Quel est le point commun entre Unpacking, Potion Craft, et le très prochain Tales of the Shire ? Pas grand-chose à première vue. Et pourtant, ces trois jeux pourraient tous être cités en bon exemple de cosy games.
Une étiquette toute douce et pleine de promesses : pas de stress, pas de violence, et une ambiance mignonne qui invite à la détente avec des musiques apaisantes. Mais à force de voir ce terme partout, une question finit forcément par émerger : qu’est-ce qu’on met vraiment derrière cette appellation ?
Le « cosy game » ne commence-t-il pas à ressembler à une formule toute faite, avec les mêmes mécaniques, les mêmes univers ? Est-ce qu’on est encore dans une intention sincère, ou le réconfort devient-il un énième produit formaté pour répondre à un besoin de douceur et de contrôle post-2020 ?
Le cosy game, un « genre » qui vous veut du bien
Pour les lecteurs qui ne maîtriseraient pas la langue de Shakespeare, commençons par une rapide traduction du mot « cosy » : on parle ici de quelque chose de réconfortant, relaxant et tout doux, comme un cocon dans lequel on pourrait se glisser pour oublier tous ses problèmes. Un cosy game, c’est donc un jeu qui arrive a recréer cette sensation de douceur une fois la manette en main.
Les cosy games ont explosé pendant la pandémie de COVID-19. Alors que tout le monde était confiné chez soi, que l’atmosphère globale était pour le moins anxiogène et que l’actualité semblait toujours plus morose, Animal Crossing: New Horizons sortait sur Nintendo Switch. Le timing parfait qui assurait un succès garanti à ce jeu où on pouvait s’évader sur une île paradisiaque, devenir ami avec des animaux adorables et écouter les concerts de Kéké Laglisse le samedi soir.
Si de tels jeux n’ont pas attendu 2020 pour émerger (après tout, la licence Animal Crossing existe depuis la Gamecube !), c’est bien à partir de cette époque qu’on a vu un véritable raz-de-marée de mignonnerie déferler dans nos salons. Sur Steam, on dénombre pas moins de mille quatre cent jeux dans la catégorie « réconfortant », souvent associée à « casual ».
Un joyeux bazar où se rencontre une multitude de genres. Le cosy game serait donc plus une ambiance, une sensation, une intention, qu’un genre à part entière ; une étiquette aussi fourre-tout que « jeu indépendant » ou « triple A », avec certes des codes incontournables, mais où se croisent des titres bien différents.
La recette cosy game de plus en plus prévisible ?
On pourrait alors se dire qu’en tant que catégorie aussi vaste, les cosy games pourraient nous offrir des expériences ultra diversifiées au travers de ces milliers de titres. Et c’est en partie vrai. Comme mentionné plus haut, Potion Craft coche toutes les cases du jeu réconfortant en nous mettant dans la peau d’un alchimiste qui prépare des décoctions pour ses clients, dans une atmosphère apaisante et sans violence.
D’un autre côté, on peut citer certains jeux d’aventure ou narratifs en solo comme Caravan Sandwitch ou Dordogne, avec leurs messages bienveillants autant envers les joueurs que leurs personnages. Tous ces titres n’ont pas grand chose à voir les uns avec les autres, et pourtant, ils dégagent cette même ambiance réconfortante qui invite à prendre son temps.
Le modèle Stardew Valley, encore et encore
Toutefois, quand on parle de cosy games, il y a un genre auquel on pense immédiatement tant il est surreprésenté. Imaginez un jeu où vous arrivez dans une maison vide avec un terrain en friche, dans une petite communauté rurale soudée. Votre personnage pourra développer ses cultures au fil des saisons, explorer le village et se rapprocher de ses habitants, jardiner, partir à la pèche, débloquer des améliorations pour sa ferme ou des décorations pour son intérieur. Stardew Valley et Story of Seasons, évidemment, mais aussi des dizaines d’autres jeux qui reprennent cette formule jusqu’à l’overdose.
L’une des seules innovations qu’on peut observer, c’est de transporter ce gameplay dans un autre univers. Magie, fées, japon rural, vampires, ou même cowboys, comme s’il suffisait de mettre un skin différent sur le même jeu pour toucher la niche qui ne serait pas encore tombée sous le charme de la simulation de vie. Même le futur Tales of the Shire, très attendu par l’autrice de ces lignes, semble être victime du même écueil et sera sans doute un Stardew Valley-like avec des hobbits.
Des jeux innovants tout de suite imités
Autre genre particulièrement apprécié dans le cosy game, la simulation de rangement et d’aménagement. Unpacking en est l’exemple parfait, et le titre avait séduit par sa narration originale uniquement à travers les objets déballés au cours de la vie du personnage. Avant lui, House Flipper permettait lui aussi de nettoyer, ranger et décorer pour se relaxer. On pense aussi évidemment au mode construction des Sims.
Depuis leur succès, les jeux dans ce style semblent se multiplier, et eux aussi tentent d’avoir leur petite particularité pour se différencier des autres. A Little To The Left avec son côté puzzle, mais aussi Camper Van: Make it a Home, Unbox the Room, ou le futur Hozy… Toutes ces propositions semblent faites du même bois.
Des jeux réconfortants comme reflet de notre époque
Après avoir dit tout ça, quelles conclusions en tirer ? Certains schémas semblent si répétitifs qu’on ne peut s’empêcher d’être un brin cynique et de se dire que quelques jeux ne sortent que pour voguer sur le succès des grands noms du genre.
Ne nous y trompons pas, les fans de cosy games sont bel et bien une niche marketing comme une autre. Car en plus des jeux à acheter, le cosy gaming s’accompagne de toute une panoplie pour rendre ses sessions encore plus réconfortantes : setup aux couleurs pastels et aux lumières tamisées, bibelots mignons sur le bureau, claviers roses et casques à oreilles de chats, la cible est toute trouvée.
Les fans de cosy games sont d’ailleurs un public majoritairement féminin. On comprend alors pourquoi ce genre est souvent l’objet de mépris. Peu d’enjeux et pas de game over, une invitation à prendre son temps, des graphismes mignons : les « jeux pour filles » ne seraient alors pas de vrais jeux, comme s’il n’y avait aucune intention, aucune équipe de développement qui produit un travail, aucun gameplay. Critique-t-on avec la même ferveur les énièmes Souls-like ou hero shooters présentés chaque saison, dont on pourrait aussi dire qu’ils se ressemblent tous ? Pas sûre…
Enfin, leur omniprésence ne dirait-elle pas quelque chose de notre société depuis l’explosion du genre en 2020 ? Entre les guerres, les crises économiques et sanitaires, le capitalisme effréné, on a bien besoin de se plonger dans un univers mignon et sans problèmes comme on s’enroulerait dans une couverture réconfortante.
À défaut de pouvoir mener une existence simple et douce dans le monde réel, de pouvoir déballer ses propres cartons dans une grande maison achetée, de pouvoir s’intégrer dans une communauté où on ne sera pas jugé pour ses différences, de pouvoir vivre de son artisanat paisiblement, les cosy games nous proposent au moins de le faire virtuellement.
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