Lorsque nous avons eu la chance l’approcher, au travers d’une version démo toujours disponible, The First Berserker: Khazan nous avait plutôt fait bonne impression. Développé par les sud-coréens de Neople et bien que s’inscrivant dans l’univers de DNF (Dungeon & Fighter), ce nouveau Souls-like reste une production prévue pour se suffire à elle-même. Une recette toutefois vue et revue dans un genre qui peine de plus en plus à se renouveler bien qu’il conserve toujours sa base d’aficionados avides de défis solides.
Ainsi, épousant à bras le corps cette philosophe du « Git Gud » popularisée par les Dark Souls, le studio nous a averti, leur bébé est un jeu hardcore qui ne laisse pas de place à l’à peu près. Un jusqu’au-boutisme de plus en plus présent dans le genre et qui nous avait déjà questionné sur son intérêt durant notre découverte du DLC d’Elden Ring, Shadows of the Erdtree. Ainsi, ne sommes-nous pas au bout, justement, de ce que ce positionnement peut nous offrir ou The First Berserker: Khazan parvient-il à maintenir ce fragile équilibre entre challenge et exaltation ?
(Test de The First Berserker: Khazan sur PS5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
En rouge et noir
Nous sommes donc partis pour accompagner le grand général Khazan, une montagne de muscle tombée en déchéance, torturé et exilé, accusé de trahison par ses anciens alliés, et qui se trouve aussi être la cible d’un Spectrelame, guerrier de l’Outre-Monde, souhaitant s’approprier son corps pour sa quête de vengeance. Deux personnalités, deux destins croisés pour une alliance de circonstance dans la réalisation de leurs objectifs. A-t-on besoin d’en comprendre plus pour se lancer ? Pas vraiment. Globalement même, l’intrigue générale demeure classique, mais ce n’est pas ce que l’on vient chercher dans The First Berserker: Khazan.
On aurait pourtant aimé se faire surprendre sur ce point. Loin du côté énigmatique qu’aiment laisser planer les productions de FromSoftware, tout est ici bien plus explicite. On nous confie même des missions secondaires claires dans ses objectifs dont les enjeux narratifs, quoi qu’à la portée limitée, sont connus dès le départ. Libérer des otages, retrouver le marteau du forgeron, occire un monstre dangereux, on sait dans quoi on s’embarque sans avoir à nous prendre la tête avec des interprétations à comprendre sur un Wiki quelconque. C’est simple, clair, et cela fait du bien.
Structurellement d’ailleurs, le titre se rapproche bien plus d’un Nioh que des productions de FromSoftware et ses quêtes, principales comme secondaires, se traduisent concrètement à une mission à sélectionner sur une carte des niveaux. Point de monde ouvert, on reste sur une base fermée et donc bien plus facilement maitrisable par les développeurs. Cela permet d’ailleurs une plus grande liberté dans les différents designs proposés, qu’il s’agisse des niveaux ou des monstres et boss, sans pour autant chercher absolument une quelconque cohérence.
En ce sens, et bien que, contrairement aux visuels enneigés proposés dans les premières missions, l’on doive dans l’ensemble se contenter de niveaux en nuances de vert et de marron, avec des ambiances très crasseuses et sombre, The First Berserker: Khazan se permet parfois quelques folies, et principalement (mais pas uniquement) dans les designs des monstres, mais nous y reviendrons. Ce qu’il faut surtout mettre en exergue, c’est la direction artistique du titre qui se pare d’un magnifique cel shading collant étonnamment bien à l’univers.
Un style graphique très agréable à l’œil, offrant un effet presque crayonné lorsque l’on regarde les personnages de plus près et qui permet surtout de faire particulièrement bien ressentir la violence des impacts dans les combats par les contrastes apportés à chaque élément. Le sang qui gicle de partout, les jets de poison, les effets visuels lors d’impact, chaque action des différents artistes de cette violente symphonie a sa propre mélodie, permettant ainsi de rendre la partition à la fois jolie et lisible.
Chérie, ça va looter !
