Le jeu vidéo va droit dans le mur. C’est sur cette phrase quelque peu pessimiste que se conclurait notre réflexion sur le marché vidéoludique. On pourrait se dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Chaque mois propose son lot de divertissement de qualité et, même si on le voulait, nous n’aurions pas assez d’une vie pour profiter de tous les excellents univers créés par les studios. Mais paradoxalement, il est bien là le problème. On se demande déjà comment les studios indépendants peuvent survivre sur un marché aussi concurrentiel, ou un phénomène en remplace un autre parfois quelques heures après seulement, mais la question se pose aussi de plus en plus sérieusement pour les structures les plus importantes.
19 000 ! C’est là le nombre de jeux sortis sur Steam en 2024, soit plus de 4 000 de plus qu’en 2023. Une tendance à la production qui s’accélère donc de plus en plus fortement avec, fatalement, un pourcentage extrêmement faible de productions sortant du lot. Pire encore, sur ces milliers de jeux, on retrouve des copies de copies ou des éléments à la qualité douteuse, juste là pour tenter de croquer une part d’un goûteux gâteau. Ça ne vous rappelle rien ?
En 1983, le jeu vidéo a connu la plus grande crise de sa jeune histoire. Alors en plein expansion, le marché vidéoludique, porté par les succès de Pong, Pacman ou Space Invaders par exemple, attise les convoitises d’entreprises cherchant à gagner rapidement et facilement de l’argent et se mettent ainsi à inonder le marché de centaines de jeux plus indigents les uns que les autres. Ce fut l’une de causes majeures du krach du jeu vidéo, symbolisée par la légende (urbaine d’abord, avant d’être vérifiée) de milliers de cartouches de jeu E.T. invendues enterrées dans le désert du Nevada.
Aujourd’hui, le média a beau avoir gagné en maturité, il reproduit pourtant les mêmes erreurs et le marché est aujourd’hui saturé par ces dizaines voire centaines de titres sortant chaque jour. La production de jeu vidéo est devenue tellement accessible que n’importe qui peut aujourd’hui mettre à disposition sur Steam (notamment) sa création, pour le meilleur comme pour le pire. Mais cette profusion de jeux ne peut à elle seule conduire à un nouveau krach du jeu vidéo, et le resserrement des joueurs autour de quelques productions couplé à des coûts de productions de titres ambitieux de plus en plus astronomiques creusent petit à petit la tombe du jeu vidéo tel qu’on le connait.
On en voit déjà depuis des années les stigmates. Si les raisons sont évidemment multiples, on ne peut nier le fait que la destruction de dizaines de milliers d’emploi dans l’industrie trouve aussi dans ses origines cette profusion du nombre de sortie et l’agglomération des joueurs autour de quelques licences (Fortnite, Call of Duty, GTA…). Difficile dans ses conditions de parvenir à rentabiliser des développements ayant couté des dizaines voire centaines de millions de dollars. La variable d’ajustement la plus simple devient, pour les financiers avides de rentabilité, l’humain. Ainsi, sous cet angle, on comprend pourquoi ces éditeurs ne cessent de vanter les possibilités de l’Intelligence Artificielle générative.
Ainsi, nous semblons être entré dans un cercle vicieux. Aucune statistique n’existe, et pour cause, mais seriez vous surpris d’apprendre que sur les 19 000 jeux sortis sur Steam l’an dernier, la moitié, ou même ne serait-ce qu’un tiers, aurait été créé pour majeure partie par l’IA générative ? Alors, évidemment, utilisée avec mesure, l’outil est formidable, mais la trajectoire actuelle doit nous appeler à la prudence. Et puis, ne dit-on pas qu’un secteur qui supprime des emplois est un secteur en déclin ?
Nous l’avons dit en introduction, nous ne sommes pas très optimistes quant à l’avenir vers lequel semble tendre le jeu vidéo. la place de l’humain dans sa création, la profusion indécente de ses parutions, la place de plus en plus importante accordée à l’intelligence artificielle, le jeu vidéo semble, malgré ses chiffres ronflants de ses cadors, malade et doit se réinventer en profondeur au lieu de poursuivre sa fuite en avant dans une direction qui le conduira vraisemblablement vers un nouveau mur.
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