Faisant suite à Super Meat Boy et initialement prévu pour avril 2019, Super Meat Boy Forever est finalement sorti ce 23 décembre 2020. L’immense succès du premier épisode, écoulé à plus d’un million de copies, mettait une pression certaine sur les épaules de cette suite. D’autant que le jeu s’est fait sans Edmund McMillen (The Binding of Isaac), tête pensante du premier épisode, qui laissait seul son comparse Tommy Refenes avec qui il avait formé la Team Meat.
Alors dans ces conditions, Super Meat Boy Forever fera-t-il honneur à l’excellente réputation de son prédécesseur ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre dans ce test !
(Test de Super Meat Boy Forever sur PC réalisé à partir d’une copie commerciale du jeu)
So we meat again
En 2010 sortait Super Meat Boy, un jeu rétro résolument contemporain : contrôles aux petits oignons, level design malin, courbe de difficulté bien pensée, et direction artistique qui fait mouche. Bref, aucun défaut, et les joueurs ne s’y seront pas trompés. La cote d’amour du titre grimpe immédiatement, en en faisant un classique instantané.
Le jeu sort pendant une période particulièrement propice aux jeux de type hardcore platformer. Spelunky, qui mixait plateformes et metroidvania, avait ainsi montré la voie de la difficulté en 2008. Super Meat Boy et VVVVVV sortiront tous deux en 2010, puis suivront 1001 Spikes, Hollow Knight, Celeste, Cuphead…
Et plutôt que de s’accrocher à cet héritage lourd, et de se mettre la pression qui va avec, Super Meat Boy Forever a décidé de faire différemment. D’abord, exit le style 8 bits. Super Meat Boy Forever est un jeu actuel, avec des graphismes HD, de jolies animations, et un fond de rock’n roll pas chiptune du tout.
Mais surtout, là où Forever marque surtout la différence, c’est que c’est un runner. Genre apparu autour du début des années 2000, le runner fut d’abord pensé comme un type de jeux destiné aux téléphones mobiles, avec un game system qui permettait de pallier l’absence de boutons sur les appareils modernes. Si Canabalt est souvent cité comme étant le tout premier runner, on peut aussi évoquer Robot Unicorn Attack, Temple Run, ou plus récemment Rayman Adventures et Super Mario Run. Dans un runner, on ne contrôle pas le personnage, qui court automatiquement. Impossible de l’arrêter ou de lui faire changer de direction, on n’a souvent qu’une seule commande : le saut.
En reprenant à son compte ce principe, Super Meat Boy Forever réussit le tour de force de complètement se renouveler sans se trahir.
Run Boy Run
On contrôle donc Meat Boy, ou sa fiancée, Bandage Girl. Du moins au début du jeu, puisqu’il sera possible par la suite – et à condition d’être assez doué ! – de débloquer d’autres personnages. Ces deux premiers personnages disponibles n’ont pas de particularité de gameplay, et on les joue de la même façon : barre Espace pour sauter, flèche Bas pour frapper au sol. Les personnages peuvent aussi frapper dans les airs avec un deuxième appui de la barre Espace, ce qui rallonge en même temps le saut.
Le jeu tiendra sur ces trois seules mécaniques, auxquelles le level design de chaque niveau viendra ajouter quelques éléments.
Ainsi, on trouvera dans un niveau des plateformes qui se matérialisent sur notre passage, modifiant la cartographie du tableau, dans un autre, des pierres permettant de changer de direction, ou encore un pouvoir permettant à Meat Boy de se téléporter quelques mètres devant lui, passant ainsi à travers les murs.
À l’issue de chaque monde, et suivant la grande tradition des jeux de plateforme, Meat Boy devra affronter un boss particulièrement retors. Si les niveaux proposent une certaine difficulté, celle-ci est compensée par l’existence de check-point très nombreux, quasiment à chaque écran. Les boss, par contre, doivent se combattre d’une seule traite. Comme tout bon boss de fin de niveau, ces derniers possèdent plusieurs phases faisant varier leur comportement. Mais un échec nous renvoie à la première phase.
Le jeu prend alors une facette musicale, avec une partition à interpréter sans fausse note. L’impossibilité de contrôler les mouvements de Meat Boy (à part le saut) fait qu’il n’y a plus ou moins qu’un seul pattern menant à la victoire, pattern qu’il faudra découvrir et exécuter, souvent au millimètre et au dixième de seconde près. On tâtonnera donc au début, saut après saut, note après note. Si le titre n’est pas un jeu de rythme au sens Dance Dance Révolution du terme, il impose toutefois son propre rythme, qu’il faudra impérativement comprendre et suivre.
On commence souvent les combats de boss en se disant que celui-là est vraiment impossible, avec dans la tête, après sept ou huit morts très rapides, la triste idée d’abandonner. Mais on se voit aussi progresser, lentement, mais sûrement, tenant bon quelques secondes de plus à chaque fois…
The Hard Way
La courbe de difficulté est bien pensée, et après chaque mort, le jeu redémarre instantanément, avec Meat Boy déjà en train de courir droit devant alors que nous, nous en étions encore à rager sur le saut manqué juste avant. Cette absence de temps mort pousse à continuer, façon « allez, un dernier », qui sera en fait rarement le dernier essai !
Difficile, le jeu n’en est pas moins accessible. Peut-être plus que le premier épisode. Chacun répondra au défi qui lui correspond : les joueurs les moins techniques se contenteront de l’aventure principale, quand les complétistes et autres amateurs d’extrême iront chercher les collectibles inaccessibles. Evidemment, le jeu mesure également le temps passé dans chaque niveau pour d’éventuels speedruns.
Nous n’aurons pas parlé de l’histoire, mais chacun aura compris qu’elle est anecdotique. Meat Boy et Bandage Girl ont eu une petite fille, Nugget, qui se fera kidnapper par l’ignoble Dr Fetus. Meat Boy et Bandage Girl se lancent alors tête baissée à la rescousse de leur rejeton, parce que « I would do anything for love », comme le chantait Meat Loaf, autre membre de la famille.
Une histoire racontée par le biais de séquences d’animation bien réalisées, qui permettent aussi de citer, comme dans le premier épisode, quelques références bien senties, comme cette version écureuil du Big Boss de Metal Gear Solid…! Un mot sur la musique, enfin, qui réussit à accompagner efficacement le jeu, mais suffisamment discrètement pour ne pas devenir entêtante à chaque redémarrage (et il y en aura beaucoup !).
Un chantier réalisé sans l’auteur principal, Edmund McMillen (néanmoins remercié dans les crédits) et le report sine die n’auguraient rien de bon pour ce Super Meat Boy Forever. On tient pourtant là un excellent jeu de plateforme, bien pensé et bien construit, qui renoue avec l’essence même du jeu vidéo à l’origine : appuyer sur le bon bouton, au bon moment. Ça paraît si simple dit comme ça…