Le mois de juin est déjà bien entamé, et le Tour de France est en approche. Comme chaque année, c’est le moment choisi par le studio Cyanide, nouvellement accompagné de l’éditeur Nacon, pour présenter sa nouvelle itération de Pro Cycling Manager, sobrement intitulée Pro Cycling Manager 2024.
Véritable ode au cyclisme et oeuvre d’une complexité folle, la saga est à la petite reine ce que Football Manager est au football, la référence du genre. Les heures de jeu s’enchainent souvent sans qu’on s’en rende compte, et bien qu’extrêmement frustrant par moments, il est quasiment impossible de ne pas prendre plaisir à se plonger dans la peau d’un directeur sportif, que ce soit pour une étape ou pour une carrière.
Malheureusement, depuis quelques années, la saga a la fâcheuse tendance à se reposer sur ses lauriers et ne propose que de rares évolutions de plus en plus insuffisantes. Une critique facilement transposable à de nombreux jeux de sport au rythme de sortie annuel, à l’instar de NBA 2K ou feu FIFA, EA Sports FC. Alors, Pro Cycling Manager 2024 a-t-il les moyens de surprendre les fans de cyclisme que nous sommes, ou n’est-il qu’une nouvelle mise à jour des effectifs vendue au prix fort ?
(Test de Pro Cycling Manager 2024 réalisé sur PC à partir d’une version fournie par l’éditeur)
http://www.youtube.com/watch?v=SKwUpwRhY4U
Complet comme Wout Van Aert
Pour les novices, replaçons un peu le jeu dans son contexte. Contrairement à son cousin éloigné Le Tour de France, résolument axé arcade et ciblé presque uniquement sur la gestion de coureurs en course, Pro Cycling Manager n’est pas fait pour tout le monde. Il demande une connaissance vraiment poussée du monde cycliste et de ses coureurs, de son économie, de la gestion d’un effectif et du déroulement d’une course d’un jour ou à étapes.
En clair, n’imaginez pas gagner la moindre course si vous n’avez pas une base de culture cycliste. Oui, Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard et Mathieu van der Poel sont au dessus du lot. Mais si vous ne respectez pas la vérité de la course, vous allez au devant de grandes désillusions.
D’autant que le jeu n’a jamais été aussi complet et les possibilités de gestion sont énormes. On regrettera d’ailleurs un manque d’accompagnement pour les novices. Toutes les équipes sont là et tous les coureurs sont présents sur la ligne de départ. Et que dire de la quantité énorme de courses proposées. Avec toutes les épreuves World Tour, Pro Tour et les championnats nationaux, des centaines d’heures de jeu vous attendent si vous décidez de participer à toutes les compétitions proposées en mode carrière. C’est de loin le mode le plus réaliste, celui qui fait le sel de Pro Cycling Manager.
Comme chaque année, la magie a rapidement opéré, et soyons honnêtes, on a encore parfois du mal à se l’expliquer. Le jeu n’est pas particulièrement beau, le moteur graphique n’ayant d’ailleurs pas évolué depuis des années, et les menus restent toujours aussi austères. Et que dire des commentaires audios non renouvelés depuis plusieurs épisodes et de l’IA encore difficilement lisible ?
Ça fait beaucoup de défauts, connus et reconnus depuis des années. Mais en tant que fan de cyclisme, comment ne pas être aux anges devant l’abondance de contenus sous licences officielles et l’adrénaline ressentie devant notre écran à l’approche d’une arrivée au sommet ? L’excitation à l’approche des grandes échéances reste intacte, surtout que les parcours sont parfaitement respectés et modélisés. Enfin, à condition d’avoir le PC pour booster les caractéristiques visuelles à fond, sinon, vous risquez fort de déchanter devant des cols hors catégories vides de tout public, voire de toute végétation.
Couru d’avance comme le giro de Tadej Pogacar
Vous l’aurez compris, Pro Cycling Manager 2024 ne change encore une fois quasiment rien à sa formule. Si vous connaissez la franchise depuis peu, vous ne serez pas surpris mais prendrez sans doute beaucoup de plaisir. En revanche, si vous la connaissez depuis plus longtemps, vous commencerez peut-être même à être déçus.
Les nouveautés se comptent sur le doigt de la main et ne changent pas fondamentalement le plaisir de jeu, pour la simple et bonne raison qu’elles concernent plus la partie administrative que le gameplay. Oui, le système de sponsors a été revu pour une immersion encore plus forte. Les sponsors principaux de vos équipes comme Visma-Lease a Bike, FDJ ou Movistar pour ne citer qu’eux, surveillent maintenant de près la réussite des objectifs fixés en début de saison.
Des objectifs non atteints, et ils pourraient bien quitter le navire à la fin du contrat, entrainant par la même un changement de nom pour votre équipe. C’est sympa, ça rajoute une petite pression lors des courses ciblées, mais ça ne change pas fondamentalement l’expérience de jeu. Et c’est à peu près tout. Si l’éditeur avait promis une gestion particulière de l’IA dans les secteurs gravel de plus en plus présents sur les courses World Tour, nous n’avons rien ressenti de tel en direct.
Vieillissant comme Christopher Froome
Pro Cycling Manager 2024 est quasiment un jeu jumeau de celui de l’année passée. Mais plus embêtant, la version 2023 était également jumelle de celle de 2022, et on a l’impression qu’on pourrait continuer la suite quelques années encore. Pris en solo, oui, Pro Cycling Manager 2024 est loin d’être un mauvais jeu. Mais on se doit d’ouvrir le débat, comme on l’a fait pour le dernier Call of Duty par exemple, en replaçant le jeu dans l’entièreté de la franchise et du marché, et c’est là que le bat blesse.
Novice, foncez. Habitués, tournez-vous plutôt vers une mise à jour de la base de données, facilement trouvable. Le jeu n’arrive plus à créer le sentiment d’attente nécessaire pour se jeter à corps perdu dans l’aventure, la faute à une expérience de jeu sans nouveautés marquantes. Il suffirait peut-être de revoir le moteur graphique pour capter de nouveau notre attention, mais Cyanide en a t-il les moyens ?
À force de se reposer sur ses lauriers et de ne presque rien proposer de nouveau depuis plusieurs années, Cyanide commence doucement à jouer avec le feu et les nerfs de ses joueurs. Car si même les fans de cyclisme commencent à ressentir de la lassitude, on a du mal à imaginer d’autres profils de joueurs se diriger vers ce Pro Cycling Manager 2024.
Bien sûr, le titre reste la référence du jeu vidéo de cyclisme et dire que nous n’avons pas pris de plaisir à diriger notre équipe durant nos longs mois de carrière serait un mensonge. Malgré tout, difficile de conseiller cette nouvelle mouture tant la sensation de copié-coller des éditions précédentes ne nous a pas lâché d’une semelle durant notre aventure. Si vous n’aviez pas posé la main sur le jeu depuis plusieurs années, vous y trouverez sans doute votre compte. Dans le cas contraire, l’édition 2023 sera largement suffisante pour trouver votre plaisir et vous économiser 40 euros.
Manque de temps, d’ambitions, d’idées ou de moyens, difficile de le dire. Une chose est sûre, Pro Cycling Manager 2024 nous amène à une interrogation qu’on aurait préféré ne pas avoir à poser: est-il temps pour la franchise de faire une pause pour revenir plus forte et ainsi provoquer l’attente chez les joueurs ?