Valkyria Chronicles, que nous avions testé, était un jeu nimbé d’une aura culte. Ce titre, sorti au début de l’ère PlayStation 3, révolutionnait le genre du tactical RPG en y ajoutant la juste dose d’action pour dynamiter le genre sans le trahir. Dans ce jeu, nous suivions les aventures de Welkin Gunther et Alicia Melchiott, la plus puissante boulangère de l’univers (gloire et levure l’accompagnent), qui étaient embrigadés dans un conflit inspiré par la Seconde Guerre Mondiale.
Le jeu était une véritable réussite, notamment grâce à ses graphismes ahurissants (encore aujourd’hui d’ailleurs) et à son gameplay équilibré. Valkyria Chronicles connut deux suites, sorties sur PSP, un portage sur PC et un remaster sur PlayStation 4. C’est avec curiosité et une pointe d’espoir que nous avons abordé ce Valkyria Revolution. Et vous savez ce qui est beau avec l’espoir, petits margoulins ? C’est quand on le piétine !
Mettez l’action d’accord avec la parole, la parole d’accord avec l’action. (« Hamlet », Shakespeare)
Le Ragnite est un matériau qui a enclenché dans le continent d’Europa une révolution industrielle. Les pays prospèrent et c’est une nouvelle ère qui s’ouvre à l’humanité. Un jeune journaliste, pourtant, est intrigué par un événement connu sous le nom de Guerre de Libération, qui est survenu un siècle plus tôt. Cette guerre implique cinq individus nommé les cinq traîtres, honnis par la population.
Pourtant, ils ont été enterrés avec les honneurs. Intrigué, notre journaliste interroge son professeur qui décide de lui révéler les secrets de cette guerre. Une guerre qui changea le destin de Amleth, capitaine taciturne des Vanargand, une unité d’élite anti-Valkyria, et de la douce princesse du Jutland Ophelia, qui a décidé de rejoindre le front afin de combattre l’empire Ruzi qui menace la paix du royaume avec un embargo agressif.
Valkyria Revolution n’est pas une suite ni une préquelle de Valkyria Chronicles. Il s’agit d’un spin-off se passant dans un monde similaire (on y retrouve quelques éléments de son vénérable ancêtre comme le Ragnite et les puissantes Valkyries).
L’univers du jeu est très inspiré par l’Europe du 19ème siècle, et propose une esthétique à mi-chemin entre le steampunk et l’heroic fantasy (notamment en ce qui concerne les armes des héros). Enfin, les plus littéraires ne manqueront pas de remarquer l’inspiration shakespearienne très peu subtile, notamment dans les noms, quasiment tous tirés d’Hamlet.
Lorsque l’amour est grand, les plus petits soupçons deviennent crainte. (« Hamlet », Shakespeare)
Il est difficile de reprendre le flambeau d’un titre tel que Valkyria Chronicles en y apportant tant de changement. C’est pourtant le pari que s’est lancé Valkyria Revolution. Son but, bousculer l’ancêtre tout en conservant son ADN. Concrètement, cela donne un titre qui, pour le moins, surprendra les fans du premier opus. Si le jeu conserve quelques traces de tactical RPG, c’est surtout du côté du musou que le titre lorgne.
À la tête d’une escouade de quatre personnes parmi les membres du Vanargand, vous devrez accomplir des missions en pétant la mouille de tout ce qui passe à portée de votre arme alchimique. Sachez que vous pourrez switcher entre les membres de l’équipe à l’envi afin de varier les plaisirs. Les personnages sont répartis en plusieurs types d’unité : les shocktroopers qui sont une force de frappe, les scouts qui sont plus mobiles, les shields qui sont protégés par un super bouclier et les sappers, ou soigneurs.
Là où on retrouve l’ADN de Valkyria Chronicles, c’est dans ses excellentes idées stratégiques. Dans Valkyria Revolution comme chez son illustre prédécesseur, vous devez gérer divers traits propres à chacune de vos unités. Un soldat allergique au pollen, par exemple, sera inefficace dans les environnements naturels, un soldat proche d’un autre qu’il apprécie particulièrement, en revanche, verra ses compétences décuplées. S’il est agréable de voir revenir cet aspect du gameplay, sa pertinence pose toutefois question. Si dans Valkyria Chronicles, ces affinités pouvaient changer le déroulement d’une bataille, elles deviennent beaucoup plus anecdotiques dans Valkyria Revolution.
Graphiquement parlant, le jeu est très beau, notamment grâce à une direction artistique qui évoque la peinture. Gouache, le moteur utilisé, permet d’ajouter un rendu peint du plus bel effet qui s’ajoute à des personnages fort joliment modélisés dans un cell-shading chaleureux. Par ailleurs, le character design, bien que peu inspiré, reste très efficace. Les personnages évoquent un peu les héros de Tales of Xillia. Enfin, l’univers reste très cohérent et est intéressant à découvrir.
