Edité par Devolver, développé par les fondateurs d’Arkane et s’emparant d’un sous-genre bis au possible, Weird West a tout pour être un pur produit nerd. D’autant que les quelques dernières fois que nous sommes allés jouer aux cowboys et aux indiens dans le jeu vidéo, on n’a pas été déçu, de Red Dead Redemption 2 à Desperados 3.
D’ailleurs, laissant une large part à l’infiltration, ce Weird West ne sera pas sans rappeler Desperados 3 ou autres Shadow Tactics. Un univers original modelé par une équipe de talent, donc. Mais la recette fonctionne-t-elle ?
(Test de Weird West sur Xbox Series X réalisée via une copie commerciale du jeu)
Cowboys, indiens, et loups-garous (et vampires) (et…)
Avant d’être le titre du jeu qui nous occupe pour cette critique, le Weird West est un sous-genre de fiction, né quelque part dans les années 30. L’une des premières œuvres notables qu’on peut rattacher au genre est ainsi la nouvelle Le Tertre Maudit, de Robert E. Howard (par ailleurs connu pour les aventures de son personnage Conan Le Barbare), publiée en 1932 et mettant en scène des cowboys et des vampires.
Le Weird West (l’Ouest Étrange), c’est ce mélange de western classique et d’histoires fantastiques, mettant en scène zombies, sorcières et autres cultes secrets… On est en plein dedans avec Weird West, le jeu, qui commence dans un décor de film de John Ford, où un massacre vient d’avoir lieu. On joue l’épouse d’un mari et d’un fils qui baignent tous deux dans une mare de sang, et si notre personnage semble partiellement amnésique, un tel déchaînement de violence n’a probablement rien d’humain…
Le genre se consolidera et prendra le nom qu’il porte encore aujourd’hui dans les années 70, avec la publication de Weird Western Tales par DC Comics, dont Weird West est une abréviation. Jonah Hex, qu’on a pu voir au cinéma sous les traits de Josh Brolin dans un film sorti en 2011, est né dans ces pages. Depuis, le Weird West nous a donné des œuvres comme la série Les Mystères de l’Ouest, La Tour Sombre de Stephen King, ou les romans mettant en scène le Bourbon Kid. Une Nuit en Enfer, de Robert Rodriguez, peut probablement aussi être considéré comme du Weird West moderne.
Liberté, Liberté Chérie
Et puisqu’il est question de genre, entrons dans le vif du sujet. Weird West, le jeu, est signé entre autres Raphaël Colantonio, qui n’est autre que le fondateur des studios Arkane (Dishonored, mais était-ce bien la peine de le préciser ?!), qu’il a quittés en 2017 pour fonder WolfEye Studios et développer Weird West.
Si la marque a changé, l’esprit est toujours là, et Weird West s’inscrit bien dans le genre immersive sim qui avait tant réussi à Arkane et à Dishonored. Le jeu est en effet très ouvert dans sa proposition, et tout ce qui nous vient en tête est possible, ou presque. Ainsi, très tôt dans l’aventure, il s’agira de soutirer des informations au Maire corrompu d’une petite bourgade, informations qu’il n’accepte de partager qu’en échange de titres de propriété qu’il nous faudra subtiliser à une famille installée un peu plus loin. Partant de là, on agira comme bon nous semble : s’introduire dans la ferme de nuit, façon ninja, pour dérober les titres ? Débarquer armes à la main et récupérer les papiers de gré ou de force ? Ou alors donner à ce sac à m#rde de Monsieur Le Maire ce qu’il mérite, et fouiller sa demeure à la recherche des informations dont nous avons besoin ?
