Depuis que PlayStation s’est lancé dans la valse des remasters/remakes, avec notamment la ressortie du premier opus, nous étions dans l’attente d’un The Last of Us Part II Remastered. Enfin, quand on parle d’attente, ce n’est pas vraiment que nous la désirions particulièrement, mais nous n’imaginions pas que le constructeur nippon finisse cette génération de machines sans le remettre sur le devant de la scène. Et avec la pauvreté du calendrier 2024 qui s’amorce pour lui, une telle sortie leur permet de temporiser et faire patienter un tantinet les millions de fans de la firme.
D’ailleurs, et peut-être dans le but de se faire aussi pardonner quelques exactions pas toujours très glorieuses (politique commerciale et tarifaire discutable par exemple), cette remise au goût du jour n’est pas vendue au prix fort (50 euros), comme ce fut le cas pour la première partie. Mieux encore, les possesseurs de la version PS4 peuvent même obtenir l’upgrade pour simplement dix euros. Une pratique que nous ne pouvons que louer.
Sur le papier d’ailleurs, le programme est alléchant. Une remise à niveau graphique, des « niveaux perdus » coupés de la version finale du jeu et agrémentés de commentaires de développeurs, quelques ajouts cosmétiques plus ou moins intéressants, et surtout un mode de jeu inédit rogue-like intitulé « Sans Retour » qui, on l’espère, nous fera oublier l’annulation du mode multijoueur. Reste à voir si le contenu de ce The Last of Us Part II Remastered est aussi massif qu’il semble l’être ou si finalement, ce prix réduit ne cache pas un contenu réduit.
(Test de The Last of Us Part II Remastered réalisé sur PlayStation 5 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Le même en mieux
Voilà trois années que nous n’avons pas replongé dans le dernier jeu de Naughty Dog. Trois années à digérer une expérience qui nous a retournés dans tous les sens, nous faisant passer par une palette d’émotions que peu d’œuvres, tous médias confondus, arrivent à nous faire ressentir. L’amour, la mélancolie, la peur, la haine, la tristesse, la joie… tout se mélange pour un cocktail tout aussi passionnant que déroutant.
De fait, quand nous avons eu l’occasion de relancer l’aventure, c’est presque à reculons que nous y avons été, appréhendant et repoussant au maximum ce moment où nous devrions de nouveau subir le flot d’émotions qui nous avait submergés quelques années auparavant. Puis nous nous sommes lancés, et ce fut de nouveau une tarte monumentale.
Indéniablement, Naughty Dog reste le fleuron des studios PlayStation. Techniquement, le titre est sublimé. Les visages sont saisissants et retranscrivent à merveille l’acting incroyable de Troy Baker, Ashley Johnson ou Laura Bailey (les interprètes de Joël, Ellie et Abby), entre autres. Les mimiques et expressions sont hallucinantes de réalisme, à la frontière du photoréalisme même, que ce soit en cinématique ou in-game.
Et nous revoilà pris dans l’engrenage infernal, cette vague de haine qui nous écrase de tout son poids, nous emportant avec elle dans le cercle vicieux de la rage, toujours aussi viscérale dans The Last of Us Part II Remastered, ne nous laissant respirer que pour mieux nous réassommer derrière. Mais depuis ces trois années, nous avons muri, appris et surtout digéré l’expérience de base. Un recul salvateur qui nous a permis d’apprécier de manière différente le scénario.
Car à l’époque, ce qui nous avait en partie dérangés, c’est le côté beaucoup plus manichéen de l’intrigue, où les ficelles scénaristiques nous poussaient à considérer l’une ou l’autre héroïne comme « gentille » ou « méchante », allant parfois tirer vers le ridicule, là où le premier opus jouait admirablement sur l’ambivalence des personnages et la justification de leurs choix, avec un final extraordinaire.
Alors, ces facilités sont toujours bien présentes, mais avec le nouveau regard que l’on porte sur les personnages, on comprend bien mieux certaines décisions prises et on se laisse beaucoup moins dominer par nos émotions, comme Ellie ou Abby peuvent le faire. De là à changer notre point de vue sur l’une ou l’autre, il y a un pas que nous ne franchirons pas, mais ce fameux pas équivalait naguère à un canyon.
