Les classifications vidéoludiques ont toujours été un terrain glissant : notre cerveau adore mettre les choses en ordre, tandis que l’art, lui, cherche sans cesse à s’échapper des cadres. Un genre traverse souvent les époques en se transformant. Il débute généralement par une référence directe grâce au fameux suffixe «-like» accolé à un jeu emblématique, avant de bifurquer. Soit il finit par acquérir une dénomination propre, soit il s’agrège à un autre genre pour donner naissance à des appellations hybrides, parfois un peu bancales…
Mais aujourd’hui, nous nous intéressons à un genre qui semble déjà en perte de vitesse, avant même d’avoir eu le temps de tracer son propre chemin. Né dans l’élan fulgurant du succès de Vampire Survivors, il s’est vu propulsé sur le devant de la scène, avant de se retrouver laissé pour compte, attaché à un arbre pendant que les joueurs filent sur l’autoroute des vacances. Aujourd’hui, nous parlons des Vampire Survivors-like (que nous abrègerons Survivors).
Développé par Brandon Hesslau, Desktop Survivors 98 s’inscrit dans la lignée des Survivors, sauf qu’ici, c’est le curseur de votre souris que vous incarnez. Le jeu mise pleinement sur une esthétique rétro-nostalgique, et son trailer enchaîne les clins d’œil qui peuvent faire lever un petit rictus. De l’irritant petit Clippy à l’incontournable Lo-fi girl, le titre nous promet un terrain de jeu utilisant les icônes numériques des décennies passées.
Passé l’effet d’annonce d’un petit jeu qui semble tout à fait sympathique, une question nous vient : où est passé le genre ?
Les Survivors, qui avaient enflammé les étals numériques pendant plusieurs mois, semblent avoir disparu aussi vite qu’ils sont apparus. Plusieurs raisons peuvent expliquer un tel phénomène, à commencer par l’incapacité du genre à se définir clairement. S’agit-il d’un roguelike ? D’un bullet hell ? D’un shoot’em up ? Un peu tout cela à la fois, sans jamais vraiment trancher.
Ce flou identitaire a peut-être freiné sa capacité à évoluer de manière cohérente, difficile de savoir se démarquer quand on ne sait pas vraiment ce qu’on est. Évidemment, la saturation du marché n’a pas aidé. Le gameplay des Survivors est relativement simple à développer, ce qui en fait une porte d’entrée idéale pour les aspirants créateurs. À la suite du succès fulgurant de Vampire Survivors, une véritable ruée s’est déclenchée : chacun voulait sa part du gâteau.
Les titres les plus visibles comme Soulstone Survivors, Brotato ou 20 Minutes Till Dawn ont émergé, suivis de projets plus hybrides mêlant mécanique de Survivors et ADN de hack ‘n slash, à l’image de Death Must Die ou Hall of Torment, dont l’inspiration Diablo II saute immédiatement aux yeux. Chacun veut associer les Survivors à un genre propre.
Même les studios un peu plus gros ont voulu leur part du phénomène. Deep Rock Galactic: Survivors s’est imposé comme l’un des dérivés les plus attendus, TemTem a suivi avec son propre spin-off intitulé Swarm, et même League of Legends s’est essayé à l’exercice avec un mode temporaire reprenant les codes du genre. Un signe clair que les Survivors avaient bel et bien franchi la barrière de la tendance pour devenir, un temps, un standard à suivre.
Seulement voilà : les Survivors misent sur la rejouabilité, s’ancrent dans une boucle de progression engageante et demandent un certain investissement en temps (il est rare d’en faire le tour en moins de cinq heures). Pourtant, ils se déclinent aujourd’hui en une myriade de titres, parfois à peine différenciables. Cette profusion entraîne inévitablement l’indigestion.
Cette indigestion est d’autant plus renforcée par la formule désormais classique de l’early access. Si vous aviez misé sur Soulstone Survivors en novembre 2022, sachez que ce n’est qu’en juin 2025 que le jeu passera en version 1.0… Et ce cas n’est pas isolé : la majorité des titres du genre adoptent ce modèle, parfois au détriment de la dynamique initiale. Même An Ankou, développé par nos talentueux français d’Alkemi, n’échappe pas à cette temporalité étirée.
Desktop Survivors 98 ne changera probablement pas la donne à lui seul. Des dizaines de titres se proposent en démo sur Steam, le genre semble aujourd’hui englué dans ses propres mécaniques, et seule une prise de risque franche pourrait lui offrir un nouveau souffle. Les idées ne manquent pourtant pas, mais elles sont souvent noyées sous une avalanche de clones. Peut-être qu’en creusant du côté d’Itch.io, on pourrait dénicher les premiers jalons d’un renouveau tant espéré…
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