Où la joie a le plus de rires, la douleur a le plus de larmes. (« Hamlet », toujours Shakespeare)
Tu l’as dit, Willy. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous nous sommes lancés dans le test de Valkyria Revolution. Autant vous dire que la chute aura été brute et sévère. Tout d’abord, le jeu, en s’éloignant du genre stratégie commet une erreur… ben… stratégique. Globalement, la seule chose qui différencie Valkyria Revolution d’un Dynasty Warriors, c’est que votre personnage doit laisser passer un léger laps de temps avant de se lancer dans une autre action. C’est absolument inutile, et ne sert finalement qu’à donner l’illusion d’avoir une dimension tactique dans le jeu. En fin de compte, cela le transforme en musou pas nerveux.
Un musou pas nerveux. Non, mais là, on préfère le dire deux fois, afin que cela s’imprègne dans votre esprit. Il en va de même pour les multiples possibilités tactiques que le jeu vous propose. Vous pouvez crafter votre équipement, sélectionner vos magies, définir des priorités à vos personnages, investir en recherche et développement pour vos armes, augmenter votre affinité élémentale à une magie…
Mais finalement, ça ne sert à rien, puisque la clé de la victoire, c’est de foncer dans le tas et de taper comme un sourd sur tout le monde. Et si en plus vous avez des grenades, vous pouvez nettoyer une zone en un clin d’œil (d’ailleurs vos ennemis ne fuient pas vos grenades).
En fait, tout dans le jeu paraît accessoire. Tout un tas de mécaniques sont présentées, et en définitive, elles ne servent à rien. Elles ne font que vous maintenir dans une illusion. Vous pouvez visiter la place du marché de la capitale pour acheter des vivres, mais ça ne sert absolument à rien.
Pareil pour les cercles d’affinité qui se créent entre les membres du Vanargand. On sait qu’ils deviennent potes, mais cela ne vous apportera aucun avantage tactique concret. Le jeu propose un système de mort permanente, mais quand un personnage mord la poussière, vous avez une minute pour le relever. Ce n’est pas suffisant pour instaurer une tension quelle qu’elle soit, vu que vos potes se trouvent toujours à deux mètres de vous. Là où Valkyria Chronicles proposait des batailles palpitantes et pleines d’aléas à gérer, Valkyria Revolution vous propose de bêtement taper sur les méchants. Méchants, et bêtes de surcroît.
Oui, l’intelligence artificielle, que ce soit celle de vos alliés ou de vos adversaires, est tellement au ras des pâquerettes que vous aurez envie de vérifier que vous n’êtes pas en train de jouer à Valkyria Anges de la téléréalité. Le jeu ne propose aucun moment de tension, à l’exception de ceux où l’implacable Brunhilde, la Valkyria aux formes girondes, décide de venir vous casser le museau sur le champ de bataille. Et là encore, rien d’insurmontable.
Enfin, le jeu a beau avoir une belle patte graphique, il souffre d’une réalisation d’une mollesse assez affolante. Le jeu est beau, mais son manque de pep’s saute aux yeux et tire vers le bas un travail graphique pourtant de qualité. À cela s’ajoute un scénario qui part bien, mais qui, finalement, n’arrive pas à décoller, engoncé qu’il est dans son classicisme étriqué qui empile les poncifs comme un joueur habile de Jenga. Si l’aspect anime était également présent dans Valkyria Chronicles (vous l’aurez compris, tout de même, que Revolution souffre de la comparaison, hein ?), il avait néanmoins l’avantage d’essayer de s’inspirer plus du film de guerre que de n’importe quel anime.
Oh et bien sûr, le titre n’est pas traduit en français. Mais pour une fois, on va passer outre, parce que même si le langage de certains personnages (comme Ophelia) ne sera pas accessible au tout-venant, avec son phrasé shakespearien, ce n’est pas non plus comme si vous aviez besoin de vous faire perfuser le Harrap’s pour comprendre que si vous appuyez sur la touche d’attaque jusqu’à ce que vos ennemis meurent, vous gagnez le combat.
Une occasion manquée. Une déception. L’aventure n’est pas foncièrement mauvaise, et si vous n’avez jamais joué à Valkyria Chronicles, vous pouvez augmenter la note finale d’un point. Mais quel dommage. Surtout pour un titre qui était attendu par un parterre de fans qui n’auraient jamais cru possible qu’un tel jeu soit développé (on ne peut pas dire que les Valkyria Chronicles soient des succès commerciaux) et encore moins qu’il paraisse dans nos vertes contrées.
Hélas, comparé à son illustre aïeul, Valkyria Revolution fait pâle figure. Il a une jolie coquille, mais il est creux. Ne pouvant choisir entre la stratégie et le bourrinnage, il se prend les pieds dans le tapis et trébuche gauchement. Quel dommage. Espérons que ce faux pas ne mette pas en danger une série qui n’avait vraiment pas besoin de ça.
Hélas, pauvre Valkyria Chronicles ! Je le connaissais, Horacio…