Qu’il est compliqué de parler de The Last of Us Part II Remastered sans risquer, en révélant quelque aspect du scénario, d’amoindrir l’expérience du nouveau joueur. Alors, ne tournons pas autour du pot, si vous n’avez jamais joué au hit de Naughty Dog sur PS4, nous n’aurons qu’un conseil : foncez ! En revanche, si vous êtes déjà familier avec l’histoire imaginée par Neil Druckman, la question peut un peu plus sérieusement se poser, mais nous y reviendrons.
Le remaster, une faim en soi ?
Car aussi exceptionnel soit-il, il n’en reste pas moins imparfait. Comme tous les chefs-d’œuvre, pourriez-vous nous rétorquer, à raison. Néanmoins, force est de constater que ces quelques écueils peuvent par moment ternir un chouïa l’expérience. On pense notamment aux quelques longueurs dans le récit, notamment dans la seconde partie du jeu, et que l’ensemble se repose un peu trop sur les acquis du premier épisode.
Une génération de machines sépare les deux opus de la licence, et dans cet intervalle, au-delà des aspects techniques et scénaristiques, la formule est restée pour ainsi dire identique manette en main, à quelques petits ajouts près. Rien de bien grave cependant, le gameplay restant suffisamment intéressant et pertinent, même aujourd’hui, pour qu’on puisse y trouver notre compte, mais on ne peut que regretter que la folie scénaristique ne se soit pas aussi retrouvée dans les level designs par exemple.
Enfin, on en a bien retrouvé une esquisse, avec cette séquence de début de jeu où l’on se retrouve dans un simili monde ouvert. Un tel régal que nous aurions souhaité retrouver encore et encore au fil de l’aventure, et qui s’est finalement transformé en frustration, toutes proportions gardées. Quelques légers points d’imperfection donc, mais qui n’entachent pas le statut de grand jeu que revêt The Last of Us Part II Remastered, aussi bien aujourd’hui qu’en 2020.
Toujours un grand jeu donc, mais peut-être un peu plus grand grâce aux quelques ajouts de cette version « director’s cut » dans laquelle nous pouvons donc explorer quelques niveaux coupés au montage de l’expérience originale. Attention toutefois, sur ce point, ne vous attendez pas à quelque chose d’incroyable puisqu’il ne s’agit que de trois niveaux, bouclés en une vingtaine de minutes en tout.
Mais l’intérêt est ailleurs. Et si effectivement, les niveaux ne cassent pas trois pattes à un poulet (version alpha oblige d’ailleurs, les niveaux ne sont pas dégrossis et sont donc exempts de fonctionnalités telles que les voix), on y découvre, à quelques endroits clés, des commentaires de développeurs qui nous expliquent le cheminement créatif ayant conduit à telle ou telle idée. Des instants qu’on a particulièrement appréciés et qui permettent de lever quelque peu le voile sur la magie derrière la création d’un jeu vidéo, de ses défis, problématiques, compromis et idées, exploitées ou non.
Un ajout qu’on aimerait tant voir beaucoup plus souvent dans les productions vidéoludiques modernes. Non pas forcément les éléments retirés du jeu, quoiqu’ils représentent un bonus appréciable, mais les commentaires des développeurs concernant les moments forts des jeux. D’ailleurs, une fois l’aventure bouclée, nous ne saurions que trop vous conseiller, soit en refaisant le jeu, soit en utilisant le menu adéquat, de revisionner les scènes de l’intrigue de The Last of Us Part II Remastered en activant les commentaires des membres du studio.
Sans Retour, un mode claque(u)r au sol ?
Mais le véritable gros ajout de cette remasterisation, c’est bien son mode de jeu « Sans Retour », à la sauce rogue-like. Une formule que semble apprécier PlayStation puisqu’après l’avoir ajoutée à God of War: Ragnarök, c’est au tour de la licence de Naughty Dog de s’y mettre. Et soyons clairs dès le départ, si effectivement les deux licences bénéficient dorénavant d’un mode de jeu similaire sur le papier, dans les faits The Last of Us Part II Remastered s’en tire beaucoup moins bien que l’aventure du spartiate chauve.