Tout est possible, et l’exploration de différentes routes est même encouragée par le jeu, qui nous explique qu’il est même envisageable de se débarrasser de personnages de premier plan. Pour ce faire, un système de sauvegarde et chargement rapides a été mis en place, nous permettant d’expérimenter différents moyens d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
Avec l’immersive sim, l’autre facette de game design de Weird West, c’est le gameplay émergeant. La chose était nécessaire pour nous faire ressentir cette liberté dans le jeu, cette idée que tout est possible. Empiler les caisses pour pouvoir les escalader et accéder aux toits d’un bâtiment ? Ça fonctionne ! Répartir des lampes à pétrole devant les portes d’un bâtiment pour piéger les occupants qui, en sortant, piétineront les lanternes et s’enflammeront alors ? Ça marche aussi !
Du plomb dans la cervelle
Les limites du jeu ne seront hélas pas seulement l’imagination, mais aussi l’intelligence artificielle, qui s’avère un poil limitée. Un coup de feu entendu de trop près mènera ainsi les ennemis directement sur notre position, par exemple, quand les bruits d’objets lancés ne les feront pas réagir du tout. Comme dans de nombreux titres du genre, les ennemis ne restent « alertés » qu’un temps imparti, et une fois revenus à leur état initial, cela ne les dérangera pas de venir se reposer une petite minute sur un banc au pied duquel les cadavres s’accumulent, et de devenir alors le prochain corps de la pile…
Il faut ajouter à cela des contrôles loin d’être évidents à maîtriser. Le jeu est affiché en vue du dessus, quelque part entre la 3D isométrique à l’ancienne (Gauntlet…) et le top-down à la Hotline Miami, avec trois niveaux de zoom et la possibilité de faire bouger la caméra presque comme dans un jeu à la troisième personne.
Les scènes d’action se déroulent façon twin-stick shooter, et on est très rapidement dépassé dans les combats, entre la difficulté de viser convenablement et la complexité des commandes (R1 + A/B/X/Y pour déclencher un pouvoir, mais L2+R1+A/B/X/Y pour déclencher une capacité spéciale sur une arme – logique, mais dans le feu de l’action, pas super instinctif…). Jouer au clavier-souris est peut-être plus confortable ?
Cowboy ninja
Ainsi, malgré les ouvertures offertes par le jeu, on réalisera au maximum les missions en mode infiltration. Le jeu est de toute façon pensé pour ça, avec les cônes de champs de vision des ennemis affichés sur la mini-carte et la possibilité de se débarrasser silencieusement de ces mêmes ennemis.
Si les éléments de gameplay émergent nous offrent le plaisir de pouvoir échafauder des plans retors pour nous débarrasser de nos ennemis, on constatera qu’on aura rapidement fait le tour de la boucle de gameplay. On incarnera différents personnages au cours du jeu qui se présente comme une anthologie de différentes histoires courtes, s’inscrivant ainsi parfaitement dans l’héritage de DC Weird Western Tales, mais les petites différences entre chacun d’eux ne viendront pas renouveler suffisamment l’expérience de jeu.
On y restera cependant jusqu’au bout pour l’univers riche, bien écrit, et très fidèle au genre auquel il appartient, jusque dans sa direction artistique, très comic book. On pensera d’ailleurs parfois au style de The Wolf Among Us, malgré une mise en scène complètement différente.
Malgré quelques défauts, on peut dire de Weird West qu’il est une réussite. Mettant sur le devant de la scène un genre fictionnel assez rare, il réussit parfaitement à transposer cet univers en jeu vidéo, à l’enrichir même. Le lore du jeu est en effet particulièrement écrit, et on ne serait pas surpris de le voir décliné en DLC, en BD ou autre forme narrative. Les promesses d’immersive sim sont bien tenues : le joueur peut construire son aventure façon roleplay, et si l’expérience finit par montrer ses limites, on reste curieux du fin mot de l’histoire.
Il faudra néanmoins avoir une appétence pour l’infiltration pour apprécier Weird West, un certain déséquilibre dans le game design poussant le joueur à progresser dans cette voie. Étonnamment, ces dernières semaines est aussi sorti en accès anticipé Blood West, un jeu aux fortes composantes d’infiltration, mêlant les thématiques western et fantastique. Comme un air du temps ?