« It’s bad, folks. It’s really bad. » – Video Game History Foundation, sur gamehistory.org
87% des jeux vidéo ayant été édités sont aujourd’hui indisponibles. C’est le constat affolant tiré d’une étude conjointe de la Video Game History Foundation et du Software Preservation Network, deux structures américaines qui œuvrent pour l’histoire et la conservation du jeu vidéo. Le débat revient régulièrement sur la table, à l’occasion d’une édition uniquement dématérialisée, ou de la fermeture d’un store en ligne. L’étude, intitulée « Survey of the Video Game Reissue Market in the United States » (Étude sur le marché de la réédition des jeux vidéo aux États-Unis), vient mettre une méthodologie scientifique et des chiffres sur nos craintes. Et, hélas, les confirment.
L’étude se base sur les jeux dits « classiques », soit les titres sortis avant 2010. Ce sont ainsi 298 792 jeux qui ont été publiés sur 305 plateformes différentes (dont 88 consoles, 38 systèmes portables et 119 ordinateurs). Pour réaliser le comptage de la part des jeux disponibles, des méthodes d’échantillons classiques des études statistiques ont été retenues, se concentrant sur trois catégories.
Un écosystème « abandonné », et ne pesant plus grand-chose commercialement (c’est le C64 qui a été choisi pour cette partie) ; un écosystème « négligé », mais qui comporte encore un intérêt économique (c’est la famille Game Boy – classique, Color, Advanced) qui illustre cette catégorie ; et un écosystème « en activité » (c’est la PlayStation 2 qui sera étudiée pour cette catégorie), un nombre important (comparé aux catégories précédentes) de jeux PS2 étant encore distribués, que ce soit sur Steam, sur le PS Store ou via le PS Plus, voire chez des tiers (App Store…).
400 titres sélectionnés au hasard dans la ludothèque C64, 400 autres jeux sélectionnés également au hasard dans le catalogue PS2, et l’intégralité des 1873 jeux recensés sur Game Boy constituent l’échantillon étudié. Et le résultat est sans appel : seuls 13% des jeux de l’échantillon restaient accessibles au moment de l’étude.
« Si un joueur veut avoir accès à X-Men: The Arcade Game [un jeu sorti sur borne d’arcade en 1992, porté sur consoles en 2010, NDLR], la seule manière légale qu’il ait d’y jouer et de l’avoir acheté alors qu’il était vendu sous forme dématérialisée entre 2010 et 2013 sur une console qui fonctionne toujours, d’y jouer sur une borne d’arcade vintage difficilement transportable et qui nécessite une maintenance particulière, ou d’acheter l’une de ces rééditions de bornes d’arcade proposées sur le marché au prix de 749,99$. Ce qui pourrait être acceptable pour un « hardcore gamer » ou un collectionneur, mais n’est pas une solution viable pour un chercheur. » – Pages 8 et 9 de l’étude, traduit par la rédaction.
On notera la mention « la seule manière légale », car en effet, le meilleur moyen de lancer un titre patrimonial aujourd’hui reste le piratage et l’émulation. Bien entendu, à travers les services comme le Nintendo Switch Online, les compilations ou encore les mini-consoles, les grands classiques restent disponibles, et (re)découvrir le premier Super Mario ou Maniac Mansion est encore très facile. Mais quid du reste ?
« Les jeux les plus populaires parmi les classiques sont dans les 13% qui restent édités. Si ce sont ces jeux auxquels les joueurs veulent jouer, où est le problème ?
Le problème est que l’Histoire du jeu vidéo est plus grande que juste celle des bestsellers. Si l’on veut comprendre et apprécier l’Histoire des jeux vidéo, nous avons besoin de plus qu’une liste de jeux sélectionnés par les éditeurs pour leur potentiel commercial.
En fait, nous avons découvert des preuves que ce sont justement les jeux qui intéressent le plus les historiens qui sont touchés. L’ère d’avant le crash de 1983-1984 est un peu au jeu vidéo ce que les films muets sont à l’histoire du cinéma, une période où la grammaire des jeux se mettait en place. Évidemment, les historiens voudraient pouvoir jouer à ces titres, mais notre étude montre que moins de 3% d’entre eux sont aujourd’hui encore édités. » – Extrait d’un article du blog de Video Game History Foundation, traduit par la rédaction.
Un constat qui pointe aussi le véritable problème ici : le jeu vidéo, quand il n’est pas accusé de pousser à l’émeute (!), reste considéré comme un produit industriel, un pur divertissement, voire un jouet, et pas encore comme un domaine culturel aussi noble que le serait la musique, le cinéma ou la littérature. C’est aussi à cela que veut servir cette étude : éveiller les consciences et normaliser, et même développer, un travail de conservation tel que celui effectué par la BnF, et auquel s’opposent encore beaucoup les tenants des copyrights.
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