Le mode de jeu se présente donc sous la forme d’arènes à objectifs, avec, pour débuter, deux types de challenge (la survie pendant une durée limitée et l’extermination de vagues d’ennemis) à surmonter pour atteindre une salle de boss. Au fur et à mesure de l’avancement dans le mode, d’autres types d’objectifs seront disponibles ainsi que quelques fonctionnalités supplémentaires telles que les paris qui ajoutent des petits défis facultatifs aux missions (tuer silencieusement deux ennemis, faire trois tirs à la tête…)
Aussi, pour atteindre l’étape finale, on choisit sa « route » parmi les embranchements proposés sur le tableau de mission, générés aléatoirement, en fonction de nos affinités et, bien sûr, des récompenses proposées. Car comme dans tout bon rogue-like, le but est d’augmenter sa force de frappe au fil de ses réussites pour dominer des environnements de plus en plus retors.
Ainsi, il nous est possible d’améliorer nos armes, capacités (santé, mode écoute…) et d’obtenir de l’équipement supplémentaire grâce à un « marchand » dont l’inventaire est aussi généré aléatoirement. Jusque-là, rien que du très classique, mais c’est bien à partir de là que le bât blesse et que deux énormes soucis sont apparus, pour ne plus nous quitter.
Ce qui est intéressant dans un rogue-like, c’est d’avancer petit à petit vers la fin d’une quête aux contours nébuleux initialement, et qui se font de plus en plus précis partie après partie. Dans un The Binding of Isaac, on a une avancée dans l’histoire et une nouvelle étape intermédiaire ou finale claire après avoir tué Mom, Dad ou Blue Baby. Dans un Enter the Gungeon, on joue pour tuer le passé. Même dans God of War Ragnarök: Valhalla, on a un objectif final. Ce n’est pas le cas dans ce mode « Sans Retour ».
On peine, run après run, à y trouver un véritable intérêt. D’autant que, second point noir à notre sens, on ne se sent absolument pas évoluer, que ce soit après une victoire ou une défaite. On fait des scores, on débloque des trucs et des machins, mais finalement, à chaque début de partie, on reprend tout à zéro, ce qui les rend, surtout au début, extrêmement redondantes.
Alors, il y a bien une petite carotte au bout du bâton, avec les différents personnages à débloquer pour pouvoir ensuite les incarner, chaque héros disposant d’un set de départ différent, mais c’est bien trop faible pour susciter un quelconque emballement de notre part. Quant aux skins d’arme ou de personnage, à l’exception de quelques fans jusqu’au-boutistes, il y a bien peu de chance qu’ils suffisent à motiver la partie de plus.
Bref, The Last of Us Part II Remastered s’agrémente d’un mode « Sans Retour » vers lequel on ne retournera sans doute pas de sitôt et qui nous fait d’autant plus regretter l’abandon du projet multijoueur dans l’univers du jeu, et peut-être encore plus l’excellent mode factions du premier opus qui arrivait, lui, à donner de l’intérêt à nos parties avec son système de survivants à protéger. Quel dommage !
Bon, il n’y a pas vraiment à épiloguer. The Last of Us Part II Remastered est, à l’instar de sa mouture initiale, un très grand jeu. Un chef-d’œuvre, d’aucuns pourraient même dire. Déjà incroyable en 2020, le titre s’offre sur PS5 un nouvel écrin le rendant encore plus époustouflant qu’à l’époque. Et, SSD oblige, les temps de chargement, parfois un peu longuet sur la génération précédente, sont ici réduits au minimum.
Pour qui n’a jamais touché au jeu, The Last of Us Part II Remastered est indéniablement un incontournable du catalogue PS5. Quant à ceux ayant déjà éprouvé l’expérience, la question est déjà beaucoup moins simple à répondre. Certes, les ajouts apportés à cette version ne sont pas mirifiques au point de devoir se presser de passer à la caisse au prix fort, mais avec l’offre proposée permettant de mettre à jour sa version PS4 pour une dizaine d’euros, il n’y a pas trop d’hésitations à avoir.
Alors effectivement, les niveaux perdus, bien qu’extrêmement intéressants, notamment à titre pédagogique et pour en apprendre plus sur l’envers du décor, sont un bonus se finissant encore plus rapidement que la carrière musicale de Cindy Sander. Quant au mode « Sans Retour », à moins d’être un accro sans limites du gameplay du jeu, il y a peu de chance que vous y passiez tant de temps que cela.
Pour autant, et malgré ses ajouts somme toute décevants, The Last of Us Part II Remastered reste un jeu à redécouvrir absolument, et encore plus si vous n’y avez pas rejoué depuis sa sortie, et tant pis donc si ses bonus ne sont pas géniaux, ou que toutes nos attentes et espérances sur ce point ne sont pas comblées.