Nous l’avons évoqué précédemment, The First Berserker: Khazan se rapproche de la formule pensée par la Team Ninja avec Nioh sur bien des aspects. Le titre fonctionne donc en une succession de missions à sélectionner sur une carte et nous invite à explorer des environnements globalement linéaires mais réservant néanmoins son lot de secrets. Typiquement, et à l’instar des Kodamas d’un Nioh, on retrouve ici les esprits des pots et les âmélithes, de quoi nous sortir de notre ligne droite et de nous pousser à être curieux.
Idem pour le système d’équipement et de loot que l’on récupère par demi-douzaines à chaque ouverture de coffre, destruction d’un adversaire ou même à la moindre caisse brisée (polluant in fine bien vite un inventaire rapidement saturé, mais passons). De quoi ainsi se façonner le build qui nous correspond le mieux, en associant des pièces d’équipement correspondant à un même set par exemple (octroyant ainsi à chaque pièce équipé un bonus supplémentaire) voire même à en modifier certains bonus via un système de forge, de modification et d’amélioration d’équipement.
Une variété et une richesse dingue qui ne parvient toutefois pas à compenser le manque de type d’arme, au nombre de trois seulement. On a beau avoir droit à une palette de coup étendue, à débloquer notamment via divers arbres de compétences, et des combinaisons entre attaques fortes et faibles permettant quelques belles chorégraphies, on aurait aimé avoir plus de choix sur ce point. D’autant qu’en ayant accès à ces types d’arme pratiquement dès le début du jeu, on fini peu à peu par avoir l’impression de stagner, ne débloquant plus grand-chose au fil de nos réussites.
Mais le cœur de l’expérience, ce sont bien ses affrontements, et sur ce point, The First Berserker: Khazan souffle le chaud et le froid. Nous avons particulièrement apprécié le système de combat, sa personnalisation et son approche technique. Tournant autour d’une mécanique de déviation, à l’image de ce qu’avait proposé Sekiro: Shadows die Twice, sans pour autant que ce soit le seul moyen de nous en sortir (l’esquive et les combos en étant d’autres), les affrontements disposent d’un panel de possibilité très appréciable.
Une richesse à mettre en parallèle avec la qualité de son bestiaire. Si les premiers niveaux nous mettent aux prises avec des monstres classiques tant en termes de designs que de paterns, au fur et à mesure de notre avancée dans le récit, nous avons découvert des créatures de plus en plus originales, monstrueuses, étonnantes et, assurément, redoutables. Et que dire des boss. Ceux-ci sont particulièrement réussis, souvent magnifiques, même pour les moins originaux, et disposent d’une palette de mouvement importante. Ainsi, un (long) passage par la case apprentissage est nécessaire afin de les connaitre. Mais n’est-ce pas là tout le sel d’un Souls-like, de nous faire surmonter des épreuves (et le terme n’est pas galvaudé ici) ?
Des larmes de sang
Pour autant, cette difficulté est ici autant ce que l’on attend du genre que ce que l’on a le plus regretté. On ne nous avait pas menti sur la marchandise, The First Berserker: Khazan est dur, vraiment, et chaque fin de mission peut se révéler être un gros stop dans notre progression, et ce dès les premiers boss. Pourtant, les paterns sont vraiment très plaisants à apprendre, à quelques exceptions près, et il est gratifiant de parvenir à parfaitement contrer chaque mouvement de l’enchainement d’attaque de notre adversaire.
Le véritable point de discorde réside surtout dans l’équilibre de ces combats. Malgré nos assauts répétés, on a l’impression de n’être qu’un moustique s’attaquant à un golgoth. Une épreuve d’endurance donc, où chaque erreur peut être la dernière. Car si nos coups peinent à avoir, individuellement, un impact sur sa barre de vie, le boss lui peut nous aplatir en quelques frappes. Ajoutons à cela le nombre assez faible de potions de soin et l’agressivité générale des boss pour provoquer, assez souvent, une frustration bien plus décourageante que galvanisante.
