Vingt-cinq ans d’existence. C’est plus de temps qu’il n’en faut pour prendre des habitudes. Indéniablement, si c’est le cas pour nous tous, ça n’en est pas moins le cas pour des concepts ou des univers, un point que semble bien confirmer Pokémon. En effet, pour Pikachu et ses potes, la machine est bien huilée. Nous pourrions parler du principe formulaïque qui se répète d’une génération sur la suivante, mais non, préférons plutôt cet appareil commercial qui accompagne la série. Attention, nous n’en disons pas du mal (pas ici). Il y a des avantages à cette méthode : une génération inédite tous les deux ou trois ans et entre deux épisodes, des spin-off et expériences originales pour renforcer l’implication des fans ou un remake profitant des progrès récents de la technique, c’est très bien. Et naturellement, un chemin tout tracé qui nous mène cette fois à Pokémon Diamant Étincelant et Perle Scintillante,les révisions très attendues de la quatrième génération.
Et pourtant, l’attente a laissé place à l’inquiétude assez rapidement avec ces remakes. En effet, dès leur première apparition au cours du Pokémon Direct du 26 février, la communauté de fans s’est crispée puis scindée en découvrant la direction prise par ces révisions, aussi bien sur le plan graphique que sur l’approche générale, et un malaise qui s’est poursuivi au-delà de la sortie de ces remakes (malgré des ventes toujours aussi élevées). Donc, quelque temps après avoir digéré l’expérience que nous offrent ces jeux, voici notre avis sur ce dyptique. L’achat en vaut-il la peine ? Faut-il attendre ? Passable ou indispensable ? Peut-on tirer des conclusions sur l’avenir de la série ?
(Test de Pokémon Diamant Étincelant sur Switch réalisée à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Un remake hommage
C’est acté dès l’achat avec un jeu estampillé Pokémon (à quelques exceptions près), la cartouche sera l’occasion d’explorer une région, de capturer et répertorier la faune et la flore, de collectionner des badges en battant les huit champions régionaux avant de finir par défaire le Conseil des 4 et son maître. Sans surprise, Pokémon Diamant Étincelant et Perle Scintillante, étant des remakes, n’y font pas exception. Comme en 2007 donc, les joueurs seront invités avec ce titre à retourner sur les terres mythiques de Sinnoh afin de remplir l’objectif ultime de tout dresseur de Pokémon : devenir le meilleur « like no one ever was ». Une familiarité qui se retrouve donc aussi bien dans le ton que dans la forme.
Autant prévenir directement, s’il arrive que des remakes se prennent les pieds dans le tapis à trop vouloir s’éloigner du matériel original, ce n’est pas le cas de ceux-ci. En vrai, on aura rarement vu un remake aussi jusqu’au-boutiste dans sa fidélité, si bien que, pour quiconque ayant déjà fait le voyage sur Nintendo DS, Pokémon Diamant Étincelant et Perle Scintillante a tout du voyage dans le temps. De Bonaugure à la Route Victoire, ces routes et cavernes, ces falaises escarpées, ces monstres, ces thèmes musicaux, les concours ou même les Poffins… Tout est exactement à la même place, un sens du détail qui s’applique à la moindre fleur et à la moindre touffe d’herbe.
Et puisque rien ou presque n’a changé, le meilleur point selon nous de ces versions fait également son retour : le post-game. Oui, on a conscience de l’ironie du fait de vous « vendre » un jeu en partant de sa fin, mais autant se rendre à l’évidence : qui ici joue à Pokémon pour son scénario ? Probablement personne et ce n’est pas avec cet épisode qu’il faut commencer. Ceci dit, une fois au terme du scénario, entre l’ouverture du Pokédex international, la possibilité d’affronter des versions améliorées des différents dresseurs, champions ou de la Ligue, la Tour de Combat, le Grand Souterrain ou la chasse aux bestioles chromatiques, un joueur trouvera plus qu’il n’en faut pour ajouter des heures au compteur. Enfin, à la condition qu’il arrive à faire l’impasse sur ces quelques points…
Un remake outrage ?
Vous l’attendiez, la voici : nous parlons de la direction artistique de la partie exploration. Elle en aura fait couler, de l’encre… Et pourtant, ce n’est pas si mal que ça. Vous n’aimez pas les petits personnages à grosse tête ? Vous trouvez qu’ils décrédibilisent certains moments iconiques du jeu ? Effectivement, Helio ou même Cynthia font presque pitié sous forme de pion d’échec. Cependant, ce choix, loin des canons de beauté actuels, permet de conserver un rendu proche de celui de l’original tout en permettant de garder le système de cases, base de bien des aspects du jeu (nombre de pas, Poké Radar, etc.). Et si nous lui préférons volontiers l’approche esthétique de Pokémon Let’s Go ou de Zelda: Link’s Awakening sur Switch, on reste sur un produit propre et coloré avec des effets visuels particulièrement réussis (l’eau est sublime !).
Non, ce qui nous embête, ce n’est pas l’habillage, mais plutôt la proposition. Déjà, saviez-vous qu’il existe un meilleur moyen de découvrir Sinnoh qu’avec Diamant et Perle ? Oui, bien sûr que nous parlons de Pokémon Platine. Sorti deux ans après les versions modèles, Platine corrigeait bien des écueils de ses aînés. Meilleure répartition des monstres, l’ajout des évolutions introduites dans le Pokédex régional (Mammochon, Scorvol, Maganon, etc.), scénario légèrement étoffé (offrant d’ailleurs un peu plus de temps à Helio, le leader charismatique de la Team Galaxy), nouvelles créatures et défis… Bien des éléments sur lesquels ces remakes font l’impasse en privilégiant les versions Diamant et Perle comme base. Franchement, qu’est-ce que ça aurait coûté de plus au studio ?
