Dans la nuée de sorties mensuelles, on constate deux types de jeux qui réussissent à se faire remarquer : les gros AAA soutenus par des campagnes marketing intensives, et les indés aux « high concepts » qui créent l’enthousiasme en rendant curieux, comme ce fut le cas pour Inscryption, Balatro, ou ces derniers jours, Blue Prince. Steel Seed ne rentre dans aucune de des catégories.
Alors comment le jeu de Storm in a Teacup (Close to the Sun) peut-il réussir sa sortie ? Peut-être en tablant sur une valeur sure parfois négligée : une réalisation solide et soignée.
(Test de Steel Seed réalisée sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Astro Le Petit Robot
L’humanité a disparu, ou plutôt, s’est suicidé à force de décisions contre-intuitives et court-termistes (ça vous rappelle quelque chose ?). Mais avant que ne se produise l’extinction, un scientifique a pu réunir les connaissances et les ingrédients qui pourraient bien redonner vie à l’espèce. Un scientifique qui n’est autre que le père de l’héroïne, Zoé, qui explorera donc les environnements hostiles du jeu à la recherches des journaux de son père afin de faire renaître l’espèce humaine (sur la pertinence du projet, vu le comportement de l’espèce en question, Steel Seed ne dira rien !).
Si le thème est d’actualité, on ne peut pas dire que l’histoire de Steel Seed déborde d’originalité. C’est Horizon, déjà lui-même pas particulièrement salué pour son scénario ; c’est Gunm/ Alita Battle Angel, aussi. Car Zoe n’est pas exactement une fille, mais une créature cybernétique dont la part d’humanité sera l’un des enjeux du scénario, et les capacités hors-normes les appuis du gameplay.
De Mario 64 à Batman Arkham
Le titre se présente comme un jeu d’infiltration action. On enchaîne les phases de plateforme en 3D incluant tous les éléments habituels du genre (doubles sauts, wall run…), les capacités de Zoe évoluant au fur et à mesure de l’histoire, offrant de nouvelles mécaniques de jeu et rafraichissant à chaque fois un peu la formule.
Le complétiste pourra d’ailleurs retourner visiter les niveaux passés équipé de ses nouveaux pouvoirs pour amasser les collectibles et s’offrir encore de nouveaux pouvoirs ou des skins pour l’héroïne.
Une fiche de personnage est ainsi présente dans laquelle on peut dépenser des points d’expérience pour renforcer les capacités de Zoe. Mais ces nouvelles capacités ne seront disponibles « à l’achat » qu’après avoir réalisé certaines missions (avoir éliminé X ennemis d’un certain type, avoir utilisé X fois tel ou tel outil…). Rien de spécialement nouveau, mais une contrainte bien vue qui pousse à explorer tous les aspects du jeu.
Entre deux phases de plateforme, on trouvera l’autre mécanique centrale du jeu : des arènes surveillées par des androïdes hostiles. Le titre bascule alors vers le jeu d’infiltration à la Batman Arkham Asylum, avec un ensemble d’éléments de gameplay souvent, là encore, déjà vus, mais néanmoins rondement exécutés. Le nombre d’outils dont dispose Zoe (et qui augmente avec le temps) permet de mettre en place différentes stratégies, et chacun pourra aborder ces arènes de la façon qui lui correspond le mieux (même si la version « bourrin » est généralement un peu suicidaire).
On peut bien entendu se faufiler silencieusement derrière les ennemis pour les éliminer, mais on peut aussi placer des mines sur leur passage, provoquer des accidents en faisant tomber des caisses qui viendront écraser les gardes, créer des zones de « glitch » dans lesquelles on se rend invisible, pirater les androïdes pour qu’ils s’attaquent entre eux…
La petite originalité du titre s’appelle Koby (comme le bipeur du début des années 90, concurrent du Tam-Tam). Il s’agit d’un petit drone qui nous accompagne et dont on peut prendre le contrôle façon « fpv » afin de survoler les arènes, marquer les ennemis, et piéger les zones, les outils de Zoe étant utilisables aussi bien par l’héroïne que par son compagnon volant.
Armageddon
Un peu comme pour le reste du jeu, les décors ne brillent pas par leur originalité, mais sont suffisamment diversifiés pour ne pas ennuyer le joueur : complexe industriel, désert minéral, jardin luxuriant…
La mise en scène et le gameplay sont ponctués de scènes que l’équipe de développement a baptisées « Michael Bay » en raison de leur caractère explosif ! Des passages plutôt fun de course contre la montre dans lesquels tout pète, les décors s’effondrent… Des virgules bienvenues qui viennent casser le rythme plateforme-arène-plateforme-arène-plateforme…
On pestera d’ailleurs sur un niveau incompréhensible, avec un très gros pic de difficulté dans lequel il s’agit d’affronter en face à face (pas de mécaniques d’infiltration possible ici) des vagues d’ennemis relativement puissants. On n’a pas compris ce passage qui survient au 2/3 du jeu, après que celui-ci nous a poussé jusque-là à utiliser des outils de discrétion. Notre personnage n’est donc que peu préparé à ce type de combat, et on avoue être passé à deux doigts de tout lâcher sur ce niveau. Heureusement, ce fut la seule fois, et un passage ponctuel en mode « facile » (possible à la volée) a fini par résoudre le problème.
Z comme Zoe
Il faut enfin glisser un mot sur le personnage de Zoe, graphiquement très réussi. C’est un personnage clairement féminin, dans sa silhouette et ses animations, mais ses auteurs ont su éviter l’écueil du personnage outrageusement (et inutilement) sexualisé.
Peu, voire pas, de peau apparente, pas d’armure en forme de porte-jarretelles ou autre imbécillité du genre, et pas de poitrine démesurée, au contraire. Le personnage possède un physique qui, sans renier son genre, tient plus de la force que de la séduction.
Pensons que 1/ son créateur est son père, et on imagine mal un parent offrir un look à la Eve de Stellar Blade ou à la 2B de NieR Automata à sa propre fille ; et 2/ l’humanité est éteinte, et Zoe n’a de toute façon plus personne à séduire ! Et ajoutons que 3/, du côté des joueurs, cela fait aussi du bien de temps à autres de pouvoir aborder un personnage féminin sans male gaze ou autre arrière-plan malsain.
Steel Seed ne vient pas bouleverser quoi que ce soit. Cependant, c’est un jeu AA solide et soigné, au gameplay efficace et bien géré. Les amateurs d’infiltration seront heureux de retrouver un jeu de ce genre trop peu représenté, et aussi bien exécuté. La réalisation et l’optimisation sont elles aussi à souligner : nous avons presque intégralement réalisé ce test sur un ROG Ally, et à part quelques (très) rares passages où le jeu a pu subir ponctuellement et très temporairement des ralentissements assez gênants, l’expérience fut globalement convaincante.
Il faut d’ailleurs ajouter que le jeu a été retardé pour être encore optimisé, et ces soucis (vraiment ponctuels, on insiste) auront donc probablement complètement disparu lors de sa sortie. Parfois, ça fait aussi plaisir de retrouver un jeu qui, sans renverser la table, est « juste un bon jeu », ce qui est déjà pas mal !