Cela n’aura échappé à personne : depuis quelques années, se lancer dans une collection de jeux vidéo relève de la gageure ! Oui, empiler, ramasser ou encore… sortir le porte-monnaie impose inexorablement des choix et des restrictions. Alors que les Pixel Days viennent de fermer leurs portes, le constat est implacable. En dépit de cet « esprit gamer » qui submerge les lieux et d’une organisation prodigieuse, la flambée incontrôlable des prix continue de sévir, au grand dam des bourses les plus modestes. Et en étant un peu ombrageux, il y a de quoi se poser un cas de conscience. Sans entrer dans une vaine croisade, bien évidemment, force est de constater que les visions diffèrent, surtout pour le retrogaming.
Ainsi on peut penser, à tort ou à raison, qu’une pièce rare ne sert qu’à être érigée en tant que trophée ayant nécessité bon nombre de « sacrifices » et un laps de temps de recherche non négligeable. Elle est alors affichée, partagée et commentée sur les réseaux sociaux, entraînant diverses félicitations ou autres encouragements. Soit. Certes, il serait bien chauvin de notre part de condamner ces instants virtuels de convivialité entre passionnés, synonymes de la bienveillance inhérente à notre média favori, renforçant un instinct grégaire multi-générationnel. Cependant, il convient de s’interroger : et les autres alors ? Comment cet étalage peut-il s’extirper de l’élitisme, fut-elle inconsciente ou involontaire, impliquant un distinguo malaisant entre celui qui possède et celui qui ne possède pas ? Doit-on en conclure qu’il existe une « caste » de joueurs ? Les mots sont forts ; néanmoins, ce mode de fonctionnement l’est tout autant.
Bien entendu, l’adage « tout ce qui est rare est cher » fait foi. Ce credo est immuable tout d’abord chez les éditeurs ou les exposants qui parviennent à vendre des éditions collector afin d’attirer l’acheteur dans leurs propres filets. Sauf que celles-ci se retrouvent refourguées à des taux infâmes par des revendeurs peu scrupuleux à l’affût des bons coups pour violer les lois de la transaction. Cette tendance à surévaluer un produit ou à abuser de son contexte pour apprivoiser les friands de curiosités fait des ravages malgré, on ne peut le nier, le consentement du client.
À titre d’exemple de spéculation houleuse, Rules of Rose est un véritable cas d’école ! Si le titre peut être brandi comme l’un des fers de lance de la collection d’un fullsetteur de la PS2, nul doute que rien ne justifie ce tarif exponentiel affiché par les fripons fripiers du gaming (souvent entre 300 et 1000 euros), d’autant plus qu’au-delà de son ambiance, le jeu est tout bonnement bancal en raison d’un gameplay absolument atroce. Sans parler de la qualité intrinsèque de la production, celle-ci dispose d’une aura liée à la polémique engendrée, et ce dès sa sortie. Totalement factice, la controverse autour de ce survival-horror a alerté les autorités publiques de plusieurs pays, menant à des interdictions qui ont entraîné des ruptures de stock, la diffusion étant soit stoppée net, soit victime d’échos mensongers. Il n’en fallait pas plus pour certains opportunistes ! Il fallait donc s’accaparer le marché et surfer sur le bad buzz pour faire voler en éclats la logique rationnelle de ce dernier. De fait, il serait abject d’incriminer uniquement les créateurs et les distributeurs afin d’en tirer une généralité.
Scred Collection
Et encore ! Ce n’est qu’une illustration parmi tant d’autres. Comment expliquer également la valeur excessive d’essais récents ? Ah ! On nous rappelle dans l’oreillette que la sous-traitance nauséabonde des tirages limités en est la cause. Dès lors, ne serait-ce pas à nous de réajuster notre consommation avant que tout explose ? Ne serait-il pas plus vertueux d’essayer de refondre le paradigme en réclamant encore et toujours les rééditions à grande échelle de perles peu courantes ? Ce serait éventuellement la réponse au « prêt-à-jouer » imposé par le dématérialisé grâce à un retour aux sources permettant d’apprécier à nouveau la douce sensation de l’ouverture d’un boîtier, voire même, soyons dingues, d’endiguer le phénomène des remasters à outrance ! Ne nous égarons point, le chemin est encore si long…
De toute façon, notre vision chimérique de la collection est confrontée à la pénurie des anciennes machines, dont certaines sont de surcroît sans intérêt (même à leur époque), qui s’écoulent selon les règles de barèmes outranciers. Assurément, le fait de ne plus être en production depuis des lustres engendre une carence virant dangereusement vers l’extinction. C’est alors que les musées du jv, dont on attend encore une authentique émergence en France, ou la restauration de matériel prennent tout leur sens, s’imposant comme les derniers remparts indispensables pour la préservation du patrimoine vidéoludique. D’accord, cela pourrait être perçu comme une restriction pour les joueurs, mais il leur appartiendrait de participer à la démarche afin de s’émanciper de l’isolement et de s’impliquer « pour la cause ».
Le raisonnement est, nous en sommes conscients, idyllique et sujet à débat. D’autant plus qu’il est en substance en suspens, car nous sommes loin d’un revirement de la sorte, une poignée des gardiens du temple ayant choisi la migration vers la vocation de commerçants filous. Point de collection collective, alors ? La transmission est pour nous, auteurs de ce gentil pamphlet, le rôle des anciens. Toutefois, le droit de posséder est parfaitement légitime aussi…
Oui ! La réciproque peut faire foi : la recherche, au-delà de la trouvaille, possède cette facette grisante pour le gamer avide d’articles de collection toujours plus nombreux. Une sorte de quête qui anime le milieu et fait office de divertissement au centre des attentions. Une autre manière de fédérer et de contourner la surenchère tout en maintenant l’espoir de dénicher aujourd’hui ce qu’on pensait inatteignable hier. D’ailleurs, combien d’émissions « vide grenier » fleurissent sur le net ? Non pour l’intérêt de regarder le bilan des courses, mais pour découvrir qu’il est possible de trouver le diamant au milieu de cailloux.
Alors, cercle vertueux ou non ? Tout dépend de votre approche et des moyens que vous mettrez dans votre passion, de vos envies (on joue ou on laisse sur l’étagère ?) et, plus globalement, de votre désir de communiquer. Il paraît complexe de répondre avec certitude ; pire, en abordant ce sujet, d’autres interrogations nous taraudent. En omettant toute considération matérialiste, la vraie collection n’est-elle pas celle de nos souvenirs ?
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