Un tapis rouge déroulé, mais pas pour tout le monde. Alors que les projecteurs des BAFTA Games Awards 2025 illuminaient la réussite vidéoludique d’Astro Bot et consorts ce 8 avril, une autre scène, bien plus discrète, se jouait à quelques mètres de là. Des pancartes se sont élevées au milieu de la foule devant le Southbank Centre de Londres, portées par des membres du syndicat Equity, représentant les comédiens et comédiennes britanniques. Leur message ? « Union contracts in gaming now », « Des conventions collectives dans le jeu vidéo, maintenant ».
Une reconnaissance à double vitesse
La protestation d’Equity aux BAFTA d’hier, syndicat représentant les artistes de scène et les professionnels du spectacle au Royaume-Uni, avait pour objectif d’envoyer un message clair à l’industrie vidéoludique, comme en attestent les nombreuses déclarations recueillies :
« Il est formidable de voir les réussites de l’industrie vidéoludique célébrées aux BAFTA Games Awards, et que les performances de ses travailleurs soient mises en avant, des comédiens aux designers, en passant par les développeurs. Mais Equity est ici pour s’assurer que les mauvaises pratiques, fréquemment rapportées par nos membres, ne continuent pas à être ignorées par les leaders de l’industrie. » John Barclay, secrétaire général adjoint pour les médias membres chez Equity
Dans un secteur qui pèse plus de 7 milliards de livres au Royaume-Uni, les artistes réclament donc des salaires décents, des contrats négociés collectivement, et une meilleure protection face aux menaces modernes, notamment celles liées à l’intelligence artificielle. Ces derniers rappellent que, si les performances humaines insufflent la vie aux personnages qu’ils incarnent, les comédiens sont aujourd’hui confrontés à une menace grandissante : celle d’être remplacés par des voix synthétiques et d’être privés de l’utilisation de la performance capture.
Pourtant, ces entreprises continuent d’ignorer les appels d’Equity pour mettre en place des accords au Royaume-Uni, à l’image de ce qui est déjà pourtant mis en place aux États-Unis.
L’invisibilisation des voix
Dans un communiqué fort, Equity dénonce ainsi une stagnation des salaires pour les comédiens de jeu vidéo britanniques, malgré des aides fiscales avoisinant les 200 millions de livres. Ils pointent également, une fois encore, le manque de protections face à l’IA, l’usage abusif des clauses de confidentialité, ainsi que l’absence de protocoles sécuritaires lors des sessions d’enregistrement vocal ou de scènes d’intimité.
« Dans une industrie qui génère une telle richesse, les membres d’Equity méritent mieux. »
Cette mobilisation s’inscrit dans la campagne Game On! menée par le syndicat, en écho direct à la grève toujours en cours de la SAG-AFTRA aux États-Unis, qui dénonce précisément l’absence de garde-fous autour de l’intelligence artificielle dans les contrats proposés aux comédiens.
Le mois dernier, ce même syndicat des acteurs américains pointait ce qu’il qualifiait de « failles alarmantes » dans les récentes propositions de sortie de grève présentées par les studios. Parmi les préoccupations majeures soulevées, la gestion de l’IA dans les contrats proposés, semblant permettre aux studios de recréer des performances vocales ou de mouvement sans le consentement explicite des artistes, ni même leur présence physique, à l’aide de modèles générés. En réponse à ces accusations, les studios ont fait valoir qu’il y avait eu « des progrès significatifs » dans les négociations.
Malgré l’inéluctabilité de l’IA, la lutte continue
Le contraste entre la richesse générée par l’industrie vidéoludique et les conditions de travail des artistes pose donc une question morale fondamentale : comment ce secteur, première industrie culturelle au monde, peut-il continuer à ignorer les appels de ceux qui participent directement à sa réussite ?
Cette mobilisation d’Equity, à un moment aussi significatif pour l’industrie que les BAFTA Games, n’était pas simplement un énième appel à de meilleures conditions. Elle se voulait avant tout un symbole de la lutte pour la reconnaissance et la dignité des comédiens du jeu vidéo, dans un monde de plus en plus dominé par la technologie et la cupide envie de maximiser les économies.
Astro Bot a triomphé. Et oui, l’industrie vidéoludique britannique rayonne. Célébrer les lauréats est une excellente chose pour les joueurs et l’industrie. Mais oublier celles et ceux qui permettent à ces univers de briller, qui, à la différence des vedettes de cinéma, s’effacent derrière leurs personnages pixelisés dans l’ombre, est un véritable problème. Leur lutte mérite d’être entendue et saluée.
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