C’était l’une des infos un peu inattendues du dernier Nintendo Direct en date : le Virtual Boy, vilain petit canard de chez Nintendo, fait son retour avec une intégrale de la collection qui s’ajoutera progressivement au Nintendo Switch Online. Une intégrale facile, puisqu’elle ne compte que 14 jeux sortis aux Etats-Unis (il y en a eu 19 au Japon).
Un nombre très limité qui s’explique par l’échec commercial de la machine : le Virtual Boy ne s’est écoulé qu’à 770 000 exemplaires, soit grosso-modo vingt fois moins (!) que la Wii U, écoulée à un peu plus de 13,5 millions d’unités, et considérée comme un échec cuisant.
Malgré le fait que le projet avait été confié à l’architecte du Game Boy, Gunpei Yokoi, le Virtual Boy, dont le temps de développement a été écourté, proposait une ergonomie discutable, avec son trépied (il s’agissait pourtant d’une console portable, comme l’indique le nom « Boy », venant créer la filiation avec le Game Boy), et une technologie trop limitée par la gamme de prix dans laquelle la console devait s’inscrire (1 seule couleur affichée, le rouge, et de plus particulièrement agressive).
Si l’on m’avait conseillée/ J’aurais commis moins d’erreurs – Jeanne Mas, En Rouge et Noir
Si certains papiers s’enthousiasmaient de voir arriver la VR (en fait, plutôt la 3D, vu le niveau d’immersion proposé par la machine) à tarif abordable, le doute planait déjà dès les premiers jours de commercialisation. Le magazine américain Electronic Gaming Monthly (1988-2014) publia à l’époque, en novembre 1995, un « micro-trottoir » réalisé à la sortie d’une boutique Blockbusters Video, où l’on pouvait louer des Virtual Boy avant de décider de s’en offrir définitivement un. On pouvait notamment y lire le commentaire suivant :
« La technologie est très cool. Cependant, j’ai acheté un Super Scope [le « bazooka » Super Nintendo qui s’est révélé complètement inutile en dehors des mini-jeux fournis avec l’accessoire, NDLR ] et je ne sais pas si ma maman va prendre le risque d’acheter un accessoire qui n’a pas encore prouvé son utilité. Je vais attendre et voir quels jeux sortent pour Noël, et là, peut-être que j’en demanderai un »
Dans le même magazine, un peu plus loin, dans une rubrique signée du mystérieux Quartermann et qui accueillait rumeurs et courts billets d’humeur, on pouvait lire ceci :
« …Et enfin, j’ai compris pourquoi le Virtual Boy est sorti en Amérique du Nord. Nintendo Japon a mis un couteau sous la gorge de Nintendo of America. (…) D’après des sources au sein de Nintendo, les voyants ne sont pas au vert quant aux ventes de leur nouvelle petite machine bicolore. Certains ont même suggéré que si des gens achètent le Virtual Boy, ils verront rouge à cause du trop petit nombre de jeux qui pourraient être disponibles pour la console. Selon certaines personnes, le Virtual Boy serait le nouveau Super Scope. »
Il faut certes saluer l’audace de Nintendo, qui a pris le risque de sortir une console en dehors de tous les standards de l’époque. Nintendo qui s’est aussi montré, une fois n’est pas coutume, en avance sur son temps, pas tant sur la 3D/VR (SEGA avait proposé ses lunettes 3D pour Master System dès 1987 !), mais notamment sur la manette, avec un pad Virtual Boy muni de 2 croix directionnelles, et ce, deux ans avant que ne sorte la Dual Shock (même si finalement, aucun jeu ne tira parti de ces 2 croix directionnelles). Cependant, et les témoignages de l’époque le montrent bien, la machine était vouée à l’échec.
Si elle a par la suite été entourée d’une certaine aura, c’est d’abord à cause de sa bizarrerie, mais aussi justement à cause de ce plantage monumental qui en fait aujourd’hui un objet particulièrement rare, particulièrement en Europe, où elle n’est jamais sortie. Un objet que l’on aime à croiser dans les expositions ou les salons comme on va voir certaines pièces de musée. C’est une console curieuse, avec un intérêt historique indéniable, mais dont les jeux sont, d’un point de vue purement ludique, relativement inintéressants.
Ressortir un simili Virtual Boy (car ce ne sera qu’un boitier en plastique vide imitant le design de la console, dans lequel il faudra venir insérer une Switch), c’est à la fois essayer de soutirer quelques piécettes à l’amateur curieux, mais aussi faire disparaître cette aura de rareté et de mystère, presque, qui entoure la console, et qui était devenue, finalement, sa véritable qualité. C’est tuer la machine une seconde fois.
L’accessoire et les premiers jeux Virtual Boy sont annoncés pour le 17 février prochain. À noter que pour les curieux qui ne veulent pas investir 80€ dans le « faux » Virtual Boy, Nintendo proposera aussi un casque version « cardboard ». Et si certains d’entre-vous ont conservé leurs accessoires Nintendo Labo, il n’est pas impossible de que le casque VR du kit soit aussi compatible avec les jeux Virtual Boy (mais pas garanti non plus, Nintendo n’ayant absolument pas communiqué là-dessus).
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