C’était un projet déjà en difficulté, englué dans un développement chaotique et marqué par un reboot coûteux. Ce qu’on craignait fortement est désormais réalité : le jeu sur notre vaillante amazone Wonder Woman est annulé. Et la catastrophe ne s’arrête pas là. Loin de là.
Warner Bros. Games a également pris la décision brutale de fermer trois de ses studios, à savoir Monolith Productions (à qui l’on devait les jeux La Terre du Milieu : L’Ombre du Mordor et sa suite), Player First Games (MultiVersus) et Warner Bros. Games San Diego. Une annonce qui fait l’effet d’un tremblement de terre dans l’industrie, déjà bien en crise, du jeu vidéo.
Un projet maudit, condamné dès le départ
Nous l’évoquions il y a quelques semaines déjà : le développement de Wonder Woman était une course d’obstacles sans fin. Annoncé aux Game Awards de 2021 via un teaser CGI d’une minute, le jeu de Monolith Productions ne montrait aucun signe concret d’avancée. Pendant trois longues années, le silence radio régnait (si ce n’est quelques offres d’emploi publiées discrètement).
Puis, il y a quelques semaines, c’est Bloomberg qui révélait que le projet avait complétement rebooté son développement début 2024. Initialement conçu pour intégrer une version repensée du célèbre système Némésis des jeux Terre du Milieu, le titre a finalement été jugé non fonctionnel. Résultat : retour à la case départ, et plus de 100 millions de dollars engloutis sans qu’un seul fragment de gameplay ne soit révélé.
Warner Bros. Games, déjà en crise, devait alors prendre une décision : soit s’entêter et investir toujours plus d’argent dans un jeu au potentiel commercial incertain, ou tout simplement arrêter les frais ici, malgré l’immense somme déjà injectée et des années de travail. L’issue vient de tomber : malgré l’espoir des amoureux de la princesse Diana, l’éditeur abandonne complètement le projet. Un terrible gâchis, hélas prévisible au vue de la gestion cahotique du développement.
Un coup fatal pour Monolith Productions
Ce qui rend cette annonce encore plus douloureuse, c’est la fermeture pure et simple de Monolith Productions en conséquence. Le studio, fondé en 1994 et acquis par Warner en 2004, était pourtant l’un des rares à avoir marqué l’industrie avec des innovations notables, comme le système Némésis qui avait révolutionné les jeux d’action en monde ouvert. Mais cette fois, la pression était trop forte, et le géant américain a préféré sacrifier le studio plutôt que de continuer à alimenter un projet qui s’était bien trop embourbé et, surtout, bien trop gourmand en coût.
Avec lui, Player First Games, développeur du tristement célèbre MultiVersus, et Warner Bros. Games San Diego ferment aussi leurs portes. Une restructuration brutale qui, selon Warner, s’inscrit dans une volonté de « se recentrer sur les franchises clés comme Harry Potter, Mortal Kombat, DC et Game of Thrones ». Une déclaration qui résonne comme une tentative désespérée de rassurer les investisseurs, mais qui ne trompe personne : la branche gaming du géant Warner Bros. est à l’image de sa gestion de son pôle cinéma : en perdition.
Warner Bros. Games : un naufrage en accéléré
Le cas Wonder Woman n’est que la partie émergée d’un iceberg bien plus inquiétant. Depuis plusieurs années, Warner Bros. Games accumule les revers : Suicide Squad: Kill the Justice League s’est avéré être un fiasco critique et commercial, avec un accueil glacial et des ventes bien en deçà des attentes. MultiVersus de son côté, qui avait pourtant connu un lancement prometteur, a vu son engouement s’effondrer au fil du temps jusqu’à sa fermeture.
Si on reste du côté des adptations de jeux DC, c’est Gotham Knights, sorti en 2022, qui n’a jamais réussi à convaincre et a laissé un goût amer aux fans de l’univers du Chevalier Noir. Un projet Flash par WB Games Montréal avait également été annulé suite à l’échec du film dédié au personnage en 2023. Et même le petit Harry Potter : Champions de Quidditch n’a pas trouvé son public. Bref, des échecs et annulations catastrophiques en pagaille.
Warner avait donc tout misé ces dernières années sur les jeux service, pensant tenir le modèle économique ultime. Mais le marché a prouvé ses limites, et aujourd’hui, c’est toute la branche gaming de l’éditeur qui en paie les frais. D’autant que cette crise intervient alors que David Haddad, président de Warner Bros. Games, vient tout juste d’annoncer son départ, laissant l’entreprise sans réel capitaine à bord.
Un avenir sombre pour les jeux DC/Warner
Avec cette annonce, les perspectives pour les adaptations des comics DC s’assombrissent encore, tandis que de l’autre côté, son principal conccurent Marvel enchaine les succès, avec des hits comme Marvel’s Spider-Man 2 ou Marvel Rivals. James Gunn et Peter Safran, en charge du reboot cinématographique de Superman prévu cet été, affirmaient récemment que le premier jeu connectés aux films DC ne verrait pas le jour avant « quelques années ». Une perspective qui, au vu de la situation actuelle, laisse peu de place à l’optimisme.
Rocksteady, après le naufrage de Suicide Squad, travaille actuellement sur un nouveau jeu Batman Arkham annoncé comme « entièrement solo », afin de montrer patte blanche en revenant aux fondamentaux. Même si cela implique le déterrement d’une franchise qui était pourtant censée s’être achevée avec Arkham Knight en 2015.
Pour en revenir à notre chère Wonder Woman, l’héroïne culte devra se contenter (pour l’instant) de l’absence de jeu dédié. Et d’ici à ce qu’un autre projet voit le jour, il faudra sans doute patienter longtemps, tant le traumatisme laissé par cette annulation risque de marquer. Quel studio oserait désormais se lancer dans le développement d’un jeu sur Diana Prince après ce fiasco ? Un destin tragique pour une figure de la pop culture qui, malgré son immense potentiel, n’a jamais réussi à s’imposer dans l’univers vidéoludique.
Une industrie profondément en crise
Le cas de Warner Bros. Games s’inscrit dans un contexte plus large de crise pour l’industrie du jeu vidéo. Depuis trois ans, les licenciements massifs, annulations de projets et fermetures de studios se multiplient. En 2023, plus de 10 000 développeurs ont été licenciés et en 2024, ce chiffre est monté à 14 000. 2025 ne semble pas prêt de ralentir cette hécatombe.
La fermeture de Monolith Productions, Player First Games et WB San Diego est une perte immense pour l’industrie JV. Une page se tourne, et avec elle, c’est tout un pan du jeu vidéo qui disparaît, sacrifié sur l’autel de décisions stratégiques douteuses et d’une gestion de plus en plus axée sur le court terme. Et une Wonder Woman tristement destinée à devenir un (mauvais) exemple sur la gestation calamiteuse des AAA modernes…
Warner Bros., un avenir incertain
Léo Delacroix
David Haddad, PDG de Warner Bros. Interactive, quitte ses fonctions
Al
Multiversus – Un petit (re)tour et puis s’en va
Tortuga76ers