Alors, têtu comme nous sommes, on insiste, encore et encore, et on fini finalement par progresser et par l’achever, parfois in extremis. Et pourtant, loin d’atteindre l’épiphanie attendue suite à une satisfaction débordante, on se rend compte que notre émotion dominante est le soulagement. Enfin débarrassé se dit-on. Alors, quand on en arrive à ce stade, on pourrait se dire qu’il suffit de diminuer le niveau de difficulté dans les paramètres, ne serait-ce que pour les boss les plus récalcitrant (l’équilibre pour les zones et monstres dits « élites » étant satisfaisant), sauf que, étonnamment, bien qu’il soit possible de passer du mode normal au mode facile, l’inverse n’est pas autorisé… Mais quelle idée !
Restent alors les marques d’invocation, permettant d’appeler un allié géré par l’IA moyennant un objet spécifique, afin de nous soutenir durant l’affrontement. Un système plutôt malin d’ailleurs, puisque cet objet peut être récupéré en plus ou moins grande quantité via des spectres à affronter, un peu à la manière des pierres tombales d’un Nioh. Sauf que cette ressource nous sert autant à invoquer un allié pour les boss qu’à améliorer ses statistiques (PV, endurance, force). Il convient donc de bien choisir comment allouer cette ressource, soit la conserver pour pouvoir effectuer plus d’essai avec un allié, soit l’améliorer mais sacrifier une ressource pouvant s’avérer indispensable par la suite.
D’autant que, même à deux contre un, on est très loin de la sinécure. Si nous sommes une chips face à la plupart des boss « majeurs », nos alliés le sont tout autant et il n’est pas rare qu’on finisse malgré tout par nous retrouver de nouveau très rapidement en face à face avec notre bourreau. Alors certes, depuis sa sortie, The First Berserker: Khazan, a déjà bénéficié de plusieurs mise à jour visant à tenter de rééquilibrer l’ensemble, mais nous sommes à notre sens encore loin du compte, à moins d’aimer vraiment beaucoup souffrir, et de plus en plus en avançant dans les chapitres.
Dans l’ensemble, The First Berserker: Khazan, bien qu’il ne nous ait toujours pas transcendé, reste une expérience réussie. Le système de combat ne révolutionne pas grand chose mais mais il fait son job et la mécanique de contre, centrale pour progresser, est particulièrement exaltante (les design sonore et visuel y étant aussi pour beaucoup). Le titre est riche, notamment dans la personnalisation de nos combos et de nos équipements, et généreux (comptez une grosse cinquantaine d’heures pour en voir le bout). Une formule peu originale, certes, notamment héritée des Nioh, mais qui fait parfaitement son office et nous permet de prendre du plaisir lors de l’exploration des zones.
Mais au-delà de ses zones, linéaires et finalement plutôt classiques structurellement, ce sont bien les designs de monstres, et surtout de boss, qui se sont révélés totalement réussis. Portés par une esthétique visuelle réussie et une mise en scène, introduisant ces défis, absolument remarquable, ils sont l’un des principaux intérêts de l’aventure.
Ainsi, The First Berserker: Khazan est donc bien la claque espérée, mais malheureusement pas forcément dans le sens qu’on l’attendait. Brutal et particulièrement difficile, le titre lorgne hélas trop souvent du côté de la difficulté artificielle, en rendant ses boss (principalement) bien trop résistants et puissants pour que nous ayons envie de persévérer encore et encore. Ce n’est pas tant qu’un stop se mette sur notre chemin qui nous a usé, mais le systématisme de ces coups d’arrêt, à chaque mission ou presque.
En l’état, et malgré toutes ses qualités, The First Berserker: Khazan est plus frustrant que satisfaisant et met en avant les limites aujourd’hui béantes d’un genre devenu extrêmement populaire. La difficulté pour la difficulté n’a que peu d’intérêt, et pourtant de nombreux studios, sans doute pour se démarquer, poussent le bouchon toujours un peu plus loin et commencent à franchir la frontière entre l’accomplissement et le soulagement. Et à trop flirter avec cette dernière, on pourrait finir par ne plus être soulager, mais saouler. À bon entendeur.