sont surement archaïques. Mais les éliminer sans rien proposer en échange ne me semble pas l’idée la plus lumineuse de la décennie, surtout sur une map aussi gigantesque. Peut-être un joueur qui connait déjà la formule aura des repères que je n’ai pas. Mais alors, je suis d’emblée exclu du jeu ? Ainsi, c’est un titre qui serait « interdit » à des joueurs, qui, comme moi, découvrent les Soulsborne avec Elden Ring, à moins qu’il ne présente carrément, et c’est ce que je ressens, des soucis de level design ?
L’univers d’Elden Ring est, à n’en pas douter, grandiose, et on s’en rend compte dès les premières secondes de prise en main, avec cet horizon cauchemardesque. Mais ses choix de gameplay et de level design le rendent passablement inaccessible. Pas tant en termes de difficulté : buter sur un boss, optimiser son personnage et l’équipement, étudier les patterns, et en venir à bout, petit à petit, c’est un schéma vieux comme le jeu vidéo (après tout, ne vient on pas de décrire exactement les MegaMan ?!). Non, le problème avec Elden Ring, c’est sa lisibilité, et ses exigences chronophages. Nous serons nombreux à n’avoir simplement pas le temps de tâter le terrain, d’expérimenter, et d’essayer de déchiffrer ce que le jeu attend de nous. Et je vois personnellement comme un gros problème de game design de devoir en passer par YouTube pour comprendre le jeu et progresser…
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