Du temps de travail, sans doute ? Vous savez, comme le débogage par exemple… C’est probablement un des points qui nous a le plus frustrés avec ce jeu… Alors oui, on peut se plaindre des graphismes ou du fait que Pokémon Diamant Étincelant et Perle Scintillante privilégient les versions incomplètes de Diamant et Perle plutôt que Platine, mais on n’arrive pas à excuser que la compagnie qui possède la licence multimédia qui rapporte le plus au monde laisse sortir un jeu dans cet état. On parle de bugs permettant de franchir les murs, de copier monstres et objets, et que dire d’un jeu qui n’est même pas fichu de gérer l’axe Z convenablement (on ne vous parle pas du nombre de fois où passer sous un pont nous fait apparaître au-dessus de ce dernier…), et ce dès le début, comme le confirmait alors le patch disponible à la sortie…
On est en 2021, b#rdel
Pardon, on corrige : ce qui nous a le plus gonflés, c’est le traitement du jeu en ligne. Pitié, qu’on n’essaie pas de nous faire croire que ces remakes sont soignés… En 2007, Pokémon Diamant et Perle introduisaient le GTS, un lieu où faire des échanges avec les joueurs du monde entier, mais aussi une bourse. Ainsi, il était possible de déposer des monstres avec une liste de demandes et si l’offre intéressait un joueur, vous pouviez récupérer la bête que vous souhaitiez. Inutile de préciser que ça changeait la donne quand on n’avait ni pote ni câble Link. Ici, une salle locale ou en ligne pour les échanges où seuls deux joueurs peuvent se réunir, pas de moyen de discuter sans donner de surnom à ses monstres. C’est comme ça qu’on rend hommage ? Heureusement, il existe des communautés de joueurs sur internet pour vous aider à arriver à vos fins, mais c’est dommage qu’il faille avoir un PC ou un portable pour que le jeu soit complet…
Et côté nouveautés, alors ? Vache maigre… Comparé aux autres remakes, Pokémon Diamant Étincelant et Perle Scintillante font tâche. Chacun des remakes précédents tirait clairement partie des nouveautés de l’époque en plus de revoir le look du jeu. Même Let’s Go ajoutait de nouvelles mécaniques et la possibilité de chevaucher ses monstres. Ici, on vous offre des Pokémon légendaires que vous avez probablement en dizaines d’exemplaires (les trois premières générations), des possibilités de relooker votre avatar ou vos Pokéball et rien de plus… Difficile de défendre le cas d’un remake qui fait moins bien qu’un jeu sorti en 2009. Sauf si on parle du Grand Souterrain.
Changement de formule et d’ampleur pour le Souterrain de Sinnoh. S’il est toujours bien question d’explorer des galeries à la recherche de fossiles et d’objets rares, il est aussi possible d’y chasser du Pokémon seul ou entre amis (inconnus). En effet, le Souterrain abrite désormais des salles de monstres où les créatures déambulent librement (comme dans les Terres Sauvages). Mieux, grâce aux décorations de votre Base Secrète (aussi de retour), vous pourrez influencer les types de monstres que vous pourrez croiser pendant votre exploration. Ceci dit, on regrette l’abandon des objets standards de décoration (chaises, tables et tapis) au profit des statues de monstres. Bon, ça et le fait qu’il devient possible de capturer des monstres inconnus à Sinnoh avant d’être passé par la Ligue, ce qui rend inutile l’exploration à la surface…
Enfin, on ne peut se quitter sans faire un petit inventaire des ajouts mineurs de ces révisions, piochés à droite et à gauche dans la série (d’autant que certains peuvent vraiment diviser, on vous laisse juge). Déjà, comme pour Pokémon Épée et Bouclier, le Multi. Exp. est activé d’office. Si certains se plaignent que ça rend le jeu trop simple (faux, Pokémon l’a toujours été), il faut admettre que ça rend la complétion du Pokédex plus agréable. Toutefois, on aime moins l’ajout des effets d’amitié qui brisent un peu l’expérience de jeu (vos monstres esquivent ou se soignent de leurs altérations d’état par amour) en plus de considérablement ralentir les combats. Pour finir, la disparition des CS au profit d’une application Pokémontre est plus que bienvenue tant les joueurs semblent avoir oublié à quel point jongler entre ces CSclaves était usant à l’époque…
En conclusion, ça se dit brillant, mais ça ne l’est pas vraiment. Pokémon Diamant Étincelant et Perle Scintillante ne font guère plus que remettre une couche de paillettes sur les versions imparfaites de l’époque. Si ces remakes proposent bien une expérience solide et fidèle aux jeux originaux (jusqu’au-boutistes dans cette démarche, d’ailleurs), il est difficile de ne pas voir ici une tentative désespérée de mettre quelque chose en rayon à Noël tant ces épisodes manquent d’amour et de soin (un reproche que nous adressons plus volontiers à la Pokémon Company plutôt qu’à ILCA, qui ne fait probablement que répondre à une commande).
Notre déception est d’autant plus grande que, après Épée et Bouclier, ces titres auraient pu (dû) voir plus loin. Pourquoi ne pas faire apparaître les monstres sur la carte ? Faire disparaitre les CT ? Proposer des modes en ligne décents (une honte pour le remake du jeu ayant introduit le GTS) ? Pourquoi abandonner l’échange magique ? Des griefs simples sans même avoir à parler des nombreux bugs qui ruinent l’expérience et la rareté de certains monstres.
On peut au moins se consoler avec le post-game, les environnements charmants et colorés de Sinnoh et surtout le Grand Souterrain, mais entre nous, si vous avec Pokémon Platine, vous feriez mieux de retourner à Sinnoh avec cette version. Prions pour que Légendes Pokemon : Arceus relève un peu la barre…