Quand on pense au business des jeux vidéo, on pense d’abord aux jeux AAA qui rapportent des millions. On pense aussi aux indés chanceux qui ont réussi à se faire remarquer pour empocher le gros lot (récemment, Balatro, par exemple). Enfin, il y a bien entendu les free-to-play et leurs microtransactions qui les rendent finalement moins free-to-play que certains jeux vendus plein pot. Enfin, il y a une branche qui ne vient pas tout de suite à l’esprit, mais qui prend une part de marché croissante dans l’industrie, les « UGC games », ou User Generated Content.
Alors de quoi s’agit-il ? Traduit littéralement, les UCG games sont du « contenu généré par l’utilisateur ». C’est-à-dire un niveau de Mario Maker conçu par un joueur, par exemple. De nombreux joueurs se sont un jour rêvés développeurs en peaufinant leurs créations à travers les éditeurs de niveaux proposés par les jeux, et ce depuis l’antiquité du jeu vidéo. Les plus anciens anciens se souviendront ainsi d’un « 3D Construction Kit » sorti sur des machines comme l’Atari ST ou l’Amstrad CPC…
Les mods ensuite, ont fait passer le contenu créé par les joueurs à un autre niveau. D’abord utilisés pour modifier le contenu d’un jeu, de véritables titres complets sont sortis de la pratique du modding, et certains sont même devenus des hits certifiés ! The Stanley Parable est ainsi un mod d’Half-Life 2, tandis que DotA (qui inspira ensuite LoL) est un mod de Warcraft III…
Ces dernières années, on a assisté à une sorte de troisième génération des UGC games, avec des éditeurs de niveaux de jeux qui sont devenus de vraies plateformes, Minecraft, Roblox, et Fortnite en tête.
Construire sa cabane et survivre à la nuit, le concept originel de Minecraft, est une activité désormais minoritaire (si elle existe toujours !) au sein du titre le plus joué au monde. De même que Sauver le Monde (le Fortnite original) face à des hordes de zombies n’a jamais vraiment convaincu. Aujourd’hui, ces titres se sont un peu oubliés eux-même dans les UGC games, les contenus générés par leurs utilisateurs.
Minecraft est désormais un outils de création de jeux dans le jeu, tels que le fameux Bed Wars, et les parties de Prop Hunt dans Fortnite (une sorte de cache-cache, inspiré lui-même d’un mode de Garry’s Mod, lui-même mod d’Half Life 2 – oui, ça donne mal à la tête) sont devenues immensément plus populaires que ne l’a jamais été Sauver le Monde.
Le phénomène est devenu si important qu’il se professionnalise. Le développeur français Rivrs (un hommage au musicien ?) vient ainsi de lever 4 millions d’euros pour « industrialiser et professionnaliser » les UGC games. Le studios s’est spécialisé dans la créations de contenus pour Roblox ou Minecraft (qu’il décrit non plus comme des jeux, mais comme des plateformes), avec de grosses opérations, comme un festival international de courts-métrages au sein de Minecraft monté en partenariat avec Unifrance, la société responsable, sous la tutelle du Ministère de la Culture, de la promotion du cinéma français à l’étranger.
On sait qu’Epic Games partage la manne inépuisable de Fortnite avec les créateurs de niveaux. Les marques sont aussi de plus en plus en demande de présence au sein de ces plateformes, comme en témoigne les opérations promotionnelles Star Wars dans Fortnite, les concert de superstars de la pop dans ce même Fortnite ou dans Roblox, ou encore les partenariats avec l’industrie du luxe, proposant des contenus in-game griffés. Il y a donc bien des places à prendre en tant que créateurs « d’expériences » au sein de ces jeux, même si cela ressemble finalement plus à un boulot de publicitaire qu’à celui de développeurs de jeu vidéo.
L’ambition de Rivrs n’est autre que de devenir, de l’aveu même de Romain Hubert, co-fondateur du studio, le leader mondial de l’UGC game ! Le studio est basé à Rennes, qui, après avoir été à une époque le creuset du rock français (Daho, Marquis de Sade, Niagara…), pourrais devenir la capitale mondiale de l’UGC ? Dans une ambiance plutôt morose pour l’industrie, on souhaite évidemment la plus grande réussite à Rivrs, même si ce n’est pas l’aspect du jeu vidéo dont on espère le plus